Trois mois après son arrivée à la tête de l’agence de SOGEA SATOM au Cameroun (il débarque en janvier 2023), Vincent Grandeau, ex Directeur d’Agence de la même entreprise en Guinée Equatoriale (entre 2019 et décembre 2022) veut repositionner la filiale du groupe Vinci dans le projet de développement des infrastructures routières du Cameroun.
Selon nos informations, ce lundi, 20 mars, le nouveau patron de SOGEA SATOM au Cameroun a eu un échange en visioconférence avec Emmanuel Nganou Djoumessi, le Ministre des Travaux Publics. « L’intérêt pour l’entreprise française a été relevé par Vincent Grandeau, nouveau Directeur Agence Satom Cameroun, celui de reprendre la main sur des projets de construction routière à venir », précisent nos sources.
Elles ajoutent qu’au cours de cet échange, le membre du gouvernement a « insisté sur les contentieux en cours et a invité le nouveau Directeur d’Agence à tabler sur les questions y afférentes ».
Un rappel très peu voilé de l’ingénieur de l’Etat à cette entreprise de BTP qui, depuis 2018, a fait des tribunaux un chantier de prédilection, notamment après les attaques perpétrées sur ses engins sur le chantier de construction de la route Babadjou-Bamenda (53 km).
La crise
Souvenez-vous, nous sommes en 2018. Plusieurs engins de l’entreprise sont mis à feu par des hommes présentés comme appartenant à des « ambazoniens ». Le 22 août, SOGEA SATOM arrête les travaux (à l’époque exécutés à hauteur de 14%), demande un renforcement des mesures de sécurité et des dommages.
Pour sauver la route, le gouvernement redimensionne le projet. Désormais, la route sera divisée en quatre lots. SOGEA SATOM sur la section Babadjou-Matazem (17 km), d’autres entreprises, dont BUNS et BOFAS seront contractualisées plus tard sur les sections Matazem-Welcome to Bamenda (18,5 km) et la voie de contournement de Bamenda (4 km), Welcome to Bamenda-Ecole des Champions.
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Mais le chantier de SOGEA ne se déroule pas dans la grande sérénité. Trois ans plus tard, le 22 Janvier 2021, nouvelle attaque sur les engins de l’entreprise. Ce sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase. SOGEA éteint les moteurs de ses engins, et propose à l’Etat de payer une ardoise de 4,855 milliards de FCFA, selon certaines sources. A l’entreprise, l’Etat fait un versement d’1,5 milliard de FCFA. Insuffisant, répond l’entreprise. Les négociations s’éternisent. Fin 2021, SOGEA annonce sa décision de suspendre les activités de sa filiale au Cameroun.
« Notre société fait face depuis quelques temps à une baisse importante de son activité sur l’exercice 2021. Le carnet de commande n’ayant pas pu être renouvelé pour l’exercice 2022, nous prévoyons un arrêt total de notre activité courant d’année », écrit Pierre Etienne Latour, à l’époque chef d’agence, dans une correspondance adressée à l’ensemble du personnel.
Cahier d’un retour…
Pour l’ancien élève de l’Ecole Spéciale des Travaux Publics, du Bâtiment et de l’industrie (Paris), le cahier d’un retour au Cameroun semble plus volumineux que ce qu’il n’y paraît. Si l’entreprise est restée présente sur les chantiers en cours d’exécution (à l’instar de l’aménagement de l’accès Ouest de la ville de Douala, la construction de la route Olama-Bingambo, le second pont sur le Wouri, la construction de la route Lena-Tibati-Ngatt), « son retour sur les routes s’apparenterait à une rentrée scolaire pour un élève exclu de l’établissement », confie une source.
D’autres sources laissent entendre que « au départ, l’entreprise a semblé vouloir faire du chantage au Cameroun. Vous payez avant qu’on ne reprenne les travaux. Ils ont introduit des réclamations, au départ, plus de 20 milliards. L’Etat n’a pas cédé. Ils ont annoncé la suspension de leurs activités, l’Etat a réussi à maintenir la cadence sur les différentes sections. Prise au dépourvu, l’entreprise constate qu’en plus, d’autres projets importants sont sur le point d’être lancés. Et veut à nouveau se frayer du chemin », analysent-elles.
Vincent Grandeau, qu’on dit être à l’extérieur du pays, doit analyser ces observations techniques avec la plus grande attention. Expérimenté ingénieur des BTP qu’il est, il sait aussi que la route qui mène au développement demande parfois d’importants déblais rocheux. Va-t-il utiliser de la dynamite pour rester sur la route ? Ou des méthodes plus douces pour ramener la paix avec son partenaire (l’Etat du Cameroun) d’hier ? Là reste la question.
Frégist Bertrand TCHOUTA
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