Dans un Port de Kribi déjà tourmenté par la pandémie de la COVID-19, une autre crise, au sein de la communauté portuaire, serait sur le point de doucher les efforts et énergies actuellement mobilisés pour contrer le virus.
En effet, selon plusieurs acteurs de la place portuaire, Kribi Conteneurs Terminal (KCT), concessionnaire du Terminal à Conteneurs du Port Autonome de Kribi, cumulerait des arriérées de paiement des redevances fixes. Arriérées qui représentent « plus de 60% des recettes budgétaires du PAK », avance Gabriel Manimben, PCA de KPMO, dans une interview accordée au quotidien Le Messager (numéro du jeudi, 14 mai 2020).
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Une information confirmée par d’autres gros poissons de la Communauté portuaire de Kribi, qui expliquent sous anonymat, qu’ « en fait, il y a eu des accords entre le Port Autonome de Kribi et Kribi Conteneurs Terminal pour le paiement des redevances fixes et variables. Mais KCT s’est rebiffé et veut renégocier ».
Notre source ajoute : « La caution de bonne fin qu’il avait émis a été appelée par le PAK comme le prévoit le contrat en cas de non-paiement. Mais la procédure a été bloquée en haut-lieu ».
Le contrat
Que prévoyaient ces accords ? A combien s’élèvent ces arriérées de paiement des redevances ? Et depuis quand dure cette situation d’insolvabilité ? Joint par BOUGNA, le Port Autonome de Kribi n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations. Idem chez KCT, où les équipes d’Eric LAVENUE sont restées muettes face à nos questions.
Mais des sources généralement bien informées au PAK rapportent qu’au moment de la signature, le consortium (constitué de Bolloré, CMA CGM, CHEC et des actionnaires camerounais) et l’Etat du Cameroun ont paraphé un contrat prévoyant une période de sûreté de trois ans au cours de laquelle KCT ne serait pas astreint à reverser 100% des redevances (fixe et variable). Ceci pour amortir les pertes liées au démarrage « timide » des activités à Kribi.
Les démarches engagées par BOUGNA n’ont pas permis de savoir depuis quand remonte l’insolvabilité. On sait cependant que le contrat portait sur le paiement, par KCT, de 33 millions d’euros (environ 21,646 milliards de FCFA) de redevance annuelle fixe, et une redevance annuelle exceptionnelle de 0,4 millions d’euros (près de 262,383 millions de FCFA) à compter de la seconde année.
Mais des documents obtenus auprès de nombreuses sources montrent que depuis le début de l’année 2020 (en tout cas jusqu’au 22 avril dernier), KCT n’avait pas versé le moindre sou dans les caisses du Port de Kribi au titre de la redevance annuelle fixe.
Dans une correspondance signée ce même 22 avril 2020, Olivier De NORAY, Président du Conseil d’administration de KCT, propose « …sans attendre de procéder rapidement à un virement provisionnel d’1 milliard de FCFA sur la redevance de l’année 2020 » au cas où le PAK accepterait de mobiliser une équipe ad hoc pour engager des discussions devant aboutir à un accord.
Les raisons de KCT
Pour comprendre les motifs de la retenue des redevances fixes par KCT, il faut remonter deux mois plus tôt. Plus précisément le 18 mars, se tiennent les travaux du Comité de Suivi. Au regard des difficultés causées par la crise sanitaire, le Comité prend des résolutions permettant d’apporter un début de solution.
Parmi celles-ci, le point N°2, dans lequel le Comité note que « le PAK et KCT reconnaissent également qu’au vu du niveau d’activité constaté, des résultats enregistrés en rapport avec les prévisions et des retards de développement identifiés, un examen du plan d’exportation et de développement annexé au contrat de concession est nécessaire ».
C’est sur cette proposition (et des autres propositions prises lors des Comités de suivi des 13 février et 12 septembre 2019) que s’appuie KCT pour solliciter une « mise en œuvre des mesures correctives » à la crise que traverse le Port Autonome de Kribi.
Concrètement, KCT souhaite procéder à « l’élaboration d’une version actualisée du Plan de développement et d’exploitation ainsi que du modèle financier du Terminal à conteneur en l’adossant sur celui du port. (Et Ndlr.) la détermination des montants et des dates de règlement des échéances des redevances de concession ». Clairement, KCT voudrait une révision à la baisse de la redevance fixe.
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Vagues d’indignations
Au sein de la communauté portuaire de Kribi, des voix s’élèvent pour fustiger cette attitude « irrévérencieuse » du consortium. « La concession a été attribuée sur 25 ans. Deux ans seulement après le début des activités, il est incompréhensible qu’une entreprise comme KCT se trouve dans cette situation. Economiquement, ça laisse entrevoir deux choses. Soit l’entreprise a fait de fausses promesses au moment de la signature du contrat, et donc, elle fait preuve de mauvaise foi. Soit, elle a mal fait ses prévisions, ce qui est inimaginable pour un consortium aussi expérimenté », analyse un observateur.
D’autres, toujours sous anonymat, s’étonnent d’autant plus qu’en 2020, par rapport à 2019, les activités ont enregistré une progression. Le nombre d’escales a augmenté de 12%, et l’arrivée de nouveaux opérateurs comme Maersk promettent du beau temps dans l’avenir des eaux de l’océan atlantique.
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Dans son rapport intitulé « information financière du premier trimestre 2020 » rendue publique le 20 avril 2020, le groupe Bolloré (lire le tableau ci-dessous pour sur la répartition des parts dans le consortium) a présenté une baisse de 5% de son chiffre d’affaires au premier Trimestre 2020.
Baisse tirée notamment par le départ du Terminal Polyvalent du Port Autonome de Douala. Tout en relativisant sur ces pertes qui n’ont pas touché les autres terminaux. « Hors Douala, les terminaux portuaires poursuivent leur croissance, principalement TICT au Nigeria, Conakry Terminal en Guinée, Freetown Terminal en Sierra Leone, et Abidjan Terminal en Côte d’Ivoire ».
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Certaines sources jointes ce vendredi, 15 mai, nous font savoir que les discussions entre KCT et le PAK ont commencé. Patrice Melom va-t-il accéder à la demande de son concessionnaire de revoir à la baisse le montant de la redevance fixe pour espérer encaisser les arriérés ? Les prochains jours nous en diront plus.
Frégist Bertrand TCHOUTA
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Ça commence très tôt et c’est inquiétant.