Pour la deuxième fois depuis sa sortie de prison, le Pr Titus EDZOA, ancien ministre de la Santé Publique, a accordé une interview à l’émission « Autant le dire » diffusée sur Naja TV. Au cours de cet entretien avec Jean Bruno TAGNE, l’ancien membre du gouvernement a posé un regard critique sur le rythme d’exécution du programme routier et autoroutier du Président de la République.
Pour le Pr Titus EDZOA, construire « une autoroute en soixante ans » ça lui donne « un sourire sardonique ». Selon le dictionnaire, « sourire se traduisant par une forte contraction des muscles de la face donnant à la bouche une expression acerbe et moqueuse ».
Sur l’autoroute Yaoundé-Douala par exemple, dont la phase 1 (60 kilomètres) a été réceptionnée en décembre 2021, le professeur craint de voir : « cette autoroute dépassée, si jamais elle est réalisée sous ce système ».
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Une façon pour lui d’ironiser sur cette infrastructure dont la première phase a été achevée après sept ans de travaux (2014-2021). Pour laquelle l’Etat, à travers le Ministère des Travaux Publics, poursuit le processus de contractualisation d’une entreprise pour construire les 137 km de la phase 2 (cela se fera dans le cadre d’un partenariat Public-privé).
Poursuivant dans une analyse économique globale, le Pr Titus EDZOA pense que « quand on parle d’économie, on parle d’infrastructures. Le Cameroun a besoin d’infrastructures, parce qu’il a un niveau primaire. Pour lancer l’économie du Cameroun, il faudrait faire un réseau, comme une toile d’araignée. Yaoundé, la Capitale, devrait être rattachée à chaque chef-lieu de région par une autoroute ». Soixante ans, s’indigne-t-il, aurait été largement suffisant pour atteindre cet objectif stratégique.
L’un des blocages à cette progression réside au niveau de la personnification des projets d’infrastructures par les hommes politiques. « On pense que lorsque vous commencez une réalisation en tant que responsable, vous devez voir la fin. C’est ce qui peut justifier quelque part cette pérennité », regrette-t-il.
Pourtant, « Quand vous avez une initiative qui concerne un Etat comme le Cameroun, ceux qui sont responsables doivent l’initier. Le moment venu, une fois évacué d’une façon ou d’une autre, les autres doivent continuer, parce qu’il y a une continuité de l’Etat. C’est comme ça que les pays se construisent. La construction d’un pays ne se fait pas nommément par des individus. C’est pour cela qu’il faut être humble. Vous faites ce que vous pouvez. Le moment venu, vous vous mettez à l’écart, et les autres continuent ».
Marafa Hamidou YAYA
Ce n’est pas la première fois qu’un ancien membre du gouvernement s’exprime de manière aussi critique sur le rythme d’exécution de l’autoroute Yaoundé-Douala. Avant le Pr Titus EDZOA, Marafa Hamidou YAYA, ancien Ministre de l’Administration Territoriale (MINAT), avait tenu des propos dur sur cette infrastructure.
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Dans une lettre rédigée le 20 février 2020 (depuis sa prison) avec pour titre « Pour une république sincère », l’ancien Secrétaire Général à la Présidence de la République demandait au gouvernement de « dire la vérité », et de reconnaître ses échecs, notamment dans la mise en œuvre de certains projets intégrateurs.
« L’autoroute Douala-Yaoundé est promise depuis 10 ans mais la phase I n’est toujours pas achevée », avait-il notamment écrit, avant de conclure que « le Nord reste coupé du reste du pays, et dans le Nord même, pour aller de Ngaoundéré à Maroua, il faut 10 heures de route ».
Amba SALLA
Après Marafa Hamidou YAYA, l’extrait d’une réaction de Patrice AMBA SALLA, ancien ministre des Travaux Publics, exploité dans une enquête publiée sur les antennes de France 24, avait défrayé la chronique.
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« Nous sommes dans un pays où la corruption est assez prononcée. Et donc, il est possible que des faux frais comme ça entrent en ligne de compte », avait clairement déclaré l’ex-Ingénieur de l’Etat dans ledit reportage. Il avait par la suite fait une sortie pour accuser HEMISPHERE MÉDIA PRODUCTION, fournisseur de contenus dirigé par Patrice FANDIO, d’avoir dénaturé ses propos.
« je vous ai accordé une interview pour clarifier mon rôle dans la gestion de ce projet à son démarrage et dissiper le malentendu persistant sur la supposée modification de ses caractéristiques techniques qui serait la source des coûts supplémentaires évoqués il y a un moment », avait-il écrit à Patrice FANDIO.
« Le contrat administratif souscrit par l’entreprise et signé par le Ministère des Marchés publics précise les caractéristiques inchangées en cours de réalisation. Ne trouvant plus matière à questionnement sur ma gestion, il m’a été demandé de réagir sur une étude de la BM établissant le caractère élevé des prix des infrastructures en Afrique centrale et au Cameroun. Je me suis fait le plaisir de vous donner les raisons que j’identifie ».
« Vous avez par conséquent choisi une de mes déclarations, hors contexte, pour tenter de faire croire que j’identifie la corruption comme L’ EXPLICATION de l’état actuel du chantier », avait-il conclu.
Frégist Bertrand TCHOUTA
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