Vous vous êtes souvent posé cette question. Pourquoi les tarifs douaniers sont-ils plus élevés au Cameroun qu’au Bénin ? Au point d’amener certains camerounais préférer le Port de Lomé au Port de Douala pour le dédouanement de leurs marchandises ou l’achat de leurs véhicules ? La Douane camerounaise mène-t-elle une politique d’arnaque avec ses tarifs jugés « exorbitants » ? Ces questions, nous les avons posées à Tafili Ebenezer Gegding. Directeur du Bureau régional de renforcement des capacités pour l’Afrique Occidentale et Centrale (BRRC-AOC) de l’Organisation mondiale des Douanes, il fait partie des experts venus peaufiner le Plan stratégique triennal 2019-2022 de l’Organisation mondiale des Douanes (OMD) à Yaoundé. Si l’expert reconnaît cette différence de tarifs douaniers entre les pays d’une même zone, il souhaite mettre un terme à cette perception. « Chaque Etat, chaque communauté douanière, a la responsabilité de fixer ses propres taux des Droits de douane, en fonction de ses intérêts », tranche-t-il. Parce qu’elle touche au porte monnaie des usagers, la question tarifs douaniers est importante. Mais au regard des problématiques étudiées au cours des trois jours de travaux de Yaoundé, le patron du BRRC ne veut pas qu’on s’y attarde plus que ça. Avec les évolutions conjoncturelles, les administrations douanières sont appelées à jouer d’autres rôles. La gestion des ressources humaines, la préservation de la sécurité transfrontalière, la lutte contre le blanchiment d’argent, et l’optimisation des recettes de l’Etat, pour ne citer que celles-là, sont quelques-uns. Rencontré en marge des travaux de Yaoundé, Tafili Ebenezer Gegding a bien voulu s’arrêter un instant dans notre « bougna ». Il faut le bilan des deux réunions, et pose un regard froid sur le fonctionnement des administrations douanières aujourd’hui.
Vous venez de prendre part aux deux réunions de Yaoundé. Notamment celle des points de contact de l’OMD pour le renforcement des capacités des administrations des Douanes de la région de l’OMD de l’Afrique de l’Ouest et Centrale. Quel bilan faites-vous de ces travaux ?
Le bilan est positif. Tous les points inscrits à l’ordre du jour ont été épuisés. De bonnes recommandations ont été faites. Les participants ont procédé à l’échange de bonnes pratiques et de bonnes idées.
Lorsqu’on observe le fonctionnement des administrations douanières d’Afrique centrale, pour ne citer que celles-là, on constate une grande faiblesse au niveau de la gestion des ressources humaines, et au niveau de la gestion des projets. Ces deux problématiques sont des conditions de la stratégie 2019-2022. Est-ce que les travaux de Yaoundé ont permis d’avancer là-dessus ?
Dans le domaine qui est considéré à juste titre comme notre talon d’Achille, à savoir la gestion des ressources humaines, nous avons constaté que certaines administrations sont en train de développer des outils pour une meilleure gestion des ressources humaines et elles sont prêtes à partager leur expérience avec les autres administrations dans le cadre du Benchmarking.
Mais aussi, par rapport à la stratégie dans sa globalité, nous constatons que certaines administrations sont en train de développer des outils pour une meilleure mise en œuvre des actions du Plan stratégique. Notamment en matière de gestion des projets, en matière d’indicateurs de performance. C’est un motif de satisfaction. Nous pensons que d’ici la prochaine réunion, nous aurons fait davantage de progrès.
Le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motaze, dans son allocution d’ouverture, a interpellé les administrations douanières dans les domaines de la mobilisation des recettes douanières, mais aussi dans les domaines de la sécurité transfrontalière. Pensez-vous que les réunions de Yaoundé ont permis d’avancer sur ces questions ?
Oui, nous avons avancé. Qui dit mobilisation des recettes, qui dit sécurité, dit stratégie. Toutes, les stratégies qui ont été mises en place dans le cadre du Plan stratégique régional, et qui doivent être implémentées à travers les outils que nous avons examiné ici nous montrent que c’est positif, et que d’ici la fin de l’année, il y aura des résultats positifs.
Les Etats, face à la crise, semblent s’être retournés vers la Douane, pour mobiliser les recettes, pour renflouer les caisses. Au Cameroun par exemple, la Douane est appelée apporter près de 20% du budget de l’Etat. Ne craignez-vous pas de voir les Etats pousser les administrations douanières à cesser d’être des lieux de service public pour devenir des sortes de comptoirs de production d’argent ?
Non. Je pense que vous donnez une mauvaise interprétation à la sortie du ministre des Financas. C’est une mission que les administrations des Douanes font depuis des décennies. Elles n’ont jamais failli à cette mission. La preuve, c’est que quand bien même nous sommes en situation de crise économique, elles s’arrangent toujours à se rapprocher au maximum possible, des objectifs fixés par l’Etat.
Mais ce que nous voulons faire, c’est de les amener davantage vers les autres missions, qui sont la facilitation des échanges, et la protection de la société. Cela va aussi contribuer à une plus grande mobilisation des recettes.
On constate, dans le fonctionnement continental en général et régional en particulier, une évolution disparate des administrations. On n’a pas l’impression qu’elles parlent le même langage, visent les mêmes objectifs, le même management par exemple. Est-ce qu’au niveau de l’OMD, vous pensez mettre en commun ce mode de fonctionnement ?
L’OMD développe des instruments, des normes internationales que toutes les administrations sont appelées à appliquer. Justement pour que nous parlions le même langage. Par exemple, le Système harmonisé de désignation des marchandises. C’est une norme qui est appliquée sur la scène internationale. Le niveau de développement d’un pays, c’est appliqué au Cameroun, tel que c’est appliqué aux Etats-Unis, en Angleterre, ou en Afrique de l’Ouest.
Un exemple pour illustrer nos propos. Les tarifs. La douane camerounaise est considérée comme étant très chère. Nous observons un phénomène migratoire des importateurs camerounais vers les douanes d’Afrique de l’Ouest, notamment au Bénin. Du fait des tarifs qui y sont jugés plus abordables. Pourquoi cette différence de tarifs entre deux administrations douanières d’un même continent ?
Quand on parle d’harmonisation, ce n’est pas l’harmonisation des tarifs extérieurs communs. Chaque Etat, chaque communauté douanière, a la responsabilité de fixer ses propres taux des Droits de douane, en fonction de ses intérêts.
Au Cameroun, c’est le tarif extérieur commun de la CEMAC qui est appliqué. Au Bénin, c’est le tarif extérieur commun de l’UEMOA. On ne pourra jamais harmoniser les tarifs extérieurs communs, sur le plan mondial. C’est chacun, en fonction de ses spécificités, de ses besoins. Mais nous essayons quand même de faire qu’au niveau de la détermination du montant des droits et taxes, que les marchandises soient codifiées de la même façon. Une voiture qui est placée dans une position tarifaire au Cameroun, soit placée dans la même position tarifaire au Cameroun.
Dernière question, la lutte contre le blanchiment d’argent. Ces dernières années, on observe que le Cameroun est devenu une plaque tournante du blanchiment d’argent. A-t-on avancé ?
La Douane lutte contre le blanchiment d’argent tous les jours. Il y a des criminels qui essaient d’exploiter le système du commerce international pour blanchir l’argent. Nous luttons contre cela. Mais aussi, les infractions sous-jacentes de cette forme de criminalité. Parce que c’est alimenté par le trafic de drogue, les médicaments, la contrefaçon. Nous luttons contre ça au quotidien.
Interview réalisée par FBT
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