Des « navires fantômes » battant pavillon camerounais « hantent » l’Organisation Maritime Internationale

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Un Navire (photo d'illustration)

L’Organisation Maritime Internationale (OMI) s’inquiète de la circulation en haute mer de « navires fantômes » battant pavillon camerounais. Des navires qui, fait observer l’organisme international, « remet en cause la légalité de ces navires de mer et par extension, la procédure d’immatriculation de ces navires battant pavillon camerounais ».

Ce 14 mars, Jean E.M. Ngallè BIBEHE, Ministre des Transports, a reçu en audience Barry LOWEN, Haut-Commissaire de la Grande Bretagne au Cameroun. Le diplomate, dont le pays abrite le siège de l’OMI, venait signifier lesdites inquiétudes au membre du gouvernement camerounais.

Selon le Directeur des Affaires Maritimes et des Voies Navigables du MinT, le problème des navires fantômes repose sur la capacité du Cameroun à être intégré dans le Système d’Information Mondial, malgré les énormes efforts déployés jusqu’à présent.

« Cette lacune rend le Cameroun incapable de suivre les navires marqués dans les zones rouges », rapporte la Cellule de la communication dudit département ministériel dans un document parvenu à notre rédaction.

Néanmoins, ajoute-t-elle, « afin de faire face à cette limitation, le Cameroun a toujours réagi immédiatement aux informations mises à sa disposition sur les navires identifiés comme fautifs et, après vérification, radie ces navires ».

Liste noire ?

Déjà classé dans la liste noire de l’OMI pour ce qui est de la formation des gens de mer, le Cameroun ne veut pas se voir blacklister à nouveau pour irrégularités dans l’immatriculation des navires.

A lire : Normes de Formation des Gens de mer : Le Cameroun dans la liste noire de l’OMI

Selon nos informations, plus de 200 navires immatriculés au Cameroun actuellement battent pavillon sur les eaux internationales. Ces immatriculations sont attribuées par quatre officiers d’immatriculation des navires identifiés au Cameroun (Douala, Limbe, Kribi et Garoua). Ceci, conformément à l’article 14 de l’ordonnance n°62-OF-30 du 31 mars 1962 communément appelée Code de la marine marchande camerounaise et au décret 62-DF.325 du 6 septembre 1962 qui fixe les conditions de naturalisation et d’immatriculation des navires. Mais ce cadre réglementaire n’est peut-être pas toujours respecté, comme le montre l’actualité récente.

02 janvier 2024, dans une circulaire adressée aux autorités portuaires (capitaines de port, armateurs, gestionnaires, opérateurs, agents maritimes et sociétés de classification de l’interdiction) camerounaises, les Émirats Arabes Unis, informent de l’interdiction de navigation dans les eaux émiraties, des navires battant pavillon camerounais.

« Dans le cadre de l’Administration maritime fédérale des Émirats arabes unis représentée par le ministère de l’Énergie et des Infrastructures, chargée de réglementer les opérations des navires étrangers dans les eaux et les ports des Émirats arabes unis, cette administration a décidé d’inclure les navires enregistrés sous l’État du pavillon de « République du Cameroun » à la liste existante des navires de l’État du pavillon restreint faisant escale dans les eaux et les ports des Émirats arabes unis, à moins qu’ils ne soient classés par un membre de la classe IACS (Association internationale des sociétés de classification Ndlr.) ou par la Société de classification des Émirats-Tasneef », écrivent les autorités émiratis.

Avec cette décision, lesdits navires sont désormais blacklistés auprès de toutes les compagnies maritimes et agents maritimes des Émirats arabes unis. Ces compagnies ne devront plus fournir de services aux navires qui ne se conforment pas à cette circulaire afin d’éviter toute responsabilité juridique. Pour rappel, plusieurs pays africains sont déjà inscrits dans cette liste noire, notamment la République du Congo (RDC), la Guinée équatoriale, la Tanzanie et Sao Tomé-et-Principe.

Dans un article posté sur son site Internet, lequonomie.info établit un lien entre la répression mondiale qui s’intensifie contre les pétroliers fantômes opérant en dehors du cadre réglementaire des industries maritimes à travers le monde et la décision des Emirats Arabes Unis.

Citant le magazine « The Maritime Executive », le journal rappelle que le Cameroun en particulier, a développé ces dernières années la réputation de posséder une flotte fantôme. « Le Cameroun a retenu l’attention en tant que refuge pour la flotte fantôme, car les opérations de ces navires se sont développées en réponse aux interdictions imposées par l’Occident sur les exportations de pétrole russe. Historiquement, les navires immatriculés au Cameroun ont été liés à d’autres opérations de contrebande de pétrole, notamment en Iran et au Venezuela », a rapporté The Maritime Executive.

Le même média renseigne qu’en juillet 2023, l’Indonésie a par exemple signalé que ses forces étaient tombées sur deux pétroliers illégalement ancrés lors d’un transfert de pétrole de navire à navire. L’un des navires était un pétrolier iranien qui opérait dans l’obscurité, c’est-à-dire avec son signal AIS éteint, tandis que l’autre navire du transfert s’identifiait comme étant immatriculé au Cameroun. Il utilisait cependant l’identité d’un navire démoli cinq ans plus tôt.

Un pétrolier Suezmax nommé Liberty battant pavillon camerounais s’est échoué en décembre 2023 près de Singapour dans le détroit de Malacca. Le navire, âgé de 23 ans, illustrait les propriétés de la flotte fantôme et un examen des dossiers a montré qu’il provenait d’un port pétrolier russe. Les données recueillies par Bloomberg ont révélé que sur 14 pétroliers battant pavillon camerounais, 11 d’entre eux pouvaient être retracés vers des ports pétroliers russes au cours de l’année écoulée.

Le MoU de Paris, l’une des agences administratives des États du pavillon, reflète actuellement six navires enregistrés au Cameroun comme ayant reçu des avis de détention et sont actuellement interdits de la région du MoU de Paris, avec deux des avis émis en septembre 2023. Le MoU de Paris répertorie le Cameroun comme l’un des neuf pays de sa « liste noire » présentant le facteur d’excès le plus élevé et le seul pays actuellement classé comme « à très haut risque ».

Réaction du Cameroun

Dans son exposé au Haut-Commissaire de Grande Bretagne, le Directeur des Affaires Maritimes et des Voies Navigables du MinT a soutenu une défense plutôt mitigée. « Le Cameroun fait de son mieux pour contrôler l’assurance des navires de mer immatriculés sous son label, ceci le plus souvent en mettant en cause les pays concernés…l’immatriculation des navires de mer camerounais est conforme à l’AIS », a-t-il ajouté.

« Le Cameroun fait de son mieux pour contrôler l’assurance des navires de mer immatriculés sous son label, ceci le plus souvent en mettant en cause les pays concernés…l’immatriculation des navires de mer camerounais est conforme à l’AIS », aurait ajouté le Directeur des Affaires Maritimes et des Voies Navigables du MinT dans son exposé.

Pour sortir de cette situation, le Cameroun sollicite l’aide du Haut-Commissaire de Grande Bretagne. Notamment qu’il utilise sa fonction pour lui permettre d’être intégré au Système mondial d’information.

Cette aide pourrait également s’étendre à la numérisation de la procédure d’enregistrement. Ce qui permettra l’interconnectivité avec le système international. En attendant que le Cameroun mette en place le système de suivi, il a été recommandé que les informations sur les navires de mer dans les zones rouges soient régulièrement mises à la disposition du Cameroun.

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