Lin Dieudonné Onana Ndoh : « La Centrafrique et le Tchad continuent à considérer que la côte camerounaise est leur côte naturelle »

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Crédit Photo: Bougna.net

La RCA et le Tchad veulent quitter le Port de Douala (PAD), pour sortir leurs marchandises désormais par le Port de Pointe Noire au Congo. L’information qui fait le tour des réseaux sociaux depuis deux jours, inquiète la communauté portuaire camerounaise. Pas particulièrement du fait de leur véracité ou pas. Mais parce que ces deux pays frères de la CEMAC, représentent plus de la moitié du chiffre d’affaires du Port autonome de Douala. Pour dire vrai, dans ce qui est considéré comme « une rumeur » par la communauté portuaire nationale, il y a un peu de vérité. Les barrières policières et douanières sur les corridors camerounais font beaucoup de mal aux transporteurs centrafricains et tchadiens. Deux chiffres pour illustrer cela. Pour transporter une marchandise du port de Douala vers son pays, un chauffeur tchadien ou centrafricain doit payer environ 140 000 FCFA par voyage. Par an, disent-ils, ceci représente environ 2 milliards de FCFA perdus sur les routes camerounaises. Un argent qui va dans les poches de policiers, de gendarmes et de douaniers. Les 12 et 13 juillet dernier, la ville de Douala a abrité un atelier sur la mise en œuvre des recommandations du 2e forum tripartite Cameroun-Rca-Tchad portant sur la facilitation du transit des marchandises à travers les ports du Cameroun. Au cours de ces travaux, les représentants centrafricains et tchadiens avaient demandé le « démantèlement des barrières douanières et policières » sur les corridors camerounais. Une frustration profonde donc pour nos frères tchadiens et centrafricains. Mais aussi pour le Cameroun. Car selon Cyrus Ngo’o, le Directeur général du Port autonome de Douala, c’est près de 200 milliards que le Cameroun perd chaque année sur l’autel des intérêts personnels. Le temps d’une interview, Lin Dieudonné Onana, le Secrétaire général de la Communauté portuaire de Douala, a bien voulu prendre place dans notre bougna. Pour revenir sur cette actualité hautement sensible. Mais aussi pour expliquer pourquoi le Port de Douala reste une destination privilégiée pour les transporteurs tchadiens et centrafricains.

 

Depuis deux jours, une information faisant état du départ des chargeurs centrafricains circule sur les réseaux sociaux et sur certains sites Internet. Les auteurs de ces articles s’inquiètent surtout des pertes que pourrait avoir le Port de Douala, après le départ de ces deux pays, qui représentent tout de même 50% des activités du PAD. Qu’en est-il exactement ?

Le Port de Douala c’est au moins 1 000 chargeurs. La République centrafricaine et le Tchad tournent autour de 100 à 200 chargeurs. Il faudrait que ces gens s’assoient, pour dire « nous décidons de quitter ». Ça ne se passe pas comme ça.

Il se trouve que la RCA a signé, en mai dernier, un accord de coopération avec le Port de la RDC. Nous avons déjà un accord similaire avec ces deux Etats depuis 10 ou 15 années. C’est une démarche qui rentre dans le cadre de la politique de diversification que tout Etat normal doit avoir.

Face à cela, il y a eu toutes sortes de rumeurs qui ont circulé. Mis cela ne veut pas dire que la Centrafrique ne viendra plus au Cameroun. Je peux vous le dire avec assurance, il y a deux ou trois jours, et même aujourd’hui, j’étais en concertation avec le Conseil centrafricain des chargeurs. Ça veut simplement dire que c’est un pays qui cherche à diversifier ses débouchées sur la mer. Ce qui est tout à fait légitime.

Ne court-on pas tout de même le risque de voir nos deux voisins de la CEMAC privilégier le Port de Pointe Noire à notre Port de Douala ?

La Centrafrique et le Tchad continuent à considérer que la côte camerounaise est leur côte naturelle. C’est la plus courte pour arriver à la mer. Si vous allez aux parcs, vous constaterez que les opérateurs centrafricains et tchadiens continuent à sortir leurs marchandises par le Port de Douala.

La preuve la plus palpable, en ce qui concerne la Centrafrique, est que nous avons une unité avancée de la Douane centrafricaine ici. S’il y avait une telle décision qui relèverait de l’Etat centrafricain, c’est d’abord la Douane qui fermerait ses portes. Allez au Secteur des Douanes, à l’intérieur du Port, à côté de la capitainerie. C’est là où il y a l’unité de la Douane centrafricaine. Vous les trouverez là, au travail.

Il n’en reste pas moins vrai que les griefs soulevés par les chargeurs centrafricains et tchadiens sont légitimes. Pour rappel, ils disent avoir perdu 600 000 tonnes de marchandises sur le corridor camerounais environ chaque année, et se plaignent des tracasseries policières. Ils perdent environ 140 000 FCFA par voyage, avait-on appris.

Chaque fois que vous parcourrez une route, que vous soyez en transit ou pas, nous savons tous dans les routes africaines, ce qui se passe au niveau des barrages de contrôle. Ce n’est pas propre au Cameroun. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas nous attaquer à ce fléau. Vous ne verrez pas un port en train de gouverner tout un corridor. Le port est une circonscription bien précise définie par les textes, et qui est généralement au bord de la mer. Le DG du Port et nous-mêmes, qui sommes de la communauté portuaire, en réalité, n’avons pas une autorité directe sur les corridors.

Seulement, dans le cadre communautaire, ceux qui ont une autorité directe sur les forces qui travaillent sur les corridors acceptent bien de collaborer. Je voudrai citer la gendarmerie et la Police. Les hiérarchies de ces deux corps collaborent. Nous sommes allés à Ndjamena en décembre dernier discuter de ces résolutions. Nous sommes allés à Bangui en février dernier. Je peux vous garantir que les responsables de ces deux corps ont pris le torreau par les cornes. Ils ont sorti des notes, des réglementations qui visent à sanctionner sévèrement les brebis galeuses. Ils ont même donné les numéros verts pour les opérateurs qui se sentent quelque peu embêtés sur la route.

Que peut faire le Port de Douala pour y mettre fin ?

Je vais dire que cette question des tracasseries venant des corridors n’incombe pas au port en tant qu’entité. Mais le port, en tant que point de sortie, ne peut pas être indifférent. C’est pour cela que le Port, dans le cadre de sa communauté, son président en tête, ont touché les autorités gouvernementales compétentes, qui, elles mêmes, n’ont pas tardé à faire bouger les lignes.

Je crois d’ailleurs, puisque nous avons déjà tenu nos réunions de fin d’année, que la feuille de route de la communauté portuaire pour l’année 2019 qui commence, il est prévu une descente tous les mois dans les corridors. En associant les hiérarchies de la police, de la gendarmerie et de la Douane, pour que sensibilisation soit faite sur le terrain au niveau des agents qui pourraient ne pas être au courant de ces problématiques. De manière à ce que ces tracasseries qui sont l’une des plaies que nous reprochent nos proches, à défaut de disparaître, cessent.

 

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