« Un réel plaisir et un insigne honneur », c’est par ces mots que le ministre des Transports a débuté son allocution au cours de la cérémonie de remise au gouvernement du rapport d’étude d’évaluation de la performance du Cameroun en matière de sécurité routière par l’émissaire onusien Jean Todt. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au-delà des mots, c’est un Jean Ernest Masséna Ngalle Bibehe vraiment heureux qui a accompagné l’invité onusien tout au long de sa visite. Heureux d’avoir un indicateur fiable de la sécurité routière au Cameroun, mais surtout heureux de savoir que malgré les données alarmantes, l’Onu se réjouit du ralentissement des décès sur nos routes (ils sont en baisse de 18% en 2018). Mais attention, la réjouissance s’arrête là. Puisque le rapport de Jean Todt note que 16 personnes meurent chaque jour sur nos routes, et que au moins 1 000 camerounais perdent la vie chaque année dans les accidents de la circulation. Pour ramener ces chiffres au point mort bas, Jean Ernest Masséna Ngalle Bibehe devrait donc accélérer…le train de mesures gouvernementales déjà prises, mais aussi en cours de mise en œuvre. Un train de mesures qu’il décline en cinq points. La gestion de la sécurité routière, la sécurité des routes et mobilité, le relèvement du niveau des infrastructures routières, et les soins après accidents, pour ne citer que ceux-là.
Jean Todt, l’émissaire de l’Onu vient d’achever son séjour au Cameroun. Il faut dire que le représentant du Secrétaire général venait présenter un rapport d’audit sur la sécurité routière au Cameroun. Quel est, selon vous, l’importance de cette étude ? Et quelle place le gouvernement accorde-t-il aux questions de sécurité routière ?
La sécurité routière au Cameroun comme dans la plupart des pays africains, fait partie des priorités nationales. Cependant, les plans d’actions et programmes plurisectoriels complets, assortis d’objectifs mesurables à atteindre dans un délai spécifique, font défaut. Face à cette problématique d’ordre général, l’Assemblée Générale des Nations Unies, soucieuse du nombre croissant des accidents enregistrés dans le monde au fil des années, a lancé la Décennie d’Action pour la Sécurité routière (2011-2020).
Cette résolution, proclamée en mars 2010, invite les États Membres à mener des activités en faveur de la sécurité routière, à travers cinq (05) piliers à savoir : la gestion de la sécurité routière, la sécurité des routes et mobilité, la sécurité des véhicules, la sécurité des usagers de la route et les soins après accidents. C’est fort de certaines insuffisances observées dans la politique de sécurité routière du Cameroun que le Gouvernement a jugé opportun d’arrimer ses actions à celles de la Décennie.
De manière concrète, en matière de sécurité routière, qu’est-ce qui a été fait ?
S’agissant de la gestion de la sécurité routière, une stratégie nationale de prévention et de sécurité routières a été mise en œuvre et est en cours d’actualisation, laquelle stratégie est accompagnée d’un plan d’actions qui intègre les volets tels que : la politique, la législation et les institutions en matière de sécurité ; les objectifs réalistes et réalisables ; la gestion des données de la sécurité routière pour permettre le suivi et l’évaluation efficace et efficiente des accidents de la route ; l’étude en vue de la mise en place d’une Agence Nationale de Sécurité Routière ; la prise en compte des aspects liés à l’environnement ; et l’évaluation des financements et des coûts liés aux accidents de la route.
Au cours de la cérémonie de présentation du rapport, Emmanuel Nganou Djoumessi, le ministre des Transports, a avoué la mauvaise qualité des infrastructures routières. L’état des Routes nationales N°3 et N°4, pour ne citer que celles-là est un indicateur. Quelles remarques faites-vous de cela ?
Concernant la sécurité des routes et mobilité, des mesures d’amélioration ont été prises de manière conjointe avec le ministère des Travaux publics. Parmi ces mesures, l’on note : pour la construction de chaque ouvrage routier, un pourcentage de 10% déduit du montant global destiné à la réalisation de l’infrastructure, est alloué pour la prise en compte du volet sécurité routière ; et la réalisation de manière conjointe des audits de sécurité routière avec le ministère des Travaux publics.
Les études actuellement disponibles n’attribuent pas la cause des accidents de la circulation uniquement aux infrastructures routières. Le taux le plus élevé estime que seulement 10% des accidents sont causés par les routes. L’état des véhicules reste dans la catégorie des grandes causes. Que fait le ministère des Transports pour réduire la circulation sur nos routes de vieux véhicules ?
Des mesures sont prises au sein de mon Département ministériel, et en collaboration avec les Administrations partenaires concernées pour ce qui est de la sécurité des véhicules. A titre d’illustration, nous pouvons citer : l’homologation des nouveaux types de véhicules pour se rassurer de leur conformité aux normes requises en matière de circulation routière au Cameroun ; le mécanisme de la « Prime à la Casse » qui vise le rajeunissement du parc automobile ; la multiplication des centres de contrôle technique automobile sur l’ensemble du territoire national, avec la mise en place future d’une nouvelle technologie permettant de s’assurer du passage effectif des véhicules au sein desdits centres, et l’établissement des certificats de visites techniques conditionné à l’éligibilité desdits véhicules sur le plan technique ; et la mise en place des mesures, en collaboration avec la Direction Générale des Douanes, visant à limiter l’âge des véhicules à l’importation.
En ce qui concerne la sécurité des usagers de la route, des mesures y relatives ont été également prises, à savoir : le recyclage des Officiers de police judiciaire à compétence spéciale en vue du renforcement de la sensibilisation auprès de tous les usagers de la route sur les bonnes pratiques telles que : la limitation de vitesse, le port du casque pour motocyclistes, le port de la ceinture de sécurité, l’alcoolémie ou l’influence des substances psychoactives et la fatigue au volant. Je peux aussi citer la réalisation des campagnes de sensibilisation sur l’ensemble du territoire national à travers le déploiement de 69 équipes d’officiers de police judiciaire à compétence spéciale, et à travers les moyens médiatiques tels que: les radios, les télévisions, les organes de presse écrite, la téléphonie mobile, les magazines, les panneaux lumineux, les journaux et les medias cybernétiques ; la vulgarisation des textes règlementaires en matière de sécurité routière ; et la production d’une version illustrée du code de la route. En outre, nous travaillons à la mise en place au sein du ministère des Transports d’une plateforme d’échanges et de collaboration permanente regroupant plus de 52 ONG.
A ce jour, nous sommes parvenus à la mise en place de 4 000 clubs de prévention et de sécurité routières dans les établissements scolaires, pour l’éducation des jeunes camerounais afin d’obtenir une génération 7 sensible à la question de la prévention et de sécurité routières ; et à la réforme du circuit d’obtention et de délivrance du permis de conduire.
A ces mesures, s’ajoutent celles récemment prises dans le secteur du transport interurbain de voyageurs. Notamment la réalisation des audits de la situation technicoadministrative des Compagnies de transport routier interurbain des voyageurs ; l’élaboration des cahiers de charges ayant pour but de moderniser et de sécuriser les activités desdites Compagnies ; l’acquisition de près de 500 000 alcootests pour le test d’alcoolémie des chauffeurs ; la mise en place d’un mécanisme de sécurisation des vignettes de visites techniques, ayant pour but de garantir le passage effectif des véhicules dédiés au transport interurbain, et la délivrance de ces vignettes, conditionnée à l’éligibilité desdits véhicules sur le plan technique ; le renforcement des contrôles de nuit sur les axes routiers ; et la tenue des concertations MINT-SED-DGSN en vue de l’adoption d’une synergie d’actions et d’une mutualisation des moyens.
Nous parlons d’accidents de la circulation, mais l’un des points souvent négligés c’est la prise en charge des blessés. A ce jour, les hôpitaux de District d’Obala, d’Edéa, de Pouma, pour ne citer que ceux-là, ne disposent pas d’infrastructures pouvant permettre d’accueillir les cas. Un projet a été lancé par le Minatd, mais les réalisations restent attendues. Où en êtes-vous ?
S’agissant des soins après accidents, le ministère des Transports a depuis l’exercice 2004, lancé une opération foraine qui consiste en la formation sur les gestes de premiers secours, des personnes issues des localités et des établissements scolaires riverains des axes routiers à grande circulation, ainsi que des conducteurs qui empruntent lesdits axes routiers. A date, plus de 3000 pairs éducateurs et pairs sensibilisateurs d’une soixantaine de localités ont été formés.
La prise en charge des victimes, notamment le traitement réservé aux victimes sur les lieux de l’accident et le transport des blessés vers les centres de santé et les services d’urgence, est coordonnée par le Ministère de la Santé Publique. De même, des mesures sont prisent au sein de ce Département ministériel en vue de la multiplication des centres d’urgence le long des axes routiers. Il convient de préciser que nous avons connu des avancées significatives suite à la mise œuvre des mesures sus évoquées. C’est ainsi que le rapport de 2015 de la banque mondiale sur la sécurité routière a relevé entre 2008 et 2014, une baisse de 18% du nombre d’accidents, de 22% du nombre de blessés et de 31% du nombre de morts sur nos routes.
Une telle régression a valu au Cameroun d’être choisi parmi les pays devant bénéficier du programme « Road Safety Performance Review », d’où la venue de l’Envoyé Spécial ici présent.
La mise en œuvre des recommandations issues du rapport d’étude relatif au dit programme nous permettra, d’étoffer notre politique de sécurité routière afin de la rendre efficiente et efficace pour l’atteinte des objectifs de la Décennie d’actions 2011-2020.
Je me permets de solliciter auprès de votre service les données relatives au nombre et au type (Voitures particulières,Camion, Transport en commun,Tracteurs routiers,Remorques) de véhicules enregistrés dans votre pays sur une période prolongée (à partir de 2000). Ces informations revêtent une importance capitale pour mon étude de thèse portant sur l’effet des moyens de transports sur le développement durable en Afrique Subsaharienne.
En qualité de doctorant à l’Université Thomas Sankara au Burkina Faso, je me spécialise particulièrement dans le domaine de l’économie des transports. Les données requises sont indispensables à la progression de mes recherches.
Je m’engage à utiliser ces données en stricte conformité avec les lois et réglementations en vigueur, et à les exploiter exclusivement dans le cadre de mon projet de thèse. Je suis pleinement conscient de l’importance de préserver la confidentialité de ces informations.
Je vous saurais gré de bien vouloir me transmettre ces données dans les meilleurs délais. Restant à votre disposition pour toute clarification supplémentaire, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations distinguées. Cordialement,