AGL restera sur le continent, et continuera à l’accompagner dans sa marche vers le développement. C’est l’essentiel à retenir de l’interview qu’a accordé Philippe LABONNE, président de Africa Global Logistics (AGL), au magazine panafricain Jeune Afrique.
Dans un contexte marqué par la multiplication des crises (Covid19, crise russo-ukrainienne, crise en Mer Rouge, situation au Moyen-Orient et crise au Sahel), la filiale du groupe italo-suisse MSC n’a pas d’autres intentions que de s’adapter.
« Ces dernières années, nous avons bien compris que le monde était de plus en plus imprédictible. Nous avons eu le Covid, nous avons la guerre en Ukraine, nous avons également la situation au Moyen-Orient et ceci implique que la chaîne logistique s’adapte », a-t-il expliqué.
L’exemple de la crise sanitaire mondiale est l’un des plus illustratifs. Dans un monde où les Etats avaient fait le choix de fermer leurs frontières, AGL a su maintenir les liens. Notamment en continuant à alimenter le monde en vaccins.
Avec la crise sécuritaire en mer Rouge, les compagnies maritimes passent maintenant par le cap de Bonne-Espérance. Le parcours est plus long, aller-retour, de 20 jours, et effectivement cela coûte plus d’argent aux compagnies maritimes et donc à la fin aux clients.
Mais, analyse-t-il, « L’Égypte (qui contrôle le Canal de Suez Ndlr.) reprendra sa position géographique le moment venu. Je pense qu’aujourd’hui, il faut rester en Égypte, être patient, baisser la voilure si nécessaire et bien regarder aussi les atouts du pays et son potentiel dans l’émergence du continent africain ».
Crises au Sahel
Alors que les vagues d’attaques se multiplient en Mer Rouge, dans le Sahel, il y a comme une tempête de sable qui sème la division. Sortis de la CDEAO, le Mali et le Burkina Faso (pour ne citer que ceux-là) multiplient des initiatives anti-communautaristes et profondément anti-européennes.
Philippe LABONNE, reconnaît que la situation politique a effectivement un impact sur le fonctionnement des affaires. « Dans ces cas-là, les acteurs réagissent avec une certaine inertie, notamment dans les commandes. Ensuite, les armateurs s’adaptent et commencent à ne plus effectuer de chargements pour le Niger. Donc vous avez effectivement une activité qui baisse. Cela a été le cas du port du Bénin, c’est aussi le cas au Niger. Nos activités au Bénin n’ont pas été affectées significativement, mais nous ressentons une baisse sensible dans les volumes du port de Cotonou. En ce qui concerne le Niger, la bonne nouvelle est que les États de la Cedeao ont décidé de lever les sanctions et le pays doit reprendre son chemin dans l’économie régionale », analyse-t-il.
Mais, au moment où certains acteurs se retirent, AGL « essaye de resserrer la voilure, tout en souhaitant rester dans le pays pour desservir notamment les acteurs du monde agro-industriel ». Car précise-t-il, pour lui, il faut rester aux côtés des populations, des entreprises.
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« Nous avons parmi nos grands clients les producteurs de coton et nous assurons l’évacuation de la quasi-totalité de la campagne de coton du Burkina Faso et du Mali. Les gens continuent à travailler, à se nourrir. Il est important aussi que nos salariés continuent de pouvoir travailler », ajoute-t-il.
Au Mali par exemple, AGL opère sur plusieurs ports secs, et est le logisticien des grandes compagnies cotonnières. « Nous allons rester dans le pays. Je pense qu’il y a deux temps, celui de l’économie et celui du politique, et les acteurs économiques doivent comprendre qu’il faut laisser du temps aux politiques pour résoudre leur équation », a-t-il conclu sur cette question.
S’agissant du sentiment anti-français développé dans le Sahel, Philippe LABONNE a souhaité mettre en avant le savoir-faire des entreprises françaises. « Sur le continent, d’Est en Ouest, du Nord au Sud, les entreprises françaises sont extrêmement appréciées. Elles ont cette spécificité d’être humanistes : l’homme est au cœur de tout et l’attention que nous portons aux communautés est très importante. Aujourd’hui, il n’est pas question de bannissement ou de retrait des acteurs français d’Afrique », a-t-il lancé.
Avant de rappeler que « pour notre part, nous allons poursuivre nos investissements en Afrique et nous sommes convaincus que les acteurs économiques sur le continent ont leur rôle à jouer pour contribuer à sa prospérité, à créer de l’emploi pour les jeunes, à les former et à permettre à l’Afrique de développer son commerce intra-africain. Encore une fois, c’est une condition de la prospérité et de la paix…la vision du groupe MSC : l’Afrique est une nouvelle frontière du développement. Aujourd’hui, le continent africain représente 3 % du commerce mondial. Et quand on sait que sa population représentera un quart de la population mondiale en 2050, on imagine le potentiel de développement de ce continent ».
ZLECAf
Depuis un an, les Etats africains se déploient pour la mise en place effective de la Zone de Libre-Echange Continentale africaine (ZLECAf). Sujet d’intérêt pour AGL, le commerce intra-africain représente aujourd’hui 20% du commerce sur le continent, mais moins de 1% du commerce mondial.
Pour Philippe LABONNE, « la marge de progression est immense ». Mais pour y parvenir, les africains doivent prendre connaissance d’une réalité : « Le premier marché de l’Afrique et des États africains, cela doit être l’Afrique elle-même ». Il faut donc, à son sens, une réelle volonté politique.
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Car, a-t-il déclaré : « les entreprises françaises peuvent apporter leur expertise mais elles ne peuvent pas apporter la volonté politique. Donc il appartient aux États africains de faire en sorte que la volonté politique s’applique. Nous ne pouvons que partager notre expérience en matière de gestion de corridor, de transfert des marchandises et de gestion de l’information le long des flux. Nous pouvons aussi sensibiliser, à notre échelle, sur la nécessité de fluidifier la circulation des marchandises et de montrer comment cela peut participer à la prospérité des économies et à la création d’emplois ».
Stratégie
Africa Global Logistics restera donc sur le continent, et s’adaptera, quoi qu’il en soit aux contextes. Ce n’est pas la première fois que Philippe LABONNE en fasse la promesse. Fin décembre dernier, dans un message vidéo parvenu à notre rédaction, le Président de AGL affirmait déjà « l’ambition de l’entreprise d’être au cœur des transformations de l’Afrique ».
Une ambition soutenue d’une part, par les réalisations enregistrées en 2023. Les nouvelles concessions portuaires (en Angola, en Tanzanie, et à Sao Tome et Principe) ; la poursuivre l’activité ferroviaire ; et les succès commerciaux notamment dans les secteurs de l’énergie, des mines, et des biens de consommation courante.
Et d’autre part, par la confiance renouvelée par l’actionnaire, qui a procédé à une augmentation du capital d’AGL de 600 millions d’euros (393, 574 milliards de FCFA). Ce qui porte désormais ses capitaux propres à plus de 2 milliards d’euros (plus de 1 311 milliards de FCFA).
« Nous disposons ainsi des moyens de financer notre stratégie de développement. En 2024, sur la base de ces fondations solides, nous allons poursuivre nos efforts opérationnels et d’investissement afin de continuer d’améliorer la productivité de nos terminaux portuaires dont la performance bénéficie aux économies qu’ils desservent ».
« Nous allons aussi déployer pleinement notre stratégie au cœur des transformations de l’Afrique, qui repose sur quatre piliers. La croissance démographique et son corollaire, l’amélioration du cadre de vie, le commerce intra-africain, la transition énergétique, et enfin, la digitalisation », avait-il conclu.