Lentement, mais sûrement, le projet d’exploitation du gisement de fer de Mbalam se met en place. Présentée par beaucoup comme le nouvel « éléphant blanc » du régime de Yaoundé, cette initiative commune au Cameroun et au Congo s’affirme désormais comme un projet en béton. Dans cet espace d’une superficie de 768 km2, Cameroon Mining Company compte extraire plus de 2 milliards de tonnes de minerai de fer, dont près de 200 millions de tonnes de minerai de fer de haute qualité (DSO). Attribué suite à la signature, le 30 mars 2022, d’une convention minière (suivie de la délivrance d’un Permis Minier le 17 août 2022), le projet d’exploitation industrielle du gisement de minerai de fer de Mbalam a effectivement été lancé le 22 décembre 2023, avec le lancement technique des travaux de construction de la mine à ciel ouvert de Mbalam. Avec le démarrage des premières exportations du minerai de fer de Mbalam-Nabeba, le projet deviendra « le projet minier ayant connu la progression la plus rapide de l’histoire récente de notre pays », relève Patrick TCHOUWA, Directeur de l’Administration et des Affaires Publiques chez Cameroon Mining Company. Dans cet entretien, Patrick TCHOUWA fait le point sur la mise en œuvre du projet, analyse l’impact socio-économique sur l’économie nationale, et aborde quelques questions sensibles, comme les indemnisations et l’impact environnemental.
Après plusieurs mois qu’on peut considérer comme étant la période préparatoire au démarrage du projet d’exploitation du gisement de fer de Mbalam, Peut-on espérer qu’en 2026, on passe aux choses concrètes ?
Permettez-moi, avant toute chose, de vous remercier pour votre présence. Au nom du Directeur Général de Cameroon Mining Company, Monsieur HONG WENQIANG, je vous adresse une chaleureuse bienvenue dans cette maison, qui incarne aujourd’hui l’un des tournants industriels les plus attendus et les plus stratégiques de l’histoire économique du Cameroun.
Vous me donnez l’occasion de porter un message essentiel à la Nation. Ce message est simple, clair et désormais incontestable : le chantier minier de Mbalam est entré, cette année, dans sa phase irréversible d’exécution.
Ce projet, longtemps discuté, parfois espéré, souvent scruté, est désormais une réalité tangible qui prend forme sur le terrain. Les machines tournent, les infrastructures s’élèvent, les équipes travaillent jour et nuit, et les partenaires industriels sont en place. Mbalam avance, et avance vite.
Le projet Mbalam trouve son fondement dans les accords de partenariat signés le 25 février 2022, portant sur la construction d’une ligne ferroviaire reliant Mbalam à Kribi ainsi que sur l’édification d’un terminal minéralier au Port Autonome de Kribi.
Ces accords ont été suivis, le 31 mars 2022, par la signature d’une Convention Minière de 20 ans, renouvelable, qui autorise Cameroon Mining Company à exploiter le gisement de fer de Mbalam et surtout à transformer localement 15 % de sa production, un choix stratégique qui prépare l’émergence d’une future industrie sidérurgique nationale.
Le 17 août 2022, par le décret n°2022/395, Son Excellence le Président de la République, Monsieur Paul BIYA, a accordé à notre entreprise le Permis d’Exploitation couvrant les arrondissements de Ngoyla et de Mintom. Cet acte régalien n’est pas seulement une autorisation administrative ; il constitue la consolidation d’une vision nationale articulée autour de la valorisation locale des ressources, de l’industrialisation, et du renforcement des relations bilatérales entre le Cameroun et la République du Congo.
En effet, le gisement de Mbalam est appelé à être exploité en synchronisation avec le gisement voisin de Nabeba, au nord-est de la République du Congo. Cette synergie unique repose sur un principe simple, mais visionnaire : 80 % des ressources se trouvent sur le territoire congolais, tandis que 80 % des infrastructures stratégiques se situent au Cameroun.
Cet équilibre illustre la fraternité exceptionnelle entre nos deux Chefs d’État, Son Excellence Paul BIYA et Son Excellence Denis SASSOU-NGUESSO, qui ont contribué à faire de ce projet un modèle de coopération régionale.
Depuis la signature de la Convention Minière, Cameroon Mining Company a bénéficié du soutien constant des autorités camerounaises, notamment à travers la Déclaration d’Utilité Publique, la finalisation du tracé définitif du corridor ferroviaire, le bornage du site et l’accompagnement administratif nécessaire à l’exécution rapide du projet. Parallèlement, les études d’exploration, de faisabilité, et d’impact environnemental et social sont en voie de finalisation, ouvrant la voie aux dernières procédures d’indemnisation des populations riveraines.
Quel est l’état des lieux du projet ? A quoi devrait-on s’attendre en 2026 ?
Les faits sont désormais établis : Mbalam est le projet minier ayant connu la progression la plus rapide de l’histoire récente de notre pays. Voici les jalons majeurs atteints. Les travaux ont commencé le 23 décembre 2023, soit moins de 18 mois après la délivrance du Permis d’Exploitation. L’usine de traitement a été livrée au quatrième trimestre 2024, moins d’un an après le lancement du chantier. Les équipements installés offrent une capacité nominale de 3,6 millions de tonnes par an, avec une montée en puissance prévue jusqu’à 10 millions de tonnes dès 2027. Et la première exportation du minerai est prévue pour le premier trimestre 2026.
Ces performances témoignent de la rigueur, de l’efficacité et de la détermination des équipes, mais également du dynamisme de l’environnement des affaires établi sous l’impulsion de la plus haute autorité de l’État.
Pour soutenir cette exécution accélérée, quelle est votre stratégie ?
Nous nous sommes entourés de partenaires industriels d’envergure mondiale. Parmi eux, le groupe MOTA-ENGIL, acteur majeur de l’ingénierie et de la construction minière, reconnu pour ses opérations en Afrique, en Amérique Latine et en Europe. Son expertise dans des projets miniers de classe mondiale, notamment au Simandou en Guinée, démontre la pertinence de son engagement à nos côtés.
Sur le plan logistique, plusieurs partenaires de calibre international ont été mobilisés. DHL Global Forwarding pour la logistique internationale ; Kribi Multipurpose Terminal (KMT) pour les opérations portuaires initiales ; Kotug, P&O Maritime et Clarksons pour la chaîne maritime, le remorquage, l’affrètement et l’intelligence de marché.
Enfin, nous avons travaillé à la sécurisation de contrats d’offtake avec des acheteurs de premier plan, notamment TSINGSHAN STEEL, VITOL, VANOMET, et BAOSTEEL, premier acheteur mondial de minerai de fer. Ces partenariats garantissent des débouchés stables et prévisibles sur une décennie.
Évoquons à présent votre plan développement. Vous présentez ce projet comme étant un projet intégré qui structure le futur économique du Cameroun. Pourquoi ?
Le projet Mbalam-Nabeba ne se limite pas à l’exploitation d’un gisement. Il s’inscrit dans une vision plus vaste de transformation économique, portée par le consortium Bestway Finance et soutenue par d’importants partenaires chinois.
Ce plan intégré comprend le développement de quatre gisements (Mbalam, Nabeba, Badondo, Avima) ; la construction d’un corridor ferroviaire de 659 km, conçu pour relier les zones minières au littoral camerounais ; la réalisation d’un terminal minéralier de classe mondiale à Kribi, capable à terme de transiter jusqu’à 150 millions de tonnes par an ; et la préparation d’un futur pôle sidérurgique, Cameroon Steel, destiné à transformer localement une partie du minerai extrait.
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Le Cameroun dispose ainsi d’une opportunité historique de devenir le principal hub minier et sidérurgique de l’Afrique centrale, renforçant sa souveraineté économique et son influence régionale.
Lors du lancement du projet, Cameroon Mining Company a annoncé des retombées socio-économiques importantes pour le Cameroun. Notamment des revenus fiscaux estimés à plus de 2 000 milliards de FCFA. Rendus à cette étape, ces estimations sont-elles maintenues ?
Les projections économiques du projet sont particulièrement prometteuses. Sur le plan fiscal, l’État camerounais pourra bénéficier, à terme, de plus de 4,32 milliards de dollars américains (autour de 2 402, 306 milliards de FCFA Ndlr.) de revenus cumulés, dont 958 millions de dollars (environ 535, 211 milliards de FCFA Ndlr.) provenant du free carry et 1,31 milliard de dollars (plus de 731, 865 milliards de FCFA Ndlr.) issus de la transformation locale en acier.
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Les exportations annuelles sont estimées à 3 milliards de dollars (à peu près 1 676 milliards de FCFA Ndlr.), soit environ 5 % du PIB national. Cette manne renforcera les réserves en devises, améliorera la balance commerciale et contribuera à réduire le déficit budgétaire.
En matière d’emploi, nous tablons sur la création de 4 000 emplois directs durant la phase de construction ; 1 800 emplois permanents maintenus pendant la phase d’exploitation ; et 20 000 emplois indirects seront générés dans les secteurs connexes.
Le plan social comprend également la réhabilitation de 15 écoles ; la construction de 5 centres de santé ; la création d’un programme de formation incluant 250 bourses d’ingénierie ferroviaire et 60 stages annuels ; et la mise en place d’un vaste programme d’adduction d’eau potable et d’accès à l’électricité dans les zones riveraines.
À terme, le projet Mbalam deviendra l’un des moteurs les plus puissants de la transformation structurelle du Cameroun.
La question environnementale du projet a alimenté des discussions. Notamment sur les problématiques liées aux indemnisations, le respect des normes environnementales, etc. Qu’est-ce que vous répondez à cela ?
Cameroon Mining Company a inscrit la durabilité au cœur de son modèle opérationnel. Toutes les activités sont conduites conformément aux standards internationaux de performance environnementale. Les mesures prévues incluent une pépinière de 200 000 plants destinée au reboisement ; un programme strict de compensation, adossé sur le principe d’un hectare replanté pour chaque hectare défriché ; la construction de corridors fauniques végétalisés pour protéger les éléphants et les primates des zones protégées voisines ; et des audits environnementaux trimestriels rendus publics. À cela s’ajoute l’ambition d’exploiter la biomasse comme source d’énergie complémentaire, afin de réduire l’empreinte carbone globale du projet.
S’agissant des indemnisations, je voudrai faire un rappel. Les études d’impact environnementales sont en voie de finalisation. Le transport du minerai de fer se fera de plusieurs manières. La première phase se fera par voie routière. La deuxième, par voie ferroviaire. Vous savez très bien que c’est presque 650 km qui partira de Mbalam-Nabeba jusqu’au port de Kribi.
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Je peux vous assurer que nous n’allons pas construire ces chemins de fer sans indemniser les populations. De même que nous ne pourrons pas faire passer nos minerais de fer sans être en accord avec le Ministère des Travaux Publics qui fait des efforts considérables pour que le premier départy du minerai de fer de Mbalam se fasse par route. Le moment venu, nous vous inviterons à venir voir le tracé de route qui part de Mbalam, puis Ebolowa, jusqu’au port de Kribi, où les minerais seront acheminés. Vous verrez que nous avons travaillé de commun accord avec les populations de ces localités pour que le passage du minerai soit effectif.
Permettez-moi de conclure en rappelant ceci. Mbalam n’est pas une spéculation, ni un mirage, ni un slogan politique. Mbalam est un chantier réel, vérifiable, visible, et désormais irréversible.
Près de 140 employés travaillent déjà sur le site, dont une moitié issue des communautés riveraines. Chaque semaine, de nouveaux équipements arrivent. Les infrastructures avancent. Les partenaires s’engagent. Les pays impliqués convergent. Et la dynamique s’amplifie.
Nous devons saluer, avec reconnaissance, les efforts immenses déployés par quatre hommes, véritables artisans de cette transformation. Messieurs Alexandre MBIAM et Cédric KETCHANGA de Bestway Finance ; et messieurs HONG WENQIANG et Idriss Confiance MBE de Cameroon Mining Company.
Leur engagement, leur endurance et leur patriotisme, ont été essentiels pour porter ce mégaprojet, aux côtés du consortium chinois et des institutions nationales du Cameroun et du Congo. Nous invitons donc tous les Camerounais, où qu’ils soient, à s’approprier cette initiative. Car le projet Mbalam n’est pas simplement un projet minier : c’est celui d’une Nation qui se réinvente, d’une sous-région qui s’intègre, et d’un continent qui se transforme.






































