Après 2023 et 2024, le Pr Viviane Ondoua Biwole vient de rendre public son troisième rapport sur le management des entités publiques camerounaises. Le document de 28 pages relève que sur les 112 établissements publics et entreprises publiques, 71 fonctionnent avec à leur tête, des Présidents de conseils d’administration illégaux (soit un taux de non-conformité de 63,39%).
Il s’agit, explique le Pr Viviane Ondoua Biwole, d’une illégalité au sens des lois n°10 et n°11 du 12 juillet 2017, qui instituent le principe de rotation systématique des dirigeants. Ce mécanisme législatif, fondé sur l’idée que la prolongation indue d’un mandat peut entraver la prise de décision et être un frein à l’innovation, « fixe un mandat maximal de six ans, soit 3 ans renouvelable une seule fois sous réserve d’une évaluation positive pour les présidents du conseil d’administration et les membres du conseil, un mandat de neuf ans pour les directeurs généraux et leurs adjoints soit trois ans renouvelables deux fois », rappelle la professeure des universités.
Parmi ces entreprises, le Pr Viviane Ondoua Biwole cite des entités publiques stratégiques comme la Société Nationale de Raffinage du Cameroun (SONARA), la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) ; la Société Camerounaise des Dépôts Pétroliers (SCDP) et la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH).
D’autres entreprises comme le Laboratoire National de Génie Civil (LABOGENIE), le Conseil National des Chargeurs du Cameroun (CNCC), l’Institut National de la Statistique (INS), l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics (ENSTP) et l’Autorité Portuaire Nationale (APN) figurent dans cette liste.
Non-conformité
Ainsi, conformément à la loi, Ferdinand Ngoh Ngoh (SNH), Emmanuel Nganou Djoumessi (INS), Virginie Lekeufack (ENSTP), Shey J. Yembe (Labogenie), Monkam Nitcheu Jean Fabien (SCDP), Joseph Beti ASSOMO (CNCC), Diana Acha Morfaw, GOUNOKO Haounaye (APN), Luc Magloire Mbarga Atangana (CSPH), Ndoh Née Bakata Bertha (SONARA) et Louis Claude Nyassa (CNIC) continuent de présider les Conseils d’administrations des entités publiques, alors que leurs mandats sont échus. Certains, à l’instar de Emmanuel Nganou Djoumessi (PCA de l’INS depuis 19 ans), brillent par leur record de longévité à la tête des conseils d’administration (voir tableau).
Viviane Ondoua Biwole évoque au moins cinq conséquences majeures à la suite de cette situation. La nullité des actes posés par les concernés ; une insécurité juridique pour les entreprises publiques et les établissements qui transigent avec les partenaires privés et internationaux ; les entreprises publiques concernées ne peuvent pas être introduites en bourses ; et la fragilité de l’État de droit et de la République exemplaire.
« La limitation des mandats des Présidents de Conseils d’administration poursuit un double objectif : prévenir tout risque d’enracinement source de faible performance. Par ce mécanisme, le législateur entend faire de la rotation aux niveaux des instances dirigeantes, un gage de la dynamique institutionnelle, un outil de pilotage stratégique qui garantit la continuité opérationnelle et l’adaptation aux évaluations du contexte économique et social de la société », explique-t-elle.
Or, regrette-t-elle, « depuis 2023, nous constatons et alertons sur la progressive remise en cause de ces dispositions, qui porte atteinte aux principes fondamentaux de l’Etat de droit et ébranle l’idéal d’exemplarité républicaine qu’il revient à nos institutions de promouvoir ».
Juillet 2025
Afin de donner corps à son engagement en faveur d’une « République exemplaire », Viviane Ondoua Biwole suggère au Président Paul BIYA de « procéder, d’ici le 12 juillet 2025, au remplacement des 71 PCA dont les mandats sont arrivés à expiration ». Une telle mesure ne relèverait nullement d’un règlement de comptes, « mais d’une application rigoureuse et équitable de la loi dans le respect des principes de légalité et de bonne gouvernance », souligne-t-elle.
Elle propose d’ailleurs un séquençage des remplacements. « On pourrait d’abord remplacer tous les PCA des entreprises défaillantes et les établissements publics très endettés au sens des analyses réalisées dans le document du MINFI (Annexe de la loi de finances 2024 et disponible dans le site du MINFI). Suivront tous les PCA de plus de 9 ans de mandat. Ce mouvement est possible dans un mois avant le 12 juillet 2025. A défaut contentons-nous des 71 PCA illégaux », conclut-elle.