Affaire DIT-PAD : Comment des liens entre un juge et le conseil de DIT a permis au PAD d’obtenir gain de cause

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La Chambre Commerciale Internationale (CCI), a prononcé ce 10 janvier 2023, l’annulation de la sentence arbitrale partielle rendue le 10 novembre 2020, en faveur de Douala International Terminal, ex-concessionnaire du Terminal à conteneurs du Port de Douala-Bonabéri. Ceci, dans le cadre de l’affaire qui l’oppose au Port Autonome de Douala (PAD).

Le collège des trois juges, présidé par M. Daniel BARLOW, a ainsi statué en faveur du recours déposé par le Port Autonome de Douala après les débats en audience publique tenus le 04 Octobre 2022.

Pour comprendre ce feuilleton judiciaire, il faut remonter à 2020. Le 8 janvier plus précisément, après la réquisition, par le Port Autonome de Douala de tous les biens appartenant et/ou exploités par la société DIT dans le cadre de la convention de concession, la société DIT saisit le tribunal arbitral de ces questions additionnelles.

Dans sa plainte, DIT accuse notamment le PAD de n’avoir pas respecté les clauses contractuelles de la convention signée le 28 juin 2004, et qui porte sur la concession de la gestion et de l’exploitation du terminal à conteneurs modernisés du Port de Douala (convention étalée sur une période de 15 ans).

Après s’être déclaré compétent pour connaître de ces questions, déclarées recevables, le tribunal arbitral décide de les traiter avec un calendrier procédural distinct, « afin de ne pas perturber le traitement des questions qui lui étaient déjà soumises ».

Par une sentence partielle rendue le 10 novembre 2020, le tribunal arbitral : se déclare compétent et déclare recevables les demandes de la société DIT. Il déclare par exemple que la société DIT n’était redevable d’aucune somme à l’égard du PAD au titre des frais de stationnement, et que la mise en demeure de payer la somme de 24 milliards de francs CFA était sans effet à l’égard de la société DIT.

Dans cette même sentence partielle, le collège des juges constate, sur le renouvellement de la concession, que le PAD avait manqué à ses obligations au titre de l’article 25 de la convention de concession et ordonne au PAD de se conformer à ses obligations au titre de l’article 25 en mettant en place un appel d’offres international ouvert, sans phase de présélection.

Pour finir, la Chambre ordonne à la société PAD de réparer le préjudice causé à DIT du fait de ladite violation et décide que « le montant de l’indemnisation sera calculé proportionnellement à la période durant laquelle la société DIT aura été privée de la chance de participer à un appel d’offres international ouvert, à partir d’un préjudice de 58,6 millions d’euros (environ 38, 439 milliards de FCFA Ndlr.) pour la période entière de la concession de 15 ans rapportée à la période effective entre la fin de la convention de concession et le premier jour de la nouvelle concession attribuée suite à la mise en place du nouvel appel d’offres international ouvert ».

Recours

Le 14 décembre 2020, le PAD a introduit un recours en annulation devant la cour d’appel de Paris à l’encontre de cette sentence partielle. Parallèlement, dans le cadre de l’instance arbitrale qui se poursuivait sur les autres points en litige devant le même tribunal arbitral, le PAD introduit, le 20 avril 2021 une demande de récusation du président du tribunal arbitral auprès du secrétariat de la cour internationale d’arbitrage de la CCI.

Sur l’impartialité du tribunal, le PAD soutient que le Tribunal Arbitral a été irrégulièrement constitué. Comme motif, il présente des faits non-notoires volontairement dissimulés par Monsieur Thomas CLAY, dans ses rapports de proximité avec Maître Emmanuel GAILLARD (Conseil de DIT). Faits qui ont provoqué dans l’esprit des dirigeants du PAD un doute raisonnable quant à l’indépendance et l’impartialité de Monsieur Thomas CLAY (fréquentation régulière et soutenue durant 21 ans, de janvier 2000 au 1 avril 2021 ; amitié profonde, etc.).

Après moult tractations, la Chambre finit par juger recevables les arguments du PAD. Pour le tribunal, c’est le fait d’établir un lien entre l’existence des liens personnels étroits précités et une procédure d’arbitrage en cours qui a prévalu.

Notamment la partie où Monsieur Thomas CLAY fait mention de ce que : « c’est sous ses nouvelles couleurs que je devais le retrouver dans trois semaines pour des audiences où il agirait comme conseil et moi comme arbitre, et je me réjouissais d’entendre à nouveau ses redoutables plaidoiries au couteau, où la précision et la hauteur de vue séduisaient bien plus encore que n’importe quel effet de manche ».

Mention associée à celle selon laquelle de son côté, il le (conseil de DIT) consultait « avant tout choix important », alors que l’arbitrage mentionné dont il était le président se poursuivait entre les mêmes parties, constitue une circonstance qui, sans remettre en cause l’intégrité intellectuelle et professionnelle de l’intéressé, était de nature à laisser penser aux parties que le président du tribunal arbitral pouvait ne pas être libre de son jugement et ainsi créer dans l’esprit du PAD un doute raisonnable quant à l’indépendance et l’impartialité de cet arbitre.

50 000 euros

Ces éléments ont donc suffi pour prouver que le tribunal arbitral était irrégulièrement constitué. La sentence a dès lors été annulée sur ce fondement, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens. Sur la demande de condamnation pour procédure abusive, le recours en annulation formé par la société PAD étant déclaré bien fondé, la demande de la société DIT de condamnation pour procédure abusive a dès lors été rejetée comme devenue sans objet.

Enfin, sur les frais irréparables, les juges ont condamné la société DIT, partie perdante, à payer à la société PAD la somme de 50.000 euros (autour de 32 797 millions de FCFA) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réagissant à la suite de cette décision, Maître Russel Chemou déclare que « cette décision est quand le fruit du travail des excellents Avocats choisis par le PAD, qui a su faire également confiance à l’intelligentsia locale. Ceux-ci ont su déceler l’élément clé pour faire basculer l’issue de la procédure. Cette erreur de débutant commise par un vieil arbitre de renommée internationale ».

Pour lui, « C’est une décision qui va faire jurisprudence et qui sera enseignée dans les amphithéâtres des facultés de droit dans le monde en ce qui concerne la déclaration d’indépendance et d’impartialité des arbitres. Les Arbitragistes se frottent les mains en ce moment! ».

Frégist Bertrand TCHOUTA

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