Sur les nombreuses routes qu’il a empruntées ce weekend de campagne pour se rendre dans les circonscriptions électorales, Jean Ernest Masséna Ngalle BIBEHE a certainement été mis au courant de la cinquantaine de personnes tuées dans les accidents de la circulation. Notamment l’accident survenu ce vendredi, 24 janvier aux feux Nkongkak (Yaoundé). Dans lequel un camion fou a percuté de plein fouet le véhicule de la famille Ndinga (du nom d’un jeune magistrat camerounais). Tuant ainsi sa femme enceinte, son bébé de deux ans, son beau-père, et lui-même.
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Le ministre des Transports, qui a annoncé, début du mois, avoir compté 937 morts sur les routes camerounaises en 2019, tenait là, l’une des preuves du caractère « irréaliste » (selon des experts) de ses chiffres étonnamment peu exhaustifs sur le nombre de décès. Pour rappel, dans une interview, le membre du gouvernement s’est réjoui d’avoir fait passer le nombre de morts « de 1 588 en 2011, à 1 091 en 2015 avant d’atteindre 937 en 2019. La marge atteinte est de 31% pour un objectif fixé à 50% », a-t-il précisé.
Une performance confirmée par Jean Pierre Soh, le Secrétaire général du MinT. Dans son très fourni bilan de l’année 2019 présenté au cours de la traditionnelle cérémonie de présentation des vœux du même département ministériel, il se réjouissait des résultats des réformes entamées.
« L’ensemble de ces réformes nous permettent de rester optimistes, quant à l’atteinte des objectifs de la Décennie d’Action 2011-2020, à savoir : la réduction de 50% du nombre de tués et de blessés sur nos routes d’ici 2020 ».
Contradiction
Ces informations sur le nombre de morts, sont en total déphasage avec d’autres chiffres publiés par le même ministère des Transports dans l’édition N°002 de sa revue mensuelle intitulée « Transports Magazine » de décembre 2019, parue en janvier 2020. En page 34 de ce numéro, le ministère des Transports, « fait état de plus de 2000 personnes tuées et 4000 autres handicapées en 2018 sur les routes au Cameroun ».
« L’année en cours (2019 Ndlr.) pourrait bien battre ce record macabre quand on sait que le transport routier reste le mode prédominant des transports motorisés, avec comme facteurs aggravants, la mauvaise conduite des automobilistes et la vétusté du parc automobile », peut-on également lire dans le document. « Cette tendance haussière des hécatombes sur les routes questionne de manière holistique le dispositif camerounais de sécurité routière », conclut le MINT.
Contestations
Jamais les routes camerounaises n’ont été aussi surveillées. En 2019, 20 nouveaux radars semi-portatifs dits de « dernière génération » ont été acquis par le MinT, pour porter à près de 50, le nombre d’appareils aujourd’hui postés ou transportés sur les grands axes routiers, et certaines routes urbaines. Pourtant, le nombre de décès ne baisse pas.
Sur la seule Route Nationale N°3 (axe Yaoundé-Douala), 12 541 cas d’excès de vitesse ont été constatés. Ceci montre, certes, l’efficacité des radars. Mais trahit leur inefficacité. Lorsqu’on sait que ces appareils ont d’abord un rôle dissuasif.
Plusieurs experts de la sécurité routière pensent que le ministère des Transports ne fait pas assez pour réduire le nombre de morts sur les routes. Notamment au niveau du respect de certaines normes sur la signalisation routière, ou encore le port de la ceinture de sécurité.
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« Comment comprendre que des véhicules minibus japonais fabriqués pour transporter 26 personnes assises et 26 ceintures de sécurité se retrouve avec une carte grise de 30 places assises pour 26 ceintures de sécurité ? », s’interroge par exemple Isidore Kahe FEUKOU, Président de l’Association Pyramide Prévention.
Pour lui, tant que la norme sur le port de la ceinture de sécurité n’est pas appliquée à la lettre, et que l’éducation sur le port de la ceinture de sécurité n’est pas exigible, ce qui est plus ou moins réprimandé par la loi, « nous aurons toujours des morts de trop sur nos routes », regrette-t-il.
20 pour sans ?
Le Ministre des Transports joue-t-il avec les chiffres de la sécurité routière ? Non, affirme Martial Missimikim. Président de l’ONG Securoute, cet expert de la sécurité routière pense que le ministère n’a pas d’autre choix que de travailler avec les données disponibles.
Depuis 2018, Martial Missimikim milite pour la mise en place d’une unité chargée de la collecte des données sur la sécurité routière. Un Centre d’analyse de sécurité routière a été créé au sein de l’Ecole des Travaux publics (ENSTP).
L’objectif, à l’époque, était de centraliser toutes les données des administrations, de collecter les données des organisations de la société civile et des assurances. Mais cette structure n’est pas encore opérationnelle.
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« Aujourd’hui, la gendarmerie le fait très bien. Mais uniquement pour son domaine, les routes interurbaines. La police le fait, mais avec son approche. Il n’y a pas un organe pour combiner tous ces chiffres et avoir le chiffre final. Si nous n’avons pas les données complètes, comment peut-on évaluer les campagnes que nous menons ? », s’interroge-t-il.
Mais la théorie d’un gouvernement incapable de consolider ses chiffres à la fin d’une année n’est pas partagée par tous. Au sein du ministère des Transports, des sources généralement bien informées rappellent que le Cameroun a été choisi parmi les deux pays africains avec l’Ouganda, pour bénéficier de l’accompagnement des nations Unies à travers le Programme « Road Safety Performance Review ».
« Une augmentation du nombre de morts sur les routes serait une mauvaise nouvelle pour le Cameroun, et pourrait avoir un impact sur l’aide des Nations-Unies », conclut-notre source.
Frégist Bertrand TCHOUTA
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