Faustin DINGANA (Directeur délélgué RTC) « Voici comment nous avons réussi à relever le défi »

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Faustin DINGANA, DD RTC. Crédit Photo: bougna.net

Avec 328 navires accueillis sur le Terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri, 366 667 conteneurs EVP (embarqués et débarqués, un chiffre d’affaires de plus de 49, 855 milliards de FCFA réalisé « + 3 401 538 165 FCFA au titre de 10% », Faustin Dingana, a le sentiment du devoir accompli. Au-delà de la mission de maintenir les activités sur ce terminal après la crise liée au départ de l’ancien opérateur DIT, le Directeur délégué de la RTC avait une autre mission. Celle de prouver que des camerounais peuvent gérer le plus grand port du pays. Dans cette interview, le DD de la RTC montre comment en un an, il a réussi à payer plus de 15,402 milliards de FCFA FCFA (+70%) de redevance au PAD, et près de 9,254 milliards de FCFA (14,3%) de contribution fiscale.

 

Monsieur le Directeur Délégué, vous venez d’achever votre première année d’activité à la tête de la Régie Déléguée du terminal à conteneurs du Port de Douala-Bonbéri. Quel bilan pouvez-vous faire ?

Je tiens d’abord à vous remercier d’être venu visiter le terminal à conteneurs du Port de Douala-Bonabéri placé sous l’exploitation de la Régie du Terminal à Conteneurs (RTC). Vous faites partie de ceux qui avez été ici le premier janvier 2020 au moment où nous démarrions les activités sur ce terminal. Certains se doutaient bien de nos capacités à gérer, exploiter et maintenir le terminal à conteneurs.

Vous êtes revenus six mois plus tard, pour voir ce qu’était devenu le terminal. Je pense que le renvoi que vous avez fait à cette époque rassurait. Mais il restait encore que nous n’étions qu’à 6 mois. Rendu à un an des opérations, vous revenez vous enquérir de ce qui a été fait et des perspectives.

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Je dois vous dire merci pour cette interview que vous avez sollicitée. Une interview qui nous permet de rendre compte de ce que nous avons fait de la décision prise par le Port Autonome de Douala à la suite du gouvernement de gérer en régie ce terminal.

Depuis deux jours déjà, vous avez pu visiter le terminal, vous avez eu à recueillir les présentations de mes collaborateurs, les données statistiques de l’exploitation et de la maintenance des équipements, de l’exploitation du système d’information. Vous avez-vous-mêmes constaté que pour 2021, nous avons accompli notre mission. Je souhaite par ailleurs vous voir interviewer nos clients et nos mandants pour avoir leurs opinions.

Monsieur le Directeur Délégué, l’actualité est marquée par une note de Maersk, qui fait état d’une situation de congestion au terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri. Quelle est la situation réelle ?

Effectivement, nous avons appris que des activistes, issus des réseaux sociaux ont fait croire à l’opinion qu’il y avait une certaine congestion. Vous avez visité le terminal à conteneurs. Lorsqu’on parle de congestion, elle a ses manifestations. Les navires entrent et sortent. Vous n’avez même pas vu de camions en attente. Vous pouvez y aller encore maintenant. Nous servons tous nos clients en temps et en heure, et à leur satisfaction. Comment pourrait-on parler de congestion, alors qu’il n’y a aucune manifestation ?

Conteneurs embarqués et débarqués à la RTC en 2020

Je crois que ce n’est pas sur Facebook qu’il faut aller chercher ces informations. Il faut poser la question aux armateurs, aux chargeurs, à tous les acteurs de la place portuaire.

J’avoue qu’il n’y a pas eu de moment. Nous avons pris les choses en main dès le 1er janvier. Le conseil d’Administration du PAD, après avoir jugé de la capacité des camerounais à gérer ce terminal, avait pris la décision de créer la RTC. Il n’y a donc pas eu un moment où nous nous sommes rendu compte qu’on pouvait relever le défi. Nous sommes venus, conscients de nos capacités à gérer le terminal. Il n’y a pas eu un seul doute. Dès le 1er janvier, nous avons commencé à livrer.

Certes, au début, il y avait des hésitations, des doutes. Doutes entretenus par une campagne de dénigrement développée par ceux qui, jusqu’aujourd’hui, malgré la donne, continuent à penser et à faire croire à certains qui ne viennent pas vers nous comme vous, que nous ne sommes pas capables de faire ce que nous sommes en train de faire. Pourtant, la réalité est là.

A titre d’exemple, nous avons pu, en 2020, livrer 123 000 conteneurs à nos clients. Alors qu’en 2019, l’ancien opérateur en avait livré 116 000. Et vous imaginez le contexte dans lequel nous réalisons ces performances. C’est un contexte caractérisé principalement par la fermeture des frontières qui ne nous favorise pas l’entretien efficient de nos équipements. Mais nous avons développé des stratégies d’ingénierie qui nous ont permis de contourner cette difficulté.

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Nous avons manutentionné presqu’autant de navires. Nous avons également embarqué et débarqué autant de conteneurs que ce qu’avait fait l’ancien opérateur. Pourtant nous étions dans un contexte de difficulté généralisé.

Il faut comprendre que le trafic qui vient à nous est manutentionné par des armateurs. Si ces armateurs viennent à nous, c’est bien parce qu’ils font confiance à la RTC. Il y a un caractère attractif. Et pour être attractifs, il faut bien être reconnu comme étant aux standards. Lorsque vous regardez les courbes, nous avons, dès la deuxième semaine de janvier, réussi à basculer la tendance, et à gagner la confiance de nos partenaires. Nous avons amélioré les performances dans tous les segments de l’activité de la RTC.

 

Comment, au sein de la RTC, comptez-vous procéder pour mettre le terminal à conteneurs à l’abri d’une éventuelle congestion ?

Nous avons mis en place une stratégie. La première composante qui a constitué à éviter une augmentation des coûts de passage, a consisté à ne pas faire de transfert de conteneurs de notre yard principal vers notre yard secondaire qui est le ICD (Inland Conteneurs Depot). Ce qui a amené le terminal à situer le taux d’occupation de son yard au taux de 72% alors qu’en 2019, il était de 65%.

Lorsque l’on regarde ce chiffre, on peut se dire que le terminal est congestionné. Puisque les terre-pleins sont fortement occupés. Mais la congestion suppose qu’il y a un phénomène de blocage. Que les navires ne peuvent pas entrer, que les camions sont bouchonnés. Vous avez vu les manifestations concrètes de la congestion dans les années passées.

Progression du nombre de navires traités par la RTC 2020

En maintenant les opérations de transfert comme le précédent opérateur, on aurait pu gagner de l’argent. Chaque conteneur transféré procure de l’argent. Mais nous avons fait le choix de faire économiser nos chargeurs.

Sur la congestion qui vous intéresse tant, je peux vous vous dire que nous sommes plutôt en état d’encombrement. Notre terminal est encombré par des conteneurs qui séjournent très longtemps sur le terminal. Il faut résoudre le problème de l’encombrement sur le terminal. Qui est consécutif à ce que je vous ai expliqué plus haut, mais aussi parce que nous avons dégagé des espaces de réparation. Il fallait qu’on répare le terminal. C’est parce que nous avons dégagé ces espaces de réparation que les espaces utiles qui restent se trouvent être fortement chargés.

Nous avons également, grâce à ce non transfert des conteneurs, permis à nos chargeurs, à nos opérateurs, d’économiser plus d’un milliard de FCFA. En même temps, nous avons optimisé l’utilisation de nos moyens logistiques et humains. Nous avons augmenté la productivité de notre personnel et la productivité de nos équipements, en termes de disponibilité opérationnelle. Tout cela a permis l’accélération des livraisons. Vous avez vu le nombre de conteneurs que nous avons livré en un an, qui est supérieur à ce que d’autres ont livré.

Donc il s’agit d’une stratégie d’organisation et d’optimisation qui fait que tout camion qui entre sur notre terminal n’y passe pas plus de deux heures. Notre objectif c’est 45 minutes. Nous souhaitons qu’un camion qui entre sur notre yard soit ressorti dans ce délai. Mais pour l’instant, compte tenu de l’état de vétusté et des travaux que nous sommes en train de réaliser, nous sommes à deux heures. Avant, vous pouviez passer plus de temps. Nous sommes dans une moyenne d’une heure. Cette réduction du temps fait que niveau terre, il y a de la fluidité dans les livraisons. Parce que l’organisation mise en place est efficiente.

Nous avons mis une autre stratégie, qui consiste à engager des travaux d’urgence dans la réparation des parcs, pour faciliter les mouvements de nos engins. Nous avons également renforcé l’éclairage, et nous allons continuer à l’améliorer. Tout comme nous allons maintenir l’amélioration des travaux du yard.

Nous avons maintenu le taux de productivité de nos équipements élevé. Nonobstant le fait que les frontières étaient fermées, et que l’acquisition des pièces de rechange était difficile à l’extérieur. Sur la disponibilité des pièces de rechange, nous avons développé des partenariats avec des camerounais qui sont désormais capables de fabriquer certaines pièces que nous utilisons. Avec ça, nous sommes capables d’entretenir et de faire tourner des équipements qui sont vieux, dont certains ont atteint le taux de non-maintenabilité sur le terminal. Mais nous avons pu les réveiller, grâce à l’ingéniosité des camerounais qui travaillent ici avec nous.

 

Mais ces stratégies à elles seules ne suffisent pas. Des équipements vétustes, un yard à réparer, tout ça demande de l’argent. Que prévoit votre plan d’investissement ?

Tout cela demande effectivement de l’argent. Nous avons un plan d’investissement qui se décline sur trois et dix ans. A moyen terme, dès 2021, nous prévoyons d’acquérir de nouveaux équipements. Nous avons par exemple signé hier, avec l’entreprise Konecranes une lettre-commande pour l’acquisition de deux grues mobiles. Ça c’est le côté bord pour la manutention des navires. Elles vont être livrées d’ici la fin d’année si les difficultés liées à la COVID-19 sont levées.

Nous sommes également en négociation avec d’autres prestataires. Pour ajouter un mot sur Konecranes, nous discutons sur l’acquisition d’équipements de levage. Il s’agit de reachtakers. Concrètement, pour 2021, nous allons acheter cinq reachtakers, des deux empty handlers ; d’autres charriots élévateurs ; des tracteurs, 27 remorques, etc.

 

Vous avez annoncé un chiffre d’affaires de plus de 49,657 milliards de FCFA, dans un contexte de crise difficile. Comment expliquer cette performance ?

Nous avons réalisé 49,657 milliards de FCFA. Je peux vous rappeler qu’en 2019, ce même chiffre d’affaires se situait autour de 48,458 milliards de FCFA. Ce chiffre d’affaires, qui reste projeté (puisque notre compte de bilan est en production), est un peu présenté de manière abusive, lorsqu’on tente de faire la comparaison avec ce qui se faisait avant. Il faut dire qu’en 2020, nous avons opéré, dès le 1er janvier, une remise de 10% sur les opérations de manutention terre.

Nous avons estimé que les coûts de passage, comme nous l’a instruit le gouvernement devaient baisser. Cette baisse a entrainé une baisse du chiffre d’affaires pour le terminal de 3,4 milliards de FCFA. Ce qui constitue un gain pour l’économie nationale. Cet argent aurait pu rester entre nos mains. Si vous voulez faire la comparaison avec les années antérieures, il faut ajouter cet argent à notre chiffre d’affaires.

Nous nous sommes enfin abstenus de faire comme cela se faisait avant. C’est-à-dire alléger la pression sur le terminal à transférant systématiquement les conteneurs sur le ICD. Cela fait gagner de l’argent. Le gouvernement et notre autorité nous ont demandé de baisser les coûts de passage et de réduire les délais de passage. Nous avons contenu toute notre gestion dans le terminal sans faire de transfert. Cela a fait faire des économies d’1,076 milliard de FCFA. Vous voyez qu’au total, par les instructions que nous avons reçues, et par notre approche managériale, nous avons permis à l’économie de notre pays de gagner plus de 4,5 milliards de FCFA que nous aurions pu encaisser si nous étions un opérateur capitaliste qui veut gagner de l’argent.

Nous avons déjà versé 15,4 milliards de FCFA de redevance. Et des frais de stationnement (redevance fixe et redevance variable, et sa quote-part de frais de stationnement) que le port n’avait pas reçu depuis des années. Les années antérieures, la redevance tournait autour de 5 milliards de FCFA. 4,3 milliards en 2019. Vous voyez le gain que le PAD a pu faire.

Nous avons fait une contribution fiscale (impôts directs, etc.) de l’ordre de 9 milliards de FCFA.

Enfin, nous avons fait des ristournes aux armateurs. Quand nous avons observé le volume réalisé en fin d’année, un volume dû à la confiance que les armateurs ont eue en nous, nous avons proposé à notre conseil de supervision de faire des ristournes d’environ 1,4 milliard.

Lorsque la RTC est lancée, elle n’a pas de personnel. Le personnel qui est en service ici a été réquisitionné chez l’ancien opérateur. Quelle est leur situation ?

Nous avons environ 323 personnes sur le terminal actuellement. Je dis environ, parce que je n’ai pas les chiffres exacts. La qualité du personnel peut se juger par sa productivité. On ne peut pas être dans un état d’esprit autre que d’engagement, de motivation, de détermination, pour réaliser cette productivité. C’est le personnel, c’est l’organisation, c’est la synergie de tous les acteurs, les cadres de concertation que nous avons mis en place qui produit les résultats que vous connaissez.

Le personnel que nous avons trouvé sur le terminal à conteneurs, était en partie recruté par l’ex-opérateur et en partie utilisé comme main d’œuvre intérimaire (temporaire). Il ‘était déjà pratiquement dans une situation d’absence de légalité. Parce qu’une main d’œuvre temporaire utilisée pendant cinq ans commence à ne plus être normale.

Nous avons contractualisé tout ce personnel dès le 1er janvier 2021. C’est environ 70 personnes. Nous avons signé des contrats de travail, pour stabiliser leur situation. Ils sont désormais des employés à part entière de la RTC, comme nous l’a instruit notre conseil de supervision.

Le personnel qui était rattaché à l’ex-opérateur par un contrat de travail reste sous réquisition. Ils ont eu plusieurs réquisitions qu’on voulait lever le plus tôt possible. Mais il y a eu des entraves à la levée de ces réquisitions. Elles résident en ce que ce personnel est en contentieux avec son ex-employeur. Nous ne pourrons pas les contractualiser tant que ce contentieux reste pendant devant les juridictions. Mais nous avons déjà apprêté les contrats. Dès que la décision de justice tombera, et qu’il nous sera possible, ils seront tous recrutés à la RTC.

En attendant, quoi qu’ils soient sous réquisition, ils reçoivent régulièrement les salaires dont le minimum est ce qu’ils percevaient déjà. D’ailleurs, nous avons procédé à des augmentations de salaires. Ils reçoivent tous les traitements (couvertures, assurances, etc.). Ils reçoivent tout ce qui leur était dû. De même que leurs enfants et leurs familles. C’est ce qui justifie la sérénité, qui contraste avec le chaos annoncé à la RTC. Nous leur avons fait savoir qu’au-delà de la RTC, il y a le terminal à conteneurs qui sera toujours là, et qui aura besoin d’eux.

Avec le départ de l’ancien opérateur, on a l’impression que la complémentarité portuaire vantée au moment du démarrage des opérations du Port Autonome de Kribi est en train de voler à l’éclat. Surtout que de l’autre côté, c’est une filiale du groupe Bolloré qui opère. Avez-vous la même impression ? Si oui, quelle est la stratégie que vous mettez en place pour maintenir un niveau optimal de trafic au terminal à conteneurs du Port de Douala-Bonabéri ?

Je voudrai d’abord préciser qu’entre le Port Autonome de Kribi et le Port Autonome de Douala il n’y a pas de concurrence. Il y a complémentarité. C’est la volonté du gouvernement, et c’est la réalité. La complémentarité se joue. Le marché du conteneur est un vaste marché. Et je pense que les deux seuls acteurs ne suffisent même pas pour absorber à eux seuls ce marché. Il faudrait peut-être un troisième, et un quatrième opérateur.

La conteneurisation des marchandises va croissant dans le monde. C’est le moyen sécurisé de faire des mouvements de marchandises aujourd’hui. Donc le taux de conteneurisation du port de Douala est en train d’augmenter.

La monté en puissance du Port de Kribi apparaît pour nous comme une grande opportunité. Le Port de Kribi se spécialisant davantage dans l’éclatement. Puisque c’est un port en eau profonde, il donne l’opportunité à notre pays de recevoir des navires de plus en plus grands. D’apporter plus de marchandises, et donc, de réaliser une économie d’échelle. Vous êtes sans doute au courant qu’entre le port de Kribi et le port de Douala, il y a un trafic de cabotage qui est mis en place. Il fait que les conteneurs qui arrivent dans de plus grands navires sont transférés à Douala par le caboteur.

Pour nous, nous souhaitons que le port de Kribi se conforte dans sa mission et que le port de Douala en tire l’avantage qui devrait être le sien.

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