La ville de Batouri, chef-lieu du département de la Kadey, a été secouée en milieu de semaine par un soulèvement populaire d’ampleur inédite, consécutif à la fermeture prolongée du site aurifère de Kambèlè. Ce mouvement de colère, porté par des orpailleurs privés de leurs moyens de subsistance, met en lumière les tensions structurelles qui minent le secteur minier au Cameroun, entre opacité des décisions, conflits d’intérêts présumés, et précarité des communautés locales.
À l’origine du brasier : une mesure prise en septembre 2024 par le Ministre des Mines par intérim, Fuh Calistus Gentry, ordonnant la fermeture du site pour des raisons de sécurité et de non-conformité environnementale. Une décision justifiée sur le papier par la multiplication des éboulements mortels et l’usage de produits chimiques prohibés. Toutefois, la reprise soudaine de l’exploitation, au bénéfice d’un nouvel acteur non identifié publiquement, a ravivé les soupçons de favoritisme et d’arrangements opaques.
La population locale, qui dépend largement de l’orpaillage artisanal pour vivre, dénonce ce qu’elle perçoit comme une manœuvre de dépossession déguisée. « On nous chasse de notre terre pour donner à d’autres sans explication. C’est une trahison », s’indigne un représentant des orpailleurs. Le nom du Ministre par intérim revient avec insistance dans les slogans des manifestants, certains exigeant purement et simplement sa démission.
Sur cette information, « je ne trouve aucun fait. Aucune preuve. Juste des allégations qui n’engagent que leur auteur », défend le Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique, contacté par BOUGNA.
Ici, on se félicite plutôt de la bonne exécution des projets miniers, notamment ceux dont « le démarrage effectif a été instruit par le Président de la République, Champion des mines, dans son adresse à la nation le 31 décembre 2023. Sur le terrain aujourd’hui, le constat est irrévocable. Les projets miniers ont résolument démarré », conclut le MINMIDT.
Face à cette explosion de colère, les autorités locales tentent depuis plusieurs jours de ramener le calme, sans grand succès. Les manifestants refusent les propositions temporaires ou les négociations dilatoires, exigeant la réouverture immédiate du site ou, à défaut, une alternative concrète pour compenser la perte de revenus.
Ce nouveau bras de fer illustre les contradictions profondes de la gouvernance minière au Cameroun : comment concilier sécurité, respect des normes environnementales et justice sociale, tout en garantissant la transparence dans l’attribution des permis ? Jusqu’ici, les réponses tardent à venir, et le silence du gouvernement central commence à alimenter un climat de méfiance généralisée.
Le dossier Kambèlè pourrait bien faire école, tant il met en lumière les défis de la régulation minière dans un pays où l’or, au lieu de briller pour tous, attise souvent la colère et l’amertume des laissés-pour-compte. Le gouvernement est désormais sommé de trancher entre l’apaisement social et la préservation des intérêts économiques. Deux priorités difficilement conciliables dans un contexte explosif.