Cameroun-Projet minier de Mbalam : Sundance, le MINMIDT, et les 94 milliards

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Exploitation d'un gisement de fer.

Depuis quelques semaines le dossier du fer de Mbalam refait surface au sein de l’opinion. Pas du fait de l’avancée des travaux de construction de la ligne de chemin de fer pour lesquels le Cameroun et le consortium Bestway/AutSino ont signé un contrat de partenariat public-privé en février dernier. Mais parce que côté camerounais, Sundance Resouces Ltd a relancé le dossier du gisement de fer de Mbalam, sur lequel il avait perdu son permis d’exploitation.

Dans un communiqué rendu publique ce 05 avril, et relayé par la presse camerounaise (notamment), Sundance Resources annonce avoir repris la procédure d’arbitrage internationale contre l’Etat du Cameroun. Une procédure ouverte en juin 2021 à la Chambre de commerce internationale (CCI) à Paris, mais qui avait été suspendue à la demande de la junior minière australienne, qui disait avoir engagé des pourparlers de règlement avec le Cameroun.

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Derrière cette dernière sortie, il ne s’agit pas principalement pour Sundance Resources Ltd d’annoncer la réouverture du contentieux judiciaire qui l’oppose au Cameroun. Il s’agit surtout, comme on peut le lire dans le communiqué, de faire passer l’information relative à une ordonnance provisoire (émise par la CCI) interdisant à la République du Cameroun d’accorder des droits d’exploitation sur le gisement du minerai de fer de Mbalam à toute partie, à l’exception de la filiale camerounaise de Sundance dénommée Cam Iron.

Les faits

En fait, Sundance, par le truchement de sa filiale locale, Cam Iron, a obtenu en 2010 une convention minière en vue de l’exploitation du gisement de fer de Mbalam. Par celle-ci, la société dispose de deux ans pour prouver ses capacités financières et techniques. En 2014, au terme du délai imparti, Sundance demande un délai additionnel à l’État. Demande validée par l’Etat, à travers un accord de transition en 2015 à l’issue duquel Sundance doit faire la preuve de ses capacités financières et techniques.

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En 2018, au terme du délai de grâce exceptionnel accordé à Sundance, ladite convention expire de plein droit. N’ayant jamais pu faire la preuve de ses capacités financières et techniques, Sundance est donc demeurée dans l’incapacité d’obtenir un permis d’Exploitation industrielle. C’est ainsi qu’en décembre 2020, Sundance décide d’attaquer le Cameroun à la Chambre de Commerce Internationale pour non attribution du permis d’exploitation de Mbalam. Dans sa demande, l’entreprise revendique le paiement des

« Les actes d’exploitation, notamment le permis d’exploitation du gisement du minerai de fer de Mbalam, ont donc expiré en 2018 et n’ont jamais fait l’objet de prorogation ni de renouvellement parce que, après des promesses non-tenues, Sundance avait déposé une demande de renouvellement du permis d’exploitation cette année-là, qui a expiré car, il avait atteint le nombre maximum d’extensions possibles en vertu du Code minier du Cameroun. Ce qui, de fait, entraîne un aveu d’incompétence de la part de Sundance et son partenaire, suite à la déchéance des droits constatée par les autorités minières camerounaises », déclarera une source généralement bien introduite.

Crise interne

Mais cette expiration de fait des actes de Sundance n’étaient pas bonnes pour la santé de l’entreprise. Entre 2018 et 2020, la santé financière de la junior minière australienne s’est progressivement détériorée, avec des répercussions jusqu’au sommet de sa pyramide : ses actionnaires.

Au mois d’août 2021, en pleine crise, Sundance conclut un accord avec Senrigan Master Fund, Noble Resources International Pte Ltd, DE Shaw Composite Holdings International Ltd, Wafin Limited et BSOF Master Fund LP (ensemble des porteurs de billets ou actionnaires) pour restructurer les accords de dette et de sécurité existants de la Société.

Plus simplement, il s’agit d’un accord dans lequel les actionnaires acceptent donner un sursis à Sundance pendant la durée des procédures en cours contre les gouvernements de la République du Congo et de la République du Cameroun.

Dans un communiqué rendu public à cet effet, l’entreprise confirmera cette option. « Si Sundance obtient gain de cause dans l’une de ces procédures et reçoit une indemnité de dommages-intérêts, les porteurs de billets auront le droit de recevoir une partie convenue de tout dommage recouvré, en compensation de l’abstention de leurs billets convertibles et en remboursement des montants dus au titre des titres convertibles », déclarera-t-elle.

La CCI

L’accalmie interne retrouvée, l’entreprise repart à l’assaut du Cameroun, en relançant sa plainte à la Chambre de commerce internationale. Au Cameroun, la défense se met en place. Mais tout le monde ne semble pas défendre la même cause.

Au second trimestre 2021, le Ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique (Minmidt) reçoit plusieurs avis légaux, écrits, de cabinets d’avocats internationaux, notamment ceux ayant assuré avec succès la défense de la République du Congo contre la même société, lui démontrant clairement que le Cameroun, étant dans son bon droit, n’a rien à craindre légalement et l’enjoignant à ne pas céder aux menaces et aux sirènes tentant de le conduire dans une logique de négociation à l’amiable, au risque d’affaiblir la position de l’Etat.

En dépit de ces multiples avertissements, au même second trimestre 2021, le Ministre des Mines, Gabriel Dodo Ndoke, décide d’entrer en négociation avec Sundance. L’évaluation experte initialement effectuée sur le montant des dépenses effectuées par Sundance estime le montant dû, et donc potentiellement réclamé par Sundance, à 17 millions de dollars. A titre de précision, ces dépenses au sens des textes réglementaires et légaux en vigueur en République du Cameroun, notamment le Code minier de 2001 et son décret d’application de 2002, ou encore le Code minier de 2016, ne sont pas remboursables.

Mais, contre toute attente, suite aux rencontres avec le Ministre des Mines, le montant des réclamations de Sundance est soudainement et brutalement revu à la hausse, se démultipliant ainsi de 17 millions de dollars à sensiblement 170 millions  de dollars (94 milliards de FCFA au taux moyen du dollar en vigueur à l’été 2021).

94 milliards

D’où viennent les 94 milliards de FCFA auxquels fait allusion le Ministre des Mines ? En réalité, quelques semaines plus tôt, afin de donner un fondement légal à cette entreprise, le Ministre des Mines va adresser une lettre de confort fin février 2022 à Sundance, la rassurant quant à ses droits vis-à-vis de Mbalam, ce alors même qu’il a conscience du droit souverain de la République du Cameroun à disposer de ses ressources minières.

La porte ainsi ouverte à toutes sortes de marchandages et de réclamations, Sundance déclenche dès mars 2022 une procédure arbitrale d’urgence entraînant l’émission d’une ordonnance d’urgence, à l’encontre du Cameroun, visant à l’empêcher d’attribuer Mbalam à une structure autre que Cam Iron.

Cette stratégie a pour but de forcer la main de l’Etat afin que soient versés les 94 milliards de FCFA réclamés. Rappelons que 90% de ce montant ira à la société promue par le Ministre des Mines, Buns Mining, par le truchement des accords passés entre celle-ci et Sundance quant à l’actionnariat de Cam Iron.

L’Etat du Cameroun va décider de constituer un conseil pour le suivi de la procédure devant les juridictions internationales s’agissant de cette procédure. C’est ainsi qu’en date du 18 avril 2022, le Ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, adresse une correspondance au Ministre des Mines, de l’industrie et du développement technologique, Gabriel Dodo Ndoké, pour lui faire connaître, sur très hautes instructions du chef de l’Etat, que Me Thierry Lauriol, avocat au barreau de Paris, associé au sein du Cabinet Jeantet, déjà choisi pour défendre les intérêts du Congo dans le cadre de la procédure arbitrale avec Sundance Resources LTD, devra également assurer la défense de ceux de l’Etat du Cameroun.

Le cas Me Njel Gwet

Mais, «le ministre des Mines va se rapprocher du ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux aux fins de le convaincre du choix d’un autre avocat pour assurer la défense des intérêts du Cameroun en la personne de Me Njel Gwet Amos», confie une source qui précise que ce dernier a travaillé comme avocat stagiaire pour le compte de Sundance et de sa filiale Cam Iron. Chose que Me Njel conteste. Mais, poursuit notre source, «Le choix de cet avocat n’est donc pas anodin car il ne servira qu’à défendre les intérêts égoïstes et personnels du ministre des Mines et de son acolyte Sundance dans cette procédure». Une position contestée par l’avocat qui dit défendre les intérêts du Cameroun.

Concluant sur ce sujet, une autre source croit que «en associant l’avocat de Sundance dans l’équipe de défense du Cameroun constituée entre autres, de Me Njel Gwet Amos, des responsables des Ministères de la Justice, des Mines, des Relations Extérieures, des Finances, de la Sonamines, etc., le ministre des Mines veut favoriser le paiement des 94 milliards de FCFA à Sundance par l’Etat, question de ponctionner ces sommes des caisses de l’Etat et partager le fruit avec son acolyte Sundance Resources».

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