Déjà englué dans la spirale des retards, le Plan d’Urgence Triennale pour la Croissance Economique (Planut) vient d’écrire une nouvelle page triste à sa désormais longue série de déconvenue. Dans la matinée du 14 août, une partie de la route Bonépoupa-Yabassi (les travaux venaient tout juste d’être achevés) s’effondre.
Selon le Ministère des Travaux Publics (MINTP), c’est « une zone de remblai située au point kilométrique 2+375 de la section de route en construction (51, 3km à partir de Bonépoupa) » qui s’est effondrée, coupant ainsi la circulation entre Douala et Yabassi, chef-lieu du département du Nkam.
Etape cruciale dans la construction des routes, un remblai consiste à ajouter des matériaux (sable, graviers, pierres concassées, etc.) pour stabiliser le sol. Cinq étapes sont essentielles pour sa réalisation. La préparation du site, l’enlèvement du sol excédentaire ou non adapté, l’utilisation de grosses pierres pour créer une base solide, la pose de pierres concassées pour renforcer la structure et la finition, qui consiste à l’application de sable ou de gravillon pour une obtenir une surface lisse et stable. Ces étapes assurent la durabilité et la stabilité de la route, en tenant compte des contraintes géotechniques et environnementales.
L’effondrement de ce remblai est-il lié à une défaillance humaine, ou à un glissement de terrain ? Au Ministère des Travaux Publics, on décrit un « phénomène dont les origines immédiates sont liées aux changements climatiques observés dans la région du Littoral et manifestés par une abondante pluviométrie ».
« Les équipes de l’entreprise Bun’s, de la mission de contrôle Beta Consult et du MINTP, mobilisées sur le terrain, ont identifié la pluviométrie abondante et continue observée depuis le 15 juillet 2024 dans la région du Littoral et ses conséquences sur les conditions hydriques des sous-couches de la chaussée, comme cause de cet effondrement », écrit le département dirigé par Emmanuel Nganou Djoumessi.
Défaillances techniques ?
Le MINTP relativise cependant, en ajoutant que « les investigations techniques, instruites, appuyées par le Laboratoire interne du Ministère des Travaux publics vont permettre de préciser dans les prochains jours, les causes de ce phénomène et d’apporter des solutions conséquentes.
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Une version que ne partage pas l’Ordre des Ingénieurs de Génie Civil du Cameroun (ONICG). « La gestion des eaux pluviales est un élément clé dans la construction des routes. Un drainage efficace permet d’éviter les risques d’érosion du remblai, particulièrement en présence de sols sensibles à l’eau, tels que le sable argileux contenant un fort pourcentage de finies. La déstabilisation observée ici semble provenir d’une absence ou d’un dysfonctionnement de ce dispositif crucial. L’absence de tels ouvrages de drainage est une question qui relève également de la responsabilité des autorités en charge de l’entretien et de la surveillance du réseau routier », écrit Kizito NGOA, Président, dans un communiqué signé ce 16 août.
Gouffre financier
Lancés en 2017 pour une durée de deux ans, les travaux de construction de la route Bonépoupa-Yabassi ont finalement duré sept ans. En raison des retards accusés, le coût du marché de base, environ 38, 412 milliards de FCFA (travaux et contrôle), a subi une revalorisation de 6,20%. Les travaux de cette route aujourd’hui en partie effondrée ont donc finalement dépassé les 41, 340 milliards de FCFA.
Pour l’instant, le gouvernement n’a donné aucune évaluation, à la fois sur les pertes enregistrées, et le volume de l’enveloppe qui sera débloquée pour refaire la route. « Il convient de préciser que les travaux de construction de cette section sont assurés par l’entreprise BUN’S et que ceux-ci n’ont pas encore été réceptionnés. Par ailleurs, les dispositions des marchés prévoient pour un projet en cours d’exécution, une assurance tout risque, qui permet le cas échéant, de prendre en charge des incidents comme ceux survenus le 14 août 2024 », indique le Ministère des Travaux Publics.
L’assurance tout risque permet-elle de débloquer immédiatement les fonds nécessaires pour réaliser les travaux ? Le MINTP et l’entreprise, contactés par BOUGNA, n’ont pas répondu à nos questions.
Un cadre d’une compagnie d’assurance de renommée joint par BOUGNA explique les conditions d’une prise en charge sans difficultés du sinistre dans une situation pareille. « Si l’assurance tout risque souscrite par l’entreprise est valable, le paiement du sinistre peut se faire sur une durée maximale d’un mois », indique notre source.
Ce temps permet à l’assureur de « mener son enquête, pour comprendre les raisons de l’effondrement. Si au final, l’entreprise a eu une conduite des travaux irréprochable, alors, elle sera payée. Mais si des irrégularités dans l’exécution des travaux sont constatées, alors, le dossier sera porté au contentieux », conclut-elle.