Emmanuel Nganou Djoumessi : « En cinq ans, 179,136 Mds de F. ont été mobilisés pour les projets routiers dans le Nord-ouest »

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Emmanuel Nganou Djoumessi, MINTP

C’est l’une des régions les plus enclavées du Cameroun à ce jour. La région du Nord-Ouest, en proie aux exactions de milices pro-sécessionnistes, reste à l’écart des projets de développement du Cameroun. Pas par manque de projets. En cinq ans, plus de 42 contrats ont été passés, pour un montant cumulé d’environ 179,136 milliards Francs CFA. Mais, note Emmanuel Nganou Djoumessi, « seulement 35% du réseau national et régional est en bon état. A date, 44% du linéaire du réseau est couvert par des contrats actifs pour des travaux qui ne s’exécutent pas. Les raisons sont connues. Plusieurs entreprises ont abandonné les chantiers des travaux ou des études, d’autres ne se sont même pas mobilisées ». Pour ramener rouvrir la route du développement, le gouvernement a engagé une stratégie axée sur plusieurs points. L’un des plus importants reste la reprise des travaux sur la route Babadjou-Bamenda. « Pour répondre aux fortes attentes des populations, des usagers de la route et poursuivre nos objectifs de développement, c’est-à-dire bitumer l’axe Babadjou-Bamenda quoi qu’il en soit, plusieurs échanges avec l’entreprise et la Banque Mondiale ont abouti à sa remobilisation sur la section Babadjou-Matazem (17 km), les autres tronçons devant être attribués à des Entreprises locales jouissant des références, des capacités financières appropriées et d’un ancrage sociologique dans la Région du Nord-Ouest, pour faciliter la communication pour l’adhésion et le soutien des populations ». Mais cette option suffira-t-elle ?

Monsieur le Ministre, vous avez été invité, par l’Assemblée Nationale, à répondre aux préoccupations des députés sur la situation des infrastructures routières dans la région du Nord-Ouest. Quelle est la situation exacte du réseau routier du Nord-Ouest ?

Avant de commencer, je voudrai vous dire que j’ai vu dans cette invitation, une traditionnelle prédisposition de cette Auguste Chambre à accompagner le Gouvernement dans la conduite efficace des politiques publiques, vecteur du bien-être des populations que vous représentez.

La Région du Nord-Ouest a un réseau routier long d’environ 10 504,85 km, dont 495,09 km de chainons de Routes Nationales, 793,87 km de Routes Régionales et 9 215,89 km de Routes Communales. 48,26% de sections de Routes Nationales sont bitumées ; 9,3% de Routes Régionales sont bitumées ; 13,1% de Routes Communales le sont.

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Depuis 2016, diverses activités visant l’amélioration de l’état du réseau routier n’ont pas été exécutées, ce qui aurait relevé  significativement son état. Ainsi, seulement 35% du réseau national et régional est en bon état, malgré les ressources mobilisées pour les travaux. En 2016, 10 contrats n’ont pas pu être exécutés sur 700 km de routes pour environ 38 milliards (Babadjou-Bamenda est compris) ; en 2018 et 2019, 18 contrats ont été passés sur 158,21 km, pour environ 06 milliards ; en 2020 et 2021, 14 contrats sur 155,5 km. Ces allocations proviennent du Budget d’Investissement Public, du Fonds Routier et des Partenaires Techniques et Financiers.

Il convient de préciser que depuis cinq ans, un montant cumulé d’environ 179,136 milliards Francs CFA a été mobilisé par le Gouvernement pour les projets routiers dans le Nord-ouest. A date, 44% du linéaire du réseau est couvert par des contrats actifs pour des travaux qui ne s’exécutent pas ; les raisons sont connues. Plusieurs entreprises ont abandonné les chantiers des travaux ou des études ; d’autres ne se sont même pas mobilisées.

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Cependant, avec la normalisation de la situation sécuritaire, le dialogue est entretenu avec les entreprises et les Bureaux d’Etudes, titulaires des contrats sur l’ensemble de la Région, pour les amener à relancer les activités sur le terrain. Cependant, pour inverser significativement la situation, nous avons conclu avec les Sociétés de Développement exerçant dans la Région (MIDENO, UNVDA, etc…) des conventions pour les associer à l’entretien et à la réhabilitation de certaines infrastructures routières dans la Région.

Quelle est la situation du tronçon Babadjou-Bamenda ?

Comme vous le savez, les travaux d’aménagement de la section routière Babadjou-Bamenda (51,97 km) avaient été confiés à une entreprise qui s’est effectivement mobilisée le 04 juillet 2017. Les travaux se sont exécutés normalement jusqu’au 22 août 2018, date des attaques terroristes sur les installations de l’Entreprise, occasionnant de nombreux dommages. Ce qui avait conduit à l’arrêt des travaux le 14 septembre 2018. Le bailleur de fonds est la Banque Mondiale ; le financement conjoint est 75 milliards F CFA environ.

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Pour répondre aux fortes attentes des populations, des usagers de la route et poursuivre nos objectifs de développement, c’est-à-dire bitumer l’axe Babadjou-Bamenda quoi qu’il en soit, plusieurs échanges avec l’entreprise et la Banque Mondiale ont abouti à sa remobilisation sur la section Babadjou-Matazem (17 km), les autres tronçons devant être attribués à des Entreprises locales jouissant des références, des capacités financières appropriées et d’un ancrage sociologique dans la Région du Nord-Ouest, pour faciliter la communication pour l’adhésion et le soutien des populations.

Il importe de souligner que pour aller vite et rattraper le retard déjà enregistré dans les travaux, la stratégie a consisté à répartir les travaux de Babadjou-Bamenda en quatre lots : Babadjou-Matazem (17 km) ; Matazem-Welcome to Bamenda (18 km) ; Contournement de Bamenda (4,95 km) ; Traversée urbaine de Bamenda (12 km).

L’entreprise victime, suite aux dommages enregistrés sur ses équipements, a présenté un mémoire de réclamations de 4,800 milliards qui n’ont pas été acceptées. Cependant, l’entreprise s’est remobilisée sur la section Babadjou-Matazem. Malheureusement, avec la deuxième attaque terroriste du 08 janvier 2021, elle a arrêté  sa mobilisation et demandé que soit reconnu le cas de force majeure, ce qui entraine l’arrêt des travaux et le paiement d’une indemnité à son bénéfice ; elle a donc arrêté unilatéralement les travaux ; les négociations avec elle n’ayant pas prospéré, la résiliation de son contrat a été notifiée le 24 juin 2021. Une nouvelle contractualisation a été lancée.

La procédure de passation du marché sur la section Babadjou-Matazem a donc été entamée. Les offres y relatives sont attendues le 15 décembre 2021.

Sur les sections situées dans la Région du Nord-ouest, (Matazem-Welcome to Bamenda, traversée urbaine de Bamenda et voie de contournement de Bamenda), il est envisagé la mobilisation de trois (03) entreprises ayant des capacités techniques et financières avérées en construction routière et jouissant d’un ancrage sociologique dans la zone du projet.

Mais, la mobilisation effective de ces entreprises est subordonnée à  la satisfaction par le Gouvernement, des conditionnalités recommandées par le Partenaire Technique et Financier, notamment l’élaboration et la mise en œuvre d’un Plan de Gestion Sécuritaire, la prise en compte des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes. La Banque Mondiale a recommandé avant la reprise des décaissements, la sécurisation de l’itinéraire des travaux, des installations des entreprises et de la Mission de Contrôle, ainsi que des bases-vie et techniques, assorties des mesures de gestion environnementale.

En plus, pour la traversée urbaine de Bamenda, un consultant devra produire un rapport de l’audit foncier et social, car certains habitants de la ville de Bamenda avaient saisi la Banque Mondiale du fait de la destruction de leurs propriétés, sans mise en demeure et sans expropriations.

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En attendant l’aboutissement des procédures, le maintien de la circulation est assuré sur la section Matazem-Welcome to Bamenda par l’une de ces Entreprises.

Au total, pour Babadjou-Bamenda, le bailleur de fonds qui est engagé à nous accompagner va restructurer le projet pour tenir compte de son nouvel environnement d’exécution et de la demande d’élargissement de la traversée urbaine de Bamenda, pour passer d’un profil en travers de 16 m à 30 m.

Quelles mesures prenez-vous pour amener la population du Nord-Ouest à croire en vos déclarations et éviter qu’elle ne taxe le Gouvernement de mensonge ? 

L’opportunité m’est ainsi donnée d’expliquer et je remercie à nouveau le Député. Pour le cas de la construction de l’axe Babadjou-Bamenda qui a été  évoqué précédemment, des discussions avec le bailleur de fonds visent  l’élaboration d’une Stratégie de Mitigation des Risques Sécuritaires. L’environnement d’exécution des travaux a changé ; il y a désormais des risques d’ordre sécuritaire. Cette stratégie concerne les mesures sécuritaires nécessaires pour ramener la sérénité au sein des entreprises, permettant ainsi leur déploiement optimal pour l’exécution des travaux qui leur sont confiés.

Par ailleurs, la mobilisation des ressources budgétaires annuelles au bénéfice de l’entretien ou la réhabilitation des infrastructures routières,  témoigne à suffisance l’engagement du Gouvernement à améliorer la qualité du réseau routier de la Région. Il faut réussir à créer un environnement propice aux travaux en contenant les risques sécuritaires.

L’abandon des projets dans le Nord-Ouest ne contredit-il pas les assurances que vous avez données selon lesquelles des mesures spéciales seraient prises afin de garantir la réalisation des projets dans la région ?

Des mesures spéciales sont engagées pour Babadjou-Bamenda ; une stratégie de mitigation des risques sécuritaires a été proposée pour la sécurisation des travaux. Celle-ci pourra être étendue sur d’autres projets et garantir ainsi une exécution ininterrompue des travaux. Ainsi, les prestataires  ayant la volonté de poursuivre les travaux reçoivent de la part du Gouvernement l’accompagnement nécessaire pour éviter l’abandon de chantier ; C’est une proposition d’action qui a été faite en mars 2021. Je tiens à souligner que la situation s’est complexifiée avec la plainte introduite par un collectif d’avocats qui dénonçait une destruction des propriétés dans la ville de Bamenda sans expropriation préalable.

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Ce qui a amené la Banque Mondiale à suspendre les discussions ; elles ont repris. Un consultant a été recruté pour un audit foncier et social. Par ailleurs, en ce qui concerne la traversée urbaine de Bamenda, compte tenu de la demande des populations, nous avons entrepris de redimensionner cette traversée pour passer de 16 m à 30 m. Un Bureau d’Etude Technique produira le rapport qui a été demandé par le bailleur de fonds.

Après la sécurisation des travaux, la deuxième mesure spéciale est le recours aux contrats de gré à gré, avec les entreprises qui acceptent d’y travailler. Compte tenu de cette spécificité, bon nombre de projets ont été contractualisés en procédure d’urgence. Cependant, ces entreprises proposent des prix unitaires élevés.

À titre d’illustration, on peut citer les projets ci-après : le marché passé pour l’entretien de la route KAKAR-NTABA ; NTABA-MBONSO-Limite OU/NW ; MAGBA-MANDA-WADE-Limite NW/OU ; le marché passé pour l’entretien de la Ring Road (N11), section Bamenda (Nkewn Palace)-Bambui Junction-Bambili Junction.

Je citerai également les marchés passés pour la construction de quelques ouvrages d’art détruits par les sécessionnistes, notamment les ponts définitifs sur les tronçons Wum-Bafut, Kumbo-Nkambe et Bamenda-Bamali-Ndop de la Ring Road ; le marché passé pour la construction du Pont de Baligansin dans l’Arrondissement de Balikumbat, Département du Ngo Ketunjia.

A ceux-là, j’ajouterai le projet d’entretien périodique aux produits stabilisants du tronçon Befang-Benakuma-Bawuro (Frontière Nigéria) de la Route Nationale N11A d’un linéaire de 50 km pour un montant de 507 787 428 Francs CFA est en cours de signature ; et le projet de réhabilitation de la route Babadjou-Matazem, qui a été abandonné dans un premier temps, puis résilié et actuellement la procédure d’une nouvelle contractualisation est en cours.

De plus, les travaux de maintien vont s’intensifier entre Matazem et Welcome to Bamenda.

L’abandon des projets Routiers dans le Nord-Ouest, ne donne-t-il pas l’impression erronée au monde que l’Etat du Cameroun a perdu le contrôle de cette région ?

Comme il est dit dans la question, l’impression est effectivement erronée. En effet, les prestataires qui poursuivent l’exécution des travaux reçoivent l’accompagnement du Gouvernement qui a continué à mobiliser les ressources nécessaires. De plus, les projets n’ayant pas été menés à leur terme connaissent une nouvelle contractualisation avec une attention particulière sur le choix des entreprises partenaires ayant un ancrage sociologique dans la zone et sous l’accompagnement des forces de défense, le cas échéant. Mais jusque-là, peu d’entreprises se manifestent. Cependant, je voudrais le réitérer, nous avons engagé avec les sociétés de développement des conventions pour asseoir notre collaboration en matière d’entretien routier.

Quels sont les efforts déployés par votre Ministère pour restaurer l’autorité de l’Etat dans la région du Nord-Ouest ?

Le Gouvernement dans son ensemble, ne ménage aucun effort pour restaurer l’Autorité de l’Etat dans la Région du Nord-ouest. Ainsi, dans tous les secteurs de la vie socio-économique, les activités sont menées. Pour le cas spécifique du Ministère des Travaux Publics dont les activités régaliennes portent sur l’amélioration du réseau routier, il vient d’être démontré plus haut que les activités dans ce sens sont restées constantes dans la Région.

Je voudrais ajouter que les mesures préparatoires pour le début des travaux de la N11 sont très avancées. Elles concernent Kumbo-Nkambe-Misaje (96 km) en 03 lots avec les voiries de Kumbo, Nkambe et Ndu ; Misaje-Dumbo-Frontière Nigéria (50 km), Bamenda-Bafut-Wum (80 km) avec la voirie de Wum et Bafut ; Bambui-Ndop-Babessi et la bretelle Babungo-Dawara. Par ailleurs, mes services déconcentrés accompagnent les Maîtres d’Ouvrage délégués que sont les Maires, dans la préparation de leurs projets et supervisent les travaux.

Monsieur le Ministre, ne donnez-vous pas à la population du Nord-Ouest, des raisons de croire que les questions concernant leur région, ne reçoivent pas l’attention qu’elles méritent de la part de votre département ministériel ; ou qu’une main invisible prive délibérément ces camerounais de la sollicitude du Chef de l’Etat ?

Cette affirmation n’est pas exacte. La Région du Nord-Ouest en ce qui concerne le Ministère des Travaux Publics, a bénéficié ces derniers temps d’importantes ressources pour les travaux routiers. Vous savez pourquoi l’exécution est ralentie ou même arrêtée.

Pour illustrer mon propos, les investissements de 2016 à 2021 en matière des travaux routiers et d’ouvrages d’art dans la Région du Nord-Ouest, se chiffrent à 179 136 303 907 Francs CFA pour un linéaire de routes devant être travaillées de 2057,10 Km et 611,704 ml d’ouvrages d’art. Cependant, l’environnement sécuritaire n’a pas permis aux entreprises de se mobiliser ; ou alors, quand elles l’ont fait, elles ont abandonné les travaux.

De plus, depuis 2018, les Collectivités Territoriales Décentralisées ont reçu comme ressources transférées, un montant global d’environ 2 milliards Francs CFA pour l’entretien de 125 Km de routes et la construction de 210 ml d’ouvrages d’art.

Il convient de préciser qu’avec le concours de la Banque Africaine de Développement, le Gouvernement a mobilisé un montant de plus de 120 milliards Francs CFA pour aménager  une section de 280 Km de la Ring Road. La première procédure de contractualisation a été déclarée infructueuse le 10 juillet 2021. Car, les entreprises n’ont pas soumissionné en raison de l’insécurité ; une procédure exceptionnelle et spécifique nous a amené à préqualifier les entreprises ayant accepté d’y travailler. Je souhaite que ces entreprises soient soutenues, le moment venu, pour construire ces routes.

L’insécurité est un véritable frein à la concrétisation de nos investissements routiers dans la Région du Nord-Ouest. Sans les attaques terroristes, les travaux de Babadjou-Bamenda seraient achevés. Les entreprises n’ont pas soumissionné pour les travaux de la section Kumbo-Nkambe-Misaje de la Ring-Road à cause de l’insécurité. Sans les attaques terroristes, les travaux de Wum-Bafut ou de Oku-Nkor-Misaje seraient achevés, etc. levons-nous pour y mettre fin ; recourons à tous les canaux possibles pour arrêter les attaques terroristes qui empêchent les travaux. Le MINTP, pour sa part, avec le MINDEF s’emploie à élaborer et à exécuter un plan de gestion sécuritaire dans la zone d’influence du projet Babadjou-Bamenda.

 

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