Cameroun: Constats d’échec du programme routier 2024

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Route Bonépoupa-Yabassi

Les années se suivent, et ne se ressemblent pas. Paul BIYA, président de la République, vient à nouveau de le constater. Fin 2023, dans son message à la Nation, le Chef de l’Etat saluait la bonne exécution du programme routier : « Je me réjouis de ce qu’au cours de l’année qui s’achève, plus de 700 kilomètres de routes ont été bitumées ou réhabilitées, sur toute l’étendue du territoire national. De nombreux ouvrages d’art ont également été construits à cette occasion », déclarait-il.

Un an plus tard, la réjouissance semble avoir cédé la place à l’impuissance. En 2024, seulement « 446 kilomètres de nouvelles routes ont été bitumées sur toute l’étendue du territoire national. En outre, près de 228 kilomètres de routes ont été réhabilitées », soit une baisse de 3,71% par rapport à l’année 2023. Ce déficit atteindrait -22,51, si on tient compte des prévisions de construction de 869,85 km de nouvelles routes bitumées fixées par le MINTP pour l’année qui vient de s’achever.

Préoccupations

Ce 31 décembre, c’est donc un chef de l’Etat « préoccupé » qui s’est adressé aux camerounais. « Je suis conscient du sentiment de frustration qui vous habite, au regard de la dégradation de nos voiries urbaines et interurbaines. Cette situation, vous vous en doutez bien, a un impact réel sur les activités économiques, et est très souvent à l’origine de nombreux accidents de la circulation. Je puis vous assurer que l’état de notre réseau routier ne reflète pas les efforts et les sacrifices qui sont consentis pour sa réhabilitation et son extension », a-t-il reconnu.

En effet, sur les près de 122 000 km de routes que compte le Cameroun, environ 11 000 km (près de 9%) sont bitumés. Calculatrice en main, plus de 90% du réseau routier du Cameroun reste en terre. Lancée en 2020, la Stratégie Nationale de Développement (SND30) avait fixé des objectifs précis sur le nombre de kilomètres à construire sur les quatre premières années. Sur les 3 000 km attendus, seulement 2 049,2 km ont été effectivement achevés. Une performance en baisse de 32%.

Pour Paul BIYA, plusieurs raisons justifient ce que beaucoup considèrent comme une crise des infrastructures routières. « Au premier rang de celles-ci, la disponibilité des financements. La pluviométrie vient ensuite. Je n’oublie pas non plus les problèmes de gouvernance, qui nécessitent assurément des mesures fermes et diligentes. J’y veillerai », analyse le Chef de l’Etat.

Mais il n’y a pas que ces trois facteurs. « La crise des infrastructures que nous connaissons actuellement doit avant tout être associée au défaut de stratégie. Nous avons un réseau routier qui a dépassé sa durée de vie. La stratégie aurait voulu qu’une plus grande attention soit accordée à la réhabilitation du réseau routier, avant de penser à la construction de nouvelles routes. Il est difficile d’expliquer que les grandes métropoles (Yaoundé, Douala, Bafoussam, Garoua) ne soient pas reliées par des routes en bon état. Et que par ailleurs, les ressources disponibles soient affectées à la construction de routes dont l’impact sur l’économie n’a pas la même importance », analyse un ingénieur de BTP resté sous anonymat.

Comme solutions aux contraintes observées dans l’exécution du programme routier,Paul BIYA a instruit « la réorganisation du Fonds Routier, dans le sens d’accroître sa capacité à mobiliser les financements nécessaires à la réalisation des projets de construction, de réhabilitation et d’entretien des routes ». Jadis bloquée à 45 milliards de FCFA, l’enveloppe budgétaire du Fonds routier passe à 50 milliards de FCFA. Bien qu’elle consacre une évolution budgétaire, cette enveloppe ne permettra de couvrir qu’environ 50 à 60% des besoins en financement des projets.

Satisfactions

Pour Paul BIYA, « Les insuffisances évoquées ne doivent cependant pas occulter les efforts méritoires que nous avons accomplis dans ce secteur, en dépit de nombreuses contraintes. Au cours de l’année qui s’achève, 446 kilomètres de routes ont été bitumées sur toute l’étendue du territoire national, près de 228 kilomètres de routes ont été réhabilitées », relève-t-il.

Le Président de la République annonce enfin le lancement d’autres projets de réhabilitation routière en 2025, à l’instar des tronçons Bekoko-Limbe-Idenau et Mutenguene-Buea. Après de longues négociations avec les bailleurs de fonds, plusieurs projets routiers, prévus de longue date, sont en voie de démarrage. Il s’agit des routes Ngaoundéré-Garoua, Ebolowa-Akom II-Kribi, et Mora-Kousseri. Parallèlement, les travaux de construction de la section urbaine de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen ont été lancés, tandis que les diligences relatives à la phase 2 de l’autoroute Yaoundé-Douala ont connu des avancées », conclut-il.

Perspectives

2025 devrait donc être meilleure que 2024. En tout cas, c’est ce que tente de laisser comprendre le président. Il s’appuie en cela par le contexte macro-économique marqué par « un regain d’activité, avec un taux de croissance projeté à 4,1% en 2025 (il était estimé à 3,8% en 2024). Et des mesures prises pour limiter les comportements spéculatifs et accroître l’offre des produits de première nécessité, qui ont contribué à réduire l’inflation de 7,4% en 2023, à 5% cette année. La maitrise de l’inflation devrait se poursuivre en 2025, pour se situer à 4% », anticipe le Président.

Mais entre les analyses macro-économiques et la réalité, il y a un grand gouffre. Malgré l’augmentation du Budget du Ministère des Travaux Publics, le Cameroun entre dans l’année 2025 avec une dette importante. Selon nos informations, le volume des décomptes produits par les entreprises et ne pouvant être engagés du fait de l’épuisement des crédits budgétaires de l’exercice 2024 se chiffre à 60 milliards de FCFA. Plus de 41,66% de cette enveloppe (25 milliards de FCFA) représente « les arriérés pour les travaux complémentaires de l’Autoroute Yaoundé-Douala (phase1) », confirme le département confié à Emmanuel Nganou Djoumessi.

Par ailleurs, les paiements effectifs des dépenses engagées au cours de l’exercice 2024 s’élèvent à 70 milliards, soit un volume de reste à payer de 117 milliards à la Paierie Spécialisée et 26 milliards au Fonds Routier.

Une situation qui « traduit la réalité selon laquelle, plusieurs contrats actifs sont exécutés sans paiements correspondants, en raison du faible taux de couverture budgétaire en ressources internes ordinaires et des tensions de la trésorerie de l’Etat », conclut le MINTP.

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