Sous son boubou bleu foncé, soigneusement brodé des fleurs bleues et dorées, Garba Ahmadou, le Chef de la Cellule de la Communication d’Hysacam semble transmettre un message. En pleine crise du ramassage des ordures ménagères, et surtout dans un contexte marqué par l’ouverture du marché à la concurrence, son accoutrement montre (au moins sur le plan vestimentaire) que le ciel reste bleu, malgré l’orage et la tempête. Au sein de l’entreprise d’Hygiène et de salubrité du Cameroun, qui assurait jusqu’ici le monopole, une odeur de crise se dégage. Créée notamment par les tas de factures impayées de l’Etat, et les communes. En 2018, au pic de la crise par exemple, l’entreprise espérait l’effacement d’une ardoise d’environ 8 milliards de FCFA. « Le gouvernement a essayé de se rattraper un peu. Il y a encore des retards en 2019. Mais l’année 2018 a été rattrapée. Je ne peux pas donner le montant exact…La difficulté majeure c’est au niveau des municipalités », confie Garba Ahmadou. A cela, il faut ajouter la zone de couverture, désormais ramenée aux deux-tiers à Yaoundé. Et qui pourrait contraindre l’entreprise à vider…une partie de ses 1200 employés et à immobiliser une partie de ses 500 camions et engins. Mais pour le patron de la Com’ d’HYSACAM, cet amoncellement de problèmes, ne signifie pas que le bac est plein. « Nous avons la confiance des banques. Ce sont elles qui accompagnent l’activité en attendant que le gouvernement paie. Nous n’avons pas d’arriérées, mais des retards de paiement ». Conclut-il
Depuis quelques jours, l’actualité autour de l’arrivée d’un concurrent à HYSACAM dans le marché de la collecte des ordures ménagères. Une arrivée encouragée par la crise observée dans le système de ramassage de votre entreprise. Vous avez souvent pointé du doigt les arriérées de paiement de l’Etat. Mais des observateurs affirment que vous êtes dépassés par les événements. Que répondez-vous à ceux-là ?
Ce sont des affirmations totalement erronées. Vous savez, quand vous prenez un bac dans un marché pour le centre de traitement de déchets. Si vous avez programmé quatre enlèvements, à cause de la circulation, vous ne pourrez pas les faire tous. Nous sommes obligés d’avoir ce qu’on appelle des zones tampon. Où nous pouvons d’abord déposer les ordures, attendre que la circulation soit fluide pour les transporter vers lesdites zones de traitement.
Mais jusque-là, nous ne parvenons pas à avoir ces emplacements qui sont des zones de transition des déchets. Voilà ce qui peut justifier que souvent, le bac traîne. Ce n’est pas un problème d’organisation, de disponibilité matérielle ou technique des camions.
Tenez, monsieur, HYSACAM a 50 ans. HYSACAM c’est une expertise. Ce n’est pas 1300 tonnes de déchets qui peuvent dépasser HYSACAM.
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Au sujet de l’arrivée d’un concurrent, je vais être clair. Dans la vision de la ville, le Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé pense que pour mieux relever le niveau de propreté, il faut avoir deux entreprises. La ville a été divisée en trois lots. HYSACAM a gagné deux lots sur les trois. L’autre entreprise est en train de se préparer. Nous remplissons notre rôle. Nous avons les moyens et le matériel pour faire ce travail.
Parlant justement de matériels, en 2015, vous avez bénéficié d’un financement pour l’acquisition de 223 engins. Grâce à un pool bancaire soutenu par Proparco. Où sont ces engins aujourd’hui ?
Nous avons en effet signé une convention de prêt avec nos partenaires financiers, de 24,5 milliards de FCFA pour l’achat de 223 camions. Ces camions ont été livrés. Aujourd’hui, ils sont étalés sur l’ensemble du territoire, c’est pour cela que vous constatez qu’il y a un regain de propreté et l’embellie dans toutes les villes où nous travaillons. Nous sommes en train de réformer les autres qui sont encore utilisables. Pour remonter notre parc à plus de 500 camions.
Comment répartissez-vous ce matériel sur l’étendue du territoire national ? Yaoundé et Douala utilisent certainement la plus grande partie…
Comme je viens de vous dire, nous avons aujourd’hui 500 camions spécialisés de propreté qui sont de marque Renault et des Volvo. Voilà les deux constructeurs à qui nous avons fait confiance pour essayer d’avoir des pièces détachées, et donc, réagir par rapport à nos activités. Je rappelle que nos activités nécessitent une réactivité, une célérité pour aller sur le terrain. Nous avons 52 engins. Ce sont des engins lourds que nous avons acquis. Cette année, nous avons acheté 17 engins neufs, en plus de la trentaine que nous avions déjà avant. Actuellement, 32 d’entre eux sont opérationnels.
En effet. Yaoundé et Douala ont les plus gros matériels roulants. Ce qui permet de faire la collecte. Vous n’êtes pas sans savoir qu’aujourd’hui, sur la zone de traitement, ce que nous appelons le Centre de traitement des déchets, la ville de Douala reçoit environ 1500 tonnes de déchets par jour. Et Yaoundé, environ 1300 tonnes. Ceci nécessite des moyens énormes pour pousser, traiter ces déchets, les compacter afin d’avoir un espace de traitement viable. Et permettre que le site ait une durée de vie maximale.
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Pour revenir à votre question, à Douala, nous avons une vingtaine d’engins. A Yaoundé également, nous avons une vingtaine. Dans les autres régions, nous faisons, par moment, des mobilités. Parce qu’elles ne nécessitent pas une disponibilité permanente.
Avec l’arrivée du concurrent, des sources dignes de foi laissent entendre que vous avez lancé un plan de compression du personnel. Qu’en est-il exactement ?
Je vais rapidement vous dire que nous ne sommes pas là pour licencier le personnel. Nous sommes là pour respecter le contrat. Nous avions toute la ville autrefois. Aujourd’hui, nous avons un effectif d’environ 1150 personnels. Autour de 1200, s’il faut y ajouter l’administration. Si le nouveau contrat nous dit : vous ne couvrez plus toute la ville. Que faisons-nous du reste du personnel ? Nous sommes en train de négocier avec l’administration pour trouver des moyens de réintégrer ce personnel à d’autres postes. Mais HYSACAM n’est pas là pour faire le social. Le contrat est contrôlé, il y a des entreprises de maîtrise d’œuvre qui contrôlent l’exécution de ce marché. Mais la priorité N°1 de notre PDG c’est le personnel. Nous n’avons pas d’arriérées, mais des retards de paiement.
Nous avons, en dehors de ça, des besoins incompressibles. Je parle notamment du carburant. Lorsque nous ratons un jour de collecte à Yaoundé, pour rattraper, il nous faut une semaine. Aujourd’hui, HYSACAM parvient à tenir parce que nous avons la confiance des banques. Ce sont elles qui accompagnent l’activité en attendant que le gouvernement paie. Je peux vous le dire, nous travaillons pour les banques. Parce que les frais financiers sont très élevés.
Combien attendez-vous encore de l’Etat ? On était autour de 8 milliards de FCFA en fin d’année, cette ardoise a-t-elle été modifiée depuis lors ?
J’avoue que je n’ai pas fait ce rapprochement. Je n’ai pas demandé au financier. Honnêtement, j’ai même demandé qu’on ne communique plus sur les chiffres. Il y a des efforts qui ont été faits. La difficulté majeure c’est au niveau des villes. Les municipalités ne suivent pas trop. Il y a un effort au niveau du gouvernement. Ça vient avec beaucoup de retard. Mais les villes ne suivent pas.
Je n’ai pas fait le rapprochement financier, pour savoir exactement quel est la situation actuelle. Tout ce que je peux dire, c’est que le gouvernement a essayé de se rattraper un peu. Il y a encore des retards en 2019. Mais l’année 2018 a été rattrapée. Je ne peux pas donner le montant exact.
Dans un environnement marqué par un déficit de matériels roulants pour la formation au Permis de conduire de type C par les auto-écoles, où trouvez-vous les conducteurs qui travaillent dans vos camions ?
Il y a effectivement un problème de formation. Chaque fois que nous lançons un recrutement de conducteurs, sur 100 candidats, seulement 10 sont bons. C’est pour vous dire qu’il n’y a pratiquement pas de chauffeur de camion. Nous sommes obligés de prendre jusqu’à 20%. Prendre ceux qui sont quand même passables, on les fait faire des formations supplémentaires. Pour qu’un conducteur qui passe dans ce système soit opérationnel, il a au moins 90 jours de formation supplémentaire à la charge d’HYSACAM.
Cette formation ne semble pas tout à fait efficace. Sur les routes de Yaoundé par exemple, certains de vos conducteurs ont une attitude inquiétante. Ils roulent à tombeau ouvert, et sont très souvent impliqués dans des accidents de la circulation. Que faites-vous pour les ramener à la raison ?
Nous avons été informés et saisis par certaines populations, et les plaintes des usagers de la place publique. Nous avons pris des mesures en interne. D’abord, au niveau de nos matériels, nous avons bridé la vitesse des camions à 40 Km/h. L’excès de vitesse ne fait plus partie de notre vocabulaire.
Sur le plan administratif et disciplinaire, nous avons mis en place ce qu’on appelle le Permis à points. Chaque fois qu’il y a une faute de conduite, le conducteur paie ses points. Si jamais, il perd ses points, il cesse d’être conducteur. Cette mesure qui est la sensibilisation des chauffeurs, nous permet aujourd’hui d’enregistrer moins d’accidents.
Nous sommes à la fin du trimestre, et je peux vous dire qu’à ce jour, nous avons eu moins de 30 accidents sur l’ensemble du réseau. Ce sont de bonnes statistiques. Nous n’avons pas eu d’accidents mortels depuis le début de cette année. Je pense que si nous continuons ainsi, nous aurons zéro accident. Et nous aurons donc atteint l’objectif de zéro accident dans notre activité.
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