Lorsque son avion atterrit à l’aéroport de Douala, le sexagénaire en provenance de Sao Paulo ne sait pas que son séjour en terre camerounaise ne se passera pas comme prévu. Ses valises, lourdes de 166 kg, comportant officiellement des chaussures, attirent l’attention des équipes du poste de contrôle douanier.
Placées sous la supervision de HISSOAK BONGUEN Jean Patrice, Chef du Secteur des Douanes du Littoral II Par Intérim, elles passent les huit colis suspects au peigne fin. Le pot aux roses est découvert.
« Après inspection, nos fins douaniers ont constaté qu’il s’agit des chaussures et des sacs à main avec des manches en bois à l’intérieur desquelles étaient soigneusement dissimulées 24,5 kilogrammes de cocaïne, d’une valeur estimée à deux millions de dollars (1 214, 792 milliards de FCFA) », précise la Direction générale des Douanes (DGD). Le prévenu, âgé d’environ 60 ans, et le corps du délit ont été mis à la disposition du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Douala-Bonanjo.
Saisies
Les douaniers héroïques n’ont pas le temps de recevoir les félicitations du Président de la République (transmises par le Ministre des Finances), qu’une autre affaire de passager suspect éclate, cette fois à Yaoundé-Nsimalen.
Nous sommes le jeudi, 06 juin 2023. Dans cette plateforme aéroportuaire située au sud de la capitale politique, c’est le contenu d’un bagage suspect qui est présenté par les éléments de la Cellule Aéroportuaire Anti-Trafics (CAAT). Un lingot d’or de 760 grammes, « dissimulé dans le bagage cabine d’un passager de nationalité américaine, au départ du vol Ethiopian Airlines à destination de l’Arabie Saoudite », précise la Direction Générale des Douanes (DGD). « Le passager contrevenant de nationalité américaine est arrivé à Yaoundé dans le même vol. Le temps certainement pour lui de récupérer le colis et de repartir », analyse l’administration douanière.
Première porte d’entrée du Cameroun (près de 840 000 passagers y ont atterri en 2022 sur une moyenne nationale d’1,498 000 passagers), l’aéroport international de Douala apparaît comme une route privilégiée des réseaux de trafics illicites. Ici, en cinq ans, des saisies record ont été enregistrées.
12 juin 2022. Une marchandise importée sans déclaration, dissimulée dans la valise d’un passager français en provenance d’Addis-Abeba par un vol Ethipian Airways est interceptée avec 16 plaques d’or. Un mois plus tard, la valise d’un passager de Rwandair en partance pour Kigali et transportant 133 000 dollars (environ 80, 146 millions de FCFA) est saisie dans le même aéroport.
Contrôle
27 février 2024, les éléments de la douane interpellaient une cargaison de 15 kg de cocaïne. La drogue, découverte dans un vol de la compagnie turque Turkish Airlines, était dissimulée dans des boîtes et flacons de produits cosmétiques. D’une valeur d’environ 600 millions de FCFA selon les douaniers, la cocaïne était à destination du Sri Lanka.
La recrudescence des saisies notamment dans les plateformes aéroportuaires est-elle le signe d’une montée en puissance des actes des réseaux de contrebande ? Comment la Douane fait-elle pour contrer ces colis préparés par des réseaux sans cesse innovants ? Pour le comprendre, il faut revenir huit ans plus tôt, en 2016.
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Pour contrer les réseaux de contrebande, l’administration des douanes décide d’opérationnaliser un nouveau dispositif dans les aéroports de Yaoundé et Douala. Il s’agit des cellules aéroportuaires anti-trafic (CAAT), qui constituent l’un des dispositifs de la coopération interne (Douane, Police, Gendarmerie). Dispositif interne auquel on peut ajouter la Convention MINFI/MINDEF relative à la surveillance douanière du plan d’eau.
A côté de ce dispositif de coopération interne, la Douane s’associe à deux dispositifs externes. Au niveau régional, à travers le Programme SPC++ (Cameroun, Nigéria, RCA, Tchad, Niger, Benin) ; le protocole d’accord d’assistance administrative mutuelle en matière douanière du 26 août 2016 entre le Cameroun et le Tchad ; et le protocole d’accord d’assistance administrative mutuelle en matière douanière du 28 septembre 2016 entre le Cameroun et la République Centrafricaine. Et au niveau international, avec le programme de sécurité de l’OMD.
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Concrètement, indique le capitaine DIMA Quentin, Achille, Chef de Cellule de la Surveillance Douanière le dispositif répressif s’opère de plusieurs manières. « Nous réalisons des contrôles sur pièce. A travers des contrôles de première ligne, les contrôles différés et les contrôles à postériori. Nous pouvons également réaliser des contrôles physiques. A travers les unités de surveillances traditionnelles, les unités de Halcomi (Halte au Commerce Illicite Ndlr.) et la gestion coordonnée des frontières (CAAT) qui vous intéresse en particulier. Un troisième niveau de contrôle est fait grâce aux renseignements. Via le programme SPC++ et les BRLR » précise-il.
Renforcement du dispositif
Au total, sur l’ensemble de l’année 2023, c’est près de 31,77 tonnes de marchandises (cannabis, cocaïne, métaux précieux, etc.) qui ont été saisis d’une part dans les plateformes aéroportuaires, d’autre part aux autres postes frontaliers installés sur l’ensemble du territoire national.
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« En matière de surveillance et de sécurité, la Direction Générale des Douanes a participé en 2023 à de nombreuses opérations nationales, régionales et internationales. Parfaitement intégrée dans la communauté nationale de défense et de sécurité, la Direction Générale des Douanes a réalisé d’importantes saisies, d’une ampleur déterminante saluée aussi bien par les pouvoirs publics, les opérateurs économiques, les consommateurs que la communauté douanière internationale », se félicite FONGOD Edwin NUVAGA, Directeur Général.
Ces succès de la Douane restent cependant entachés par de nombreuses faiblesses. Faible sensibilisation des agents relativement aux enjeux sécuritaires ; ignorance et/ou contestation de la mission sécuritaire de la douane par les autres forces de défense et de sécurité ; non maitrise des méandres du commerce virtuel sont quelques lignes de faiblesses relevées par certains observateurs.
Faiblesses que l’administration promet de régler cette année 2024. En effet, elle annonce un renforcement des dispositifs de lutte contre le commerce illicite, en collaboration avec les forces de défense, les entreprises citoyennes et les autres administrations publiques. Plusieurs partenariats ont déjà été noués avec des acteurs comme l’Agence Nationale des Investigations financières (ANIF). Paraphé en 2023, le Protocole d’Accord permet aux deux administrations de créer un cadre de consultation, de concertation, de collaboration, d’échanges de renseignement et de données dans la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération ainsi que la lutte contre la fraude douanière.