Infrastructures routières : Des retards à l’allumage dans les programmes routiers 2023 et 2024 du MINTP

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Etat du chantier sur la partie inachevée de la route Douala-Bonépoupa

Décembre 2023. Devant les représentants du peuple, Emmanuel Nganou Djoumessi, le Ministre des Travaux Publics (MINTP) apparaît sous ses grands jours. Costume cravate comme d’habitude, le membre du gouvernement vient présenter son projet de performance pour le compte de l’exercice budgétaire 2024. Un exercice traditionnel, au cours duquel il doit aussi faire le bilan de ses activités sur l’exercice en cours (2023), et donner des raisons pouvant expliquer son bilan.

« Pour l’exercice 2023, le Ministère des Travaux Publics a bénéficié d’une enveloppe budgétaire chiffrée à 491,46 milliards de FCFA en crédits de paiement dont 432,5 milliards de FCFA pour l’investissement », rappelle le Ministre.

« Le bilan technique révèle que 790, 14 km de routes construites ou reconstruites seront réceptionnées au 31 décembre 2023. Il resterait pour quelques-unes des prestations résiduelles portant sur les accotements, la signalisation et quelques travaux connexes », ajoute le membre du gouvernement.

Contreperformance

Dans son message à la nation le 31 décembre, Paul BIYA salut ces performances « Je me réjouis ainsi de ce qu’au cours de l’année qui s’achève, plus de 700 kilomètres de routes ont été bitumées ou réhabilitées, sur toute l’étendue du territoire national. De nombreux ouvrages d’art ont également été construits à cette occasion », déclare-t-il.

Sauf qu’à y voir près, lesdites performances ne sont pas vraiment à mettre à l’actif de l’année 2023. Pour savoir comment le département ministériel s’est comporté en 2023, il faut explorer les chiffres du Comité interministériel de suivi de l’exécution physique, financière et comptable des projets du MINTP. Nous sommes le 20 mars 2024. À Yaoundé, plusieurs administrations et institutions (Minfi, Minepat, MINAP, CAA et le Fonds Routier) se réunissent dans le cadre de cette instance chargée d’assurer la traçabilité et l’adéquation entre les flux de paiement des prestations et la réalisation physique des projets. De ces assises, il ressort un bilan inquiétant de l’activité du MINTP en 2023. Performances en recul au premier trimestre 2023 par rapport à la même période de 2022. Sur les cinq projets attendus, aucun projet n’a été livré. Sur les sept projets dont le démarrage était annoncé, aucun n’a effectivement démarré.

Dans une note rendue publique à la fin des travaux et parvenu à notre rédaction, le département ministériel confié à Nganou Djoumessi relativise. « S’agissant de la performance physique des projets En 2023, le MINTP a réalisé plus de 70% des objectifs qu’il s’était fixé. Pour ce qui est des projets programmés pour le démarrage en 2023, sur 27 projets attendus, seuls 13 projets ont effectivement démarré correspondant à un linéaire de 337,42 km de routes et 495,28 ml d’ouvrages d’art. Au 20 mars 2024, le MINTP a réalisé près du tiers des objectifs formulés en début d’exercice ont été effectivement atteints », peut-on y lire.

Qu’est-ce qui peut donc comprendre cette incohérence entre les chiffres présentés aux députés en décembre dernier et ceux rendus par le Comité de suivi de ce mois de mars ? « Ce qu’il faut simplement comprendre, c’est que le bilan que présente le ministre au Parlement est celui qui s’appuie sur les projets lancés depuis deux, voire cinq ans pour certains, et qui ont été livrés en 2023. Si le Ministre présentait son vrai bilan de 2023, c’est-à-dire les projets prévus inscrits dans le programme de cette année, il serait effectivement très mauvais », explique un ingénieur du MINTP.

Une explication qui trouve une justification. Comme réalisations en 2023 par exemple, le ministère des Travaux Publics citait les projets Mbama-Messamena et voiries à Abong Mbang (49,37 km), Doum-Yen (21 km), Nding-Mbgaba y compris la voirie de Minta et le prolongement de Mbgaba-Mbet 50,71 km etc.

Sur le projet Mbama-Messamena par exemple, les travaux ont été lancés en 2020, pour une livraison attendue en 2022. Le projet a donc connu un report du délai de livraison d’un an. Sur l’ensemble des projets inscrits dans le bilan présenté à l’Assemblée Nationale, aucun n’a donc démarré en 2023, aucun n’était initialement prévu pour être livré en 2023.

Réaction du MINTP

De même, sur certains projets, le MINTP a fait des déclarations inexactes aux élus de la Nation. Par exemple, dans son bilan 2023, il déclarait que « les travaux de construction…des voies de contournement de l’autoroute Yaoundé-Douala (phase 1) à la Nationale N°3 par Boumnyebel et au réseau urbain de Yaoundé par Nkolbisson (25 km) seront achevés ». Rendus au mois de mars 2024 (soit trois mois plus tard), les travaux sont toujours en cours, la réception provisoire n’est pas prononcée.

Le Ministère des Travaux Publics fait-il preuve de mauvaise foi dans la publication de ses données ? Qu’est-ce qui peut justifier les mauvaises performances présentées lors des travaux du Comité de suivi ? Michel Innocent BEM, Directeur de l’Entretien et de la protection du patrimoine routier (il assure également l’intérim du Directeur des Investissements Routiers Assurant) refuse l’idée d’un manque de sincérité dans les données du Ministère des Travaux Publics.

« Il y a des avancées suffisantes. Ce qui justifie la mise en place de ce cadre de concertation (Comité de suivi Ndlr.) avec tous les partenaires dans le domaine des infrastructures. Je ne voudrai pas que nous communiquions sur les documents de travail. Parce que monsieur le Ministre a demandé que certaines données soient actualisées. Ce sont encore des données brutes. Nous n’avons aucune crainte, au regard de ce qui est fait. Nous vous donnons rendez-vous à la prochaine réunion pour constater effectivement qu’il y a des avancées. Il faut savoir que lorsque la réunion se prépare, tous les intervenants n’ont pas toutes les données avant de venir en salle. Certainement, beaucoup de choses ont été faites, mais qui revenaient dans certains documents comme non-faites », défend-il.

Pour 2024, le département confié à Emmanuel Nganou Djoumessi prévoit la livraison de 869,85 km de nouvelles routes bitumées, et le démarrage d’une dizaine de projets de réhabilitation. Notamment les axes Yaoundé-Douala, Edéa-Kribi, Magada-Guidiguis-Yagoua, ou encore Maroua-Moutourwa. Rendus à la fin du premier trimestre, très peu de mouvements sont visibles sur ces projets.

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