Fausses capacités financières, fausses cautions bancaires… comment les entreprises enfument l’État dans les projets routiers 

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Travaux de maintien de la circulation sur la route Ebolowa-Akom2-Kribi

Immeuble de l’Emergence, ce 19 septembre. Dans cet ancien bâtiment jadis baptisé « Immeuble de la mort », se le Ministère des Travaux Publics passe au scanner les projets routiers en cours d’exécution.

Pour cette première journée de la revue des projets routiers en cours d’exécution au Cameroun (une rencontre devenue traditionnelle entre le Maître d’Ouvrage et les entreprises contractualisées dans les projets routiers), le diagnostic vital dans le Septentrion est inquiétant.

Sur les 40 projets en cours d’exécution, plusieurs connaissent d’importants retards. Sur les ponts Acrow, les retards dans certains chantiers sont dûs notamment à la non-contractualisation de la mission de contrôle, les contraintes climatiques et les lenteurs dans l’approvisionnement des tabliers.

Sur le projet d’entretien de la route R0902 tronçon Carrefour Gakle (interN1)-Katoual (inter R0903)-Gazawa-Zamaloa-Zamay-Mokolo, l’entreprise AN’NDAL SARL a été mise en demeure. Décision similaire sur le projet de bitumage du tronçon Banyo-Mayo Darle-Nyamboya.

Sur la route Dargala-Tokombéré, le MINTP envisage de « clôturer» le contrat de la mission de contrôle. Défaillante sur la route Ngaoundéré-Paro, l’entreprise China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) est sous le coup d’une suspension….

Un bilan de santé catastrophique qui, croît le Ministère des Travaux Publics, est causé par un ensemble de pratiques peu orthodoxes.

« Plusieurs entreprises, sinon la majorité, n’ont aucune surface financière pour la réalisation des travaux et présentent de ce fait des cautions virtuelles », explique le MINTP.

Sur l’ensemble des projets exécutés avec retards, les entreprises posent des problèmes de payement et très souvent de montants dérisoires par rapport au montant global des marchés.

Sur le projet de construction du Pont sur le Mayo Pitchoumba par exemple, l’entreprise attend le payement d’un décompte de 300 millions de FCFA pour se déployer à nouveau sur le terrain. Sur la route Ngaoundere-Paro, l’entreprise affirme qu’elle attend le payement de ses décomptes, d’un montant de 761 millions de FCFA.

« Dans la longue liste des entreprises en attente du paiement des décomptes, on note plusieurs entreprises qui attendent parfois 200, 300 millions pour continuer les travaux. Ce qui pousse à se demander si celles-ci ont véritablement la capacité financière affichée lors de la soumission de ces entreprises », s’indigne le Maître d’Ouvrage.

Bon à savoir, la capacité de financement relève davantage des différents moyens dont dispose une entreprise, pour financer tout ou partie de son cycle d’investissement en ce qui concerne un projet.

Poursuivant dans son indignation, le MINTP estime que « si les travaux sont paralysés sur un site en raison du non paiement d’un, deux ou trois décomptes, la capacité financière doit donc être fortement interrogée. Les entreprises disposent-elles des ressources qu’elles déclarent lors de la soumission à un marché ? C’est la question qu’il faut se poser», a-t-il conclu.

Mais dans ce qu’il qualifie de supercheries, les fausses capacités financières ne sont pas les seuls griefs. Au cours des travaux de la revue des projets routiers en cours d’exécution, l’affaire dite des fausses cautions présentées par les entreprises a été révélée.

En effet, plusieurs produisent des cautions qui n’ont pas de contenu et qui, très souvent, sont négociées soit avec des banques, soit avec des assurances. Ce qui rend difficile, voire impossible, la capacité pour l’Etat d’être rétabli dans ses droits en saisissant les cautions des entreprises défaillantes.

« De manière globale, le cautionnement est une sûreté par laquelle une entreprise s’engage à l’égard d’une banque, à payer au Maître d’ouvrage, des sommes dues en cas de défaillance. Bien que les cautions soient encadrées par les textes en vigueur, plusieurs entreprises produisent des cautions vides. Les projets routiers sont ainsi pris en otage par plusieurs entreprises qui usent de toute sorte de supercheries », explique Benoît Parfait MBOLE MBOLE, Directeur Général des Travaux d’infrastructures (DGTI) au Ministère des Travaux Publics.

Pour lui, « si les pertes financières sont énormes pour l’Etat, l’impact négatif sur les plans socio-économique et politique est encore plus important : les projets sont livrés avec des années de retard et l’Etat perd des ressources ».

Si le Septentrion est abondamment cité, la situation n’est guère mieux dans les autres régions. De manière générale, beaucoup d’entreprises usent de ces subterfuges pour obtenir l’adjudication des marchés.

Pour mettre fin à ces actes, Emmanuel Nganou DJOUMESSI, Ministre des Travaux Publics, pourrait renforcer un dispositif déjà appliqué dans son département ministériel. Il s’agit de la production d’une déclaration sur l’honneur, en ce qui concerne la capacité des entreprises et le cautionnement.

Mais cette sorte de prestation de serment des entreprises suffira-t-elle à les ramener sur la bonne route ?

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