Du 5 juin au 30 Septembre 2024 se déroule sur l’ensemble du territoire national la campagne gouvernementale de prévention et de sécurité routière. Une action qui selon Jean Collins NDEFOSSOKENG, Président du Syndicat national des employés du secteur terrestre du Cameroun (SYNESTER), serait plus efficace si en premier lieu, elle était plus ciblée sur un objectif précis. Notamment la sensibilisation contre ce qu’il appelle « surcharge sauvage » pour dans les véhicules de tourisme qui desservent les campagnes.
Le gouvernement camerounais a lancé une fois encore une autre campagne de prévention et de sécurité routières qui court jusqu’au 30 septembre 2024. Quel est votre regard sur cette action-là ?
Ce n’est pas la première campagne. Tous les ans on est pratiquement dans la même rengaine avec le Ministère des Transports. Il est dans son rôle régalien. Il se trouve qu’aujourd’hui, la prévention et la sécurité routières sont plus que jamais une activité qui se veut bien accomplie au regard de ces accidents qui n’ont pas toujours disparus de nos routes.
On a encore en mémoire ces récents accidents dont l’un des plus malheureux est celui de la Falaise de Mbé près de Ngaoundéré (22 mai 2024, Ndlr.) avec ces étudiants qui allaient aux Jeux Universitaires du côté de Garoua. Il nous revient que le véhicule qui les transportait ne semblait pas en très bon état.
Vous voyez bien qu’on peut très bien interpeller la visite technique au Cameroun, parce qu’il me semble que c’est un point sur lequel il faut axer le combat. Faire en sorte qu’il y ait une sorte d’éthique au niveau de la production des visites techniques. On ne peut pas combattre les accidents si on n’a pas les véhicules en bon état. Quand on a dit bon état, on ne parle pas de véhicules neufs, on parle quand même des véhicules qui subissent un entretien permanent, afin de ne pas être surpris par la mécanique de son véhicule.
Maintenant cette campagne que lance Monsieur le Ministre Jean Ernest MASSENA NGALLE BIBEHE, vous allez remarquer que vous avez toujours ces agents de la prévention routière qui pratiquement écument nos rues pour les besoins de services. A ce niveau-là, nous avons eu à dire au MINT que nous ne nous reconnaissons pas en ces gens-là. Quand vous les regardez, vous vous demandez s’ils ont eux-mêmes un permis de conduire. Nous sommes d’accord avec le Ministre pour cette autre campagne. Mais cette année, nous allons le conseiller d’en faire une lutte ciblée. Il ne faut pas aller au combat de manière globale et dispersée.
Justement, au cours de cette campagne qui a débuté le 5 juin 2024, il est prévu de mettre l’accent sur les excès de vitesse, la conduite sous l’emprise des drogues, les dépassements dangereux, les chevauchements de la ligne continue, le port obligatoire de la ceinture de sécurité, les surcharges, le défaut de visite technique, et les mauvais stationnements. En quatre mois d’action, cela est-il réalisable?
C’est un programme un peu trop chargé selon nous. Depuis pratiquement 10 ans de prévention routière, l’on revient chaque année sur la même chose. Nous demandons au ministre d’essayer de faire des campagnes cibles. C’est à dire, on remarque un phénomène qui est inacceptable en 2024 et on le combat.
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Par exemple la surcharge sauvage. C’est vrai on a un réel problème d’offre de transports dans nos campagnes, mais ça n’explique pas qu’on en soit à avoir ce qu’on appelle vulgairement « le petit chauffeur ». C’est à dire pour un véhicule de tourisme, qu’il y ait quatre personnes devant et quatre personnes derrière.
Il faudrait quand même à ce niveau-là retirer une personne pour qu’on puisse avoir trois personnes devant et quatre personnes derrière. Car malheureusement ce qui est sûr ces véhicules qui font la surcharge sauvage passent toujours devant les gendarmes et les policiers qui sont également des acteurs de la prévention et la sécurité routières qui les laissent circuler pour des besoins d’argent. C’est quand même dommage. Nous pensons que si au moins cette année, cette campagne peut amener les chauffeurs à comprendre qu’il faut arrêter avec la surcharge sauvage, ce serait une bonne chose de faite.
Il y a aussi les gares routières, car très souvent, les campagnes de prévention se font sans qu’on insiste sur les gares routières. Pourtant elles sont le lieu où se retrouvent les chauffeurs indépendants. Il s’agit des gens qui louent le véhicule à un patron, à charge pour eux de verser une recette en soirée. Parmi ces gens-là donc il y’en qui n’ont pas de permis de conduire, ou ont un permis qui ne correspond pas au type de véhicule à conduire.
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Par exemple, il a un permis de conduire de catégorie B, mais vous le retrouvez en train de conduire un véhicule interurbain de passagers. Vous comprenez donc qu’il n’a pas de B A BA en formation de transport de passagers. De même, vous voyez des gens qui ont un permis de conduire de catégorie B mais vous les voyez à bord des camions. C’est pour cette raison qu’on a dit au ministre des Transports que, pour que la prévention routière soit holistique il faut faire un combat en amont. Parce que, en impliquant les syndicats, on arriverait à faire que tout chauffeur exerçant dans le transport à titre onéreux se rende dans un syndicat de son choix, pour se faire identifier.
De telle enseigne que nous, à notre niveau, nous nous rassurons que tous ceux qui souscrivent ont le permis correspondant pour le faire. Parce que chaque fois qu’il y’a un accident on a tôt fait de nous interpeller. Pourtant le Ministère des Transports nous écoute moins à ce niveau. Donc à mon avis le MINT fait cette sensibilisation chaque année mais je la trouve un peu trop générale qui la rend superficielle au final.
Parlant du Syndicat national des employés du secteur terrestre du Cameroun, comment se déroulent les activités au quotidien ?
A travers le territoire nous pouvons friser 3000 membres. Puisque nous sommes à Bafoussam, Bamenda, Limbé, Dschang, Mbalmayo, Ntui, Ombessa, Douala. Tous les ans, il faut bien que le Président du Syndicat que je suis se rende dans les bases pour se rapprocher des membres et connaitre leurs problèmes. Et c’est l’occasion pour nous lors de ces descentes, de les appeler à la prudence. Ce n’est que ce qu’on peut faire à l’heure actuelle car nous sommes impuissants pour agir plus efficacement pour le moment.
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Vous voyez, lorsque quelqu’un n’a pas le permis de conduire correspondant, et qu’il donne de l’argent à la police, il est libre de passer. Or s’il y avait un badge qui est une sorte de tamis en amont, ça ferait que nous pourrions avoir le droit d’interpeller quelqu’un qui est à un volant sans badge d’identification. Puis que à ce moment nous serions impliqués pour essayer d’être des censeurs sociaux auprès des conducteurs, mais le processus dans lequel nous sommes avec le ministère tarde à aboutir et pendant ce temps les gens crèvent.
Quel est votre mot pour ceux des conducteurs terrestres qui ne sont pas conformes en termes de réglementation. Qu’ils soient de votre syndicat ou non.
La prévention et la sécurité routières sont des activités transversales. Elle ne saurait être l’apanage du ministère des Transports à lui seul. D’ailleurs vous constaterez qu’aujourd’hui, le MINT a sa prévention routière, la Gendarmerie a sa prévention routière. Ce qui fait qu’il n’ y a pas une homogénéité de politique nationale en terme de prévention routière.
Grâce à Dieu depuis 2002, le Chef de l’Etat S.E Paul BIYA a créé le Conseil National des Transports (CNT), qui est une instance où tous les partenaires impliqués dans le domaine des transports, j’entends par là les Assureurs, les promoteurs d’auto-écoles, la gendarmerie, la police, les patrons d’entreprises de transports, nous syndicalistes, les chauffeurs eux-mêmes, etc. C’est une tribune, une plateforme où on devrait se retrouver au moins deux fois par an pour adresser les problématiques de transports. C’est à dire que si cette plateforme siégeait, on pourrait à ce niveau-là harmoniser les points de vue en terme de mal à extirper dans le transport de manière concertée.
5) Quelle serait finalement la solution draconienne pour regulier les accident au Cameroun ?
Lorsqu’on se retrouve au sein du CNT c’est forcément pour que les accidents puissent baisser dans l’intérêt des assureurs par exemple, avec lesquels nous avons une commission tripartite. Mais qu’eux-mêmes, ces assureurs, ont réussi à trainer au sol, parce que dans cette commission tripartite des assurances, on essayait de les amener à comprendre qu’on peut les amener aux AWARDS DES TRANSPORTS. Afin d’afin d’encourager les chauffeurs méritants.
Pensez-vous que la compagne de prévention qui se poursuit aurait eu un meilleur impact si vous, en tant que syndicat, aviez été impliqué dans la démarche ?
Le Directeur des transports routiers, qui gère pratiquement l’organe technique du ministère nous connait. Donc c’est à lui de voir s’il peut nous impliquer ou pas. S’ils ne peuvent pas nous impliquer, on leur souhaite simplement bon vent. A condition qu’au terme de cette campagne-là, les résultats soient bons pour tout le monde.
Je veux me rassurer qu’à la fin de cette campagne de prévention, c’est à dire au mois de septembre, au moins, qu’on n’ait plus de surcharges sauvages. Çà c’est faisable. Il suffit que le Ministre des Transports, le SED, la Gendarmerie, s’asseyent pour dire qu’ils sont d’accord pour la desserte des zones enclavées par la surcharge, mais pas en transportant huit personnes à la fois dans les véhicules de tourisme.
Prenez par exemple Yaoundé- Obala. Pourquoi le MINT n’encouragerait-il pas la création d’une entreprise de transports, de sorte à intéresser les opérateurs économiques à mettre sur pied une agence de voyages formelle de ce côté. Même cas d’espèce pour Yaoundé-SOA, ce qui créerait des emplois formels pour les camerounais. Puisqu’actuellement la plupart de ces gars qui font la ligne Yaoundé- SOA n’ont pas une assurance conforme. Pourtant nous nous sommes battus dans le cadre de la commission tripartite avec les assureurs pour que toutes les branches d’activités des transports puissent être assurés. Vous savez qu’aujourd’hui les moto taximen et les conducteurs de véhicules périurbains n’ont pas une assurance conventionnelle. Notre bataille c’était pour qu’on puisse revoir l’arrêté sur les assurances pour que les concernés puissent avoir gain de cause, malheureusement çà fait pratiquement cinq ans que ce projet est dans les tiroirs. C’est pour ça qu’aujourd’hui encore on n’est en insécurité lorsqu’on fait Yaoundé-SOA.
Entretien mené par Larissa LIKENG