Douze ans après la signature des contrats avec l’américain Acrow Bridge et le français Ellipse Projects, le projet de pose des ponts en sections préfabriquées modulaires en acier va-t-il enfin trouver sa vitesse de croisière. Oui, affirme Emmanuel Nganou Djoumessi, Ministre des Travaux Publics (MINTP).
Dans un communiqué rendu public ce 27 février, le membre du gouvernement annonce la réception « dès la fin du premier trimestre 2024 » des premiers ouvrages. Actuellement, 10 projets sont en cours de réalisation, pour 668,401 mètres-linéaires.
D’ailleurs, rappelle Emmanuel Nganou Djoumessi, « un pont a déjà été installé sur la rivière Bella à Elogbatindi ». Longue de 36,43 mètres-linéaires, l’infrastructure est située dans la commune de la Lokoundjé dans le département de l’Océan.
Cet ouvrage reste à ce jour le seul construit en douze ans, période de signature des contrats commerciaux entre l’Etat du Cameroun et les deux entreprises Acrow Bridge et Ellipse Projects (c’était en 2012).
Si le ministre des Travaux Publics se montre optimiste quant à la réception d’une partie de ces dix projets, des inquiétudes persistent cependant quant à la capacité de l’Etat à porter ce projet à terme. Plus d’une décennie après, le projet a déjà consommé plus de 35, 148 milliards de FCFA sur les 45, 069 milliards de FCFA de budget.
Pour comprendre pourquoi les ponts en sections préfabriquées modulaires en acier peinent à être réalisés, il faut remonter en 2012.
Pour désenclaver les zones séparées par des cours d’eau, l’Etat du Cameroun signe des contrats avec les deux entreprises. L’un, avec Acrow Bridge pour la fabrication et la fourniture de 2 096 mètres-linéaires d’éléments métalliques destinés aux tabliers de ponts. Le projet porte sur une enveloppe d’environ 37,272 millions de dollars (autour de 22, 525 milliards de FCFA) accordés par Eximbank US.
Un autre projet est signé avec le français Ellipse Projects. Il porte sur la conception, les études techniques environnementales ainsi que l’aménagement des accès et le raccordement des ouvrages au réseau routier national. Le projet intègre aussi la construction des fondations et des appuis, et l’installation des tabliers des ponts. Coût du projet : 34,369 millions d’euros (plus de 22, 544 milliards de FCFA), apportés par la Société Générale France.
En 2019, soit sept ans après la signature des deux contrats, les travaux sont à l’arrêt. « Il convient de souligner que l’exécution continue du projet a été confrontée à des limites, notamment, l’arrivée à échéance des dates de décaissement des crédits en juin 2019, avant l’achèvement des travaux. Ce qui a entraîné l’arrêt des décaissements du financement extérieur, la variation du nombre d’ouvrages à livrer et à être installés en raison de l’affinement des études techniques, les contraintes fiscales et douanières de l’entreprise Ellipse et de ses sous-traitants, les conditions sécuritaires dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et la faible capacité de l’entreprise Ellipse à pré-financer les travaux », explique Emmanuel Nganou Djoumessi.
Pendant deux ans, l’Etat et ses deux partenaires étudient les pistes d’une reprise des travaux. En juillet 2019 Olivier Picard, le Directeur général d’Ellipse Projects fait le déplacement de Yaoundé, pour donner des assurances au gouvernement camerounais. Notamment sur la question des sous-traitants, des défaillances chez certains, et des défauts de paiement chez d’autres.
Dans une interview accordée à BOUGNA, Oilivier Picard explique. « C’est toujours difficile, quand on dit qu’on a des problèmes avec les sous-traitants. Nous avons eu des problèmes avec un certain nombre de sous-traitants. Il y a eu des erreurs dans la sélection d’un certain nombre de sous-traitants. C’était plutôt il y a 12 mois. Aujourd’hui, nous sommes globalement extrêmement satisfaits des nouveaux sous-traitants avec qui nous travaillons, et nous comptons toujours travailler avec eux pour finir notre projet ».
« Comme vous le savez, certains ponts ont été achevés, et vont être en fonctionnement dans les semaines qui viennent. Nous avons aujourd’hui des sous-traitants qui sont extrêmement fiables, en lesquels nous avons extrêmement confiance. C’est pour cela que nous avons une grande confiance sur le fait de pouvoir achever le projet d’ici à la mi-2020. Ce que je crois, la population du Cameroun attend », conclut-il.
Mais le projet ne sera pas achevé en 2020, ni en 2021. Las d’attendre, l’Ingénieur de l’Etat (Mintp) procède, en juin 2022, à la résiliation pure et simple du contrat avec Ellipse. A ce moment, l’entreprise a déjà consommé 37,29% des financements mobilisés, ajoutés à ceux-ci, les 20% d’avance de démarrage. Calculatrice en main, c’est donc plus de 12, 917 milliards de FCFA qui ont été virés dans les comptes de l’entreprise française.
Dans la foulée, des contrats sont signés avec des entreprises camerounaises pour la poursuite des travaux. Dix d’entre elles sont sélectionnées à l’issue d’un appel d’offres. En fait, la partie concernant la fabrication et la fourniture des éléments métalliques étant presqu’achevée, le gouvernement ne trouve plus nécessaire de contractualiser d’autres acteurs que ceux exerçant sur le marché local.
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Le financement des travaux, jadis adossés sur des financements extérieurs, est désormais adossé sur le Budget d’Investissement Public (BIP). Mais, confient certaines sources généralement bien informées, le gouvernement pourrait avoir des difficultés à tirer des financements du BIP pour supporter ces travaux. Une version en partie confirmée par le ministre des Travaux Publics, qui explique que « Pour achever les travaux, le gouvernement a entrepris des démarches auprès de la Société générale France et de Eximbank US, pour le décaissement des fonds non consommés, dans le but de poursuivre l’exécution, les éléments métalliques étant déjà livrés ».