Cédric KETCHANGA (Bestway Finance) : « Notre projet repose sur des accords de Off taking agreement »

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Cédric Ketchanga Bestway Finance Ltd

Pour l’une des rares fois après la signature du contrat de partenariat Public-privé avec l’Etat du Cameroun, Cédric KETCHANGA, le Directeur administratif de Bestway Finance Ltd a accepté de répondre aux questions de BOUGNA. Le très discret jeune camerounais, a choisi notre journal pour apporter des éclairages sur le montage financier de ce projet qui apparaît comme l’un des plus importants enregistrés au cours de ces cinq dernières années dans le secteur minier.

Vous venez de signer le contrat de partenariat avec l’Etat du Cameroun. Un contrat qui, selon les observateurs, le contrat le plus rapide de cette envergure signé entre le Cameroun et un consortium dans le secteur minier. Ce compliment vous sied-il ?

Nous sommes effectivement très étonnés et heureux de la manière dont les choses ont été diligentées depuis le début. Nous avons eu la chance, comme on l’avait déjà rappelé lors de la cérémonie de signature, que le ministre d’Etat, Son Excellence Pierre OBA, qui a été la pulsion de ce projet, ait pris à cœur de mettre en œuvre cette coopération entre les deux pays. Il fallait bien qu’une personne porte ce projet. Notamment d’accepter que les minerais congolais qui sont issus de Nabeba, Avima et Badondo, et qui représentent 100 millions de tonnes, traversent pour passer via le Cameroun, pour une exportation vers la Chine.

Cela veut dire qu’aujourd’hui, les congolais ont accepté de voir leur mines financer des infrastructures côté camerounais. Je tiens à rappeler sur les 600 km de chemin de fer, 510 seront bâtis côté camerounais, et 90 km, côté congolais. On sait tout, le Ministre des Transport l’a d’ailleurs rappelé, cette ligne de chemin de fer à double voie, pourra aussi servir pour le transport des marchandises, et permettre aux riverains de pouvoir l’utiliser.

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Nous, aujourd’hui, nous tenons à dire que la pulsion et la rapidité de ce projet se sont faites lorsque des hauts cadres de la fonction publique ont montré leur côté patriotique. Dès lors qu’ils ont saisi l’opportunité de présenter, notamment pour la partie camerounaise, tout le monde a emboîté le pas et ils ont accéléré les choses.

Voyez-vous, le Congo aurait pu effectivement rester sur son territoire et faire sortir ces minerais sans passer par le Cameroun. Ce n’est pas un pays enclavé. Il y a le Port de Pointe Noire. C’est vrai, les distances ne sont pas les mêmes, mais le Congo aurait pu se rétracter si on montrait plus de lenteur. Nous avons donc su, au moment opportun, saisir cette opportunité.

Parlons du volet financier. Nous avons observé un certain doute sur la capacité du concessionnaire à trouver de l’argent pour financer ce projet. Quelles garanties donnez-vous à ceux qui vous lisent ?

Je tiens à rappeler, avant d’entrer dans le vif du sujet, que ce projet ne requiert en aucun cas de l’endettement des deux Etats. Que ce soit du Congo ou du Cameroun. Nous ne demandons pas de garantie étatique. C’est un projet qui est financé de bout en bout par des entreprises privées, des acteurs privés.

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C’est pour cela que le cadre du contrat, qui est un PPP, mais qu’il faut plus considérer comme un BOT. Parce que nous avons aujourd’hui des acteurs privés qui apportent près de 5 400 milliards de FCFA.

Pour revenir au vif du sujet, je vous fais noter que ça ne s’est pas fait durant les dernières décennies. Il fallait regrouper tous les permis en un. Cela offrait plus de possibilités de voir le projet se réaliser. Le ton donné par le Congo, en récupérant les trois permis de Avima, Badondo et Nabeba, (qui appartenaient à trois différentes sociétés), et les regrouper en un, nous permet aujourd’hui d’avoir une structuration du financement sur la base des offres techniques, avec de plus grosses aciéries chinoises. Notamment Bao Steel, qui consomme près d’1,2 milliard de tonnes par an. Aujourd’hui, ce que nous faisons, c’est d’engager 15 années de production en avance. Ce qui permet aux APC contractors chinoises, de venir dans le consortium structurer le financement tel qu’il est écrit.

Effectivement, les gens, aujourd’hui, se posent des questions que nous pouvions comprendre. Puisque les montants indiqués ne sont pas les montants avec lesquels nous sommes familiers. 10 milliards de dollars, c’est pratiquement le budget du Cameroun. Mais cela est fait par des accords de « Off taking agreement ». Ça veut dire qu’on vend 15 années de production en avance. Cela permet aux APC Contractors chinoises de venir au sein du consortium, et à chacune de prendre des financements avec leurs acteurs financiers de part et d’autre. Ceci parce qu’il y a des garanties. Un seul permis ne pouvait pas servir de garantie.

En juillet dernier, lors de la signature du MOU avec l’Etat du Cameroun, Bestway Finance Ltd avait dit tabler sur des prévisions du cours du fer à 80 dollars la tonne. Aujourd’hui, nous sommes nous sommes à 160 dollars, après une baisse successive ces trois derniers mois. Cette tendance met-elle en danger vos prévisions ?

Le prix du fer, en réalité on le sait, a tendance à fluctuer. Sauf que, nous avons été très conservateurs. Même quand on fait des « off taking agreement », on fixe un prix en avance. Les deux parties (le vendeur et l’acheteur) fixent un prix. L’acheteur, aujourd’hui, je peux vous dire, nous a fixé un prix qui tourne effectivement autour des 80 dollars.

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Ce qu’il faut savoir, et qui est important, c’est que dans le craton du Kassaï, où se retrouvent tous ces permis, notamment Mbalam côté camerounais, le coût de revient du minerai tourne autour de 30 dollars la tonne. Et le coût de transport, on peut ajouter 15 à 20 dollars jusqu’en Asie. Ce qui fait qu’en réalité, vous avez un coût de revient de votre minerai à 500 dollars. C’est le coût du minerai le plus faible au monde. Parce que tous ces grands pays producteurs de minerai de fer (Australie, Brésil, Canada), ont des coûts pondérés aux alentours de 90 à 100 dollars. Pourquoi ? Parce qu’en termes de chemins de fer, les coûts sont énormes. Les investissements sont plus importants et surtout, en termes d’extraction, nous avons une grâce dans le craton du Kassaï. C’est que le fer c’est du DSO, ça veut dire qu’on n’a pas besoin de forer. C’est du fer qui est ramassé à fleur. Ça réduit en réalité les coûts d’exploitation.

Donc il faut bien comprendre une chose, c’est l’appétit qu’il y a autour de ce projet est dû à une seule chose. Nous avons un coût d’exploitation imbattable dans le monde. Voilà pourquoi nous avons tous les intérêts de ces entreprises chinoises qui viennent vers nous. Notre coût d’exploitation tourne en réalité autour des 30 dollars. Quel que soit le cours du fer sur le marché, nous resterons toujours compétitifs.

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Tout ce qui nous manquait aujourd’hui c’était la coopération. La volonté des deux chefs d’Etat de construire, de bâtir ce projet ensembles. Ça a toujours été dit depuis, et nous avons essayé aujourd’hui d’apporter une pulsion dans ce sens. Les Etats n’ont rien à mettre, rien à investir. Nous, aujourd’hui, nous devons nous concentrer sur le fait que ce sont des partenaires privés qui viennent avec un financement total.

Les anciens concessionnaires maintiennent une sorte d’épée de Damoclès sur le projet, et donc sur le consortium. Avima Iron Ore Ltd, par exemple, demande des milliards de FCFA d’indemnisation, et a déjà pris le chemin des tribunaux. Ne craignez-vous pas que ces affaires en justice fassent dérailler le projet ? Comment envisagez-vous ces menaces ?

Les Etats sont souverains. Nous ne sommes pas rentrés en guerre avec des sociétés privées. Nous respectons les investissements qui ont été faits autour du projet. Mais on essaie aussi, à un moment donné, de pouvoir trouver la solution. Nous savons tous que ces minerais de fer, la seule problématique c’était le chemin de fer, le transport, l’exploitation. Il fallait maintenir l’ingénierie en marche.

Nous avons su planter les choses. Je ne dis pas que les autres n’avaient pas su. Mais nous avons pu convaincre les Etats à ne pas mettre de l’argent, ce qu’ils n’ont pas. Vous qui suivez de très près ces dossiers, vous savez que dans les anciennes structurations, les anciens partenaires demandaient aux Etats à un moment donné de contribuer.

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Et la solution, la clé, c’était d’amener les Etats à nous faire confiance sans toutefois s’engager. Nous connaissons le contexte économique que nous avons vécu ces dernières années. Avec notamment un cours du pétrole qui a baissé sur le marché, et qui avait impacté négativement sur les économies de nos pays différents. La clé, une fois de plus, était d’amener les Etats à faire confiance à des partenaires, sans toutefois s’engager d’avantage.

Quand prévoyez-vous de procéder à la pose de la première pierre ?

Nous avons rempli le challenge. Ce jour du 25 février 2022 rentrera dans les mémoires, puisque nous avons accompli le plus dur. Signer les accords contraignants avec le Cameroun. C’était vraiment la pièce du puzzle manquante. Avec cette pièce, nous pouvons dire que la pose de la première pierre sera faite d’ici la fin de l’année 2022, pour un démarrage des travaux début 2023, et un démarrage de l’exploitation de ces minerais d’ici le premier trimestre 2025.

Interview avec Frégist Bertrand TCHOUTA

 

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