Riz Butter Brand : Comment une incompréhension administrative est devenue une « affaire d’Etat »

0
Des sacs du Riz Butter Brand querellé

La boucle est donc bouclée dans ce qu’on peut désormais à juste titre appeler l’« Affaire du riz Butter Brand » du Port de Kribi. Dans un communiqué de presse signé ce 25 novembre 2023, le Port Autonome de Kribi, régulateur et coordonnateur des opérations du commerce international sur la place portuaire de Kribi, lève les doutes qui pouvaient encore persister sur le processus d’enlèvement du riz sur la place portuaire.

«…le Directeur Général du Port Autonome de Kribi (PAK) porte à l’attention des médias et du grand public en général que cette opération a rigoureusement suivi toutes les étapes de déclaration et de contrôle, conformément à la procédure en vigueur », écrit l’entreprise dirigée par Patrice MELOM.

            « Après le « riz d’Orca » et le « riz du Port de                   Douala », voilà donc le Port de Kribi à                            table, devant un riz rendu médiatiquement                    impropre à la consommation…

Cette sortie survient quelques jours après la correspondance adressée par Luc Magloire Mbarga ATANGANA, Ministre du Commerce, à Ferdinand NGOH NGOH, Secrétaire Général à la Présidence de la République (la date n’est pas mentionnée).

Correspondance dans laquelle Luc Magloire MBARGA ATANGANA explique, en trois points, des éléments justifiant du respect de la conformité en matière de qualité, mais aussi des procédures, de cette cargaison. « Sauf à invoquer le principe de précaution, difficilement justifiable dans le cas d’espèce, la mesure d’interdiction d’écoulement de cette marchandise, prescrite par le Préfet du Département de l’Océan, apparaît par conséquent comme non-fondée », conclut le Ministre du Ciommerce.

Ce qu’il faut savoir

Après le « riz d’Orca » et le « riz du Port de Douala », voilà donc le Port de Kribi à table, devant un riz rendu médiatiquement impropre à la consommation. Qu’est-ce qui s’est passé ? Comment l’enlèvement d’une cargaison apparemment normale s’est transformée en « affaire d’Etat » ? Pour le comprendre, il faut remonter au 12 novembre.

En effet, ce jour, le navire Vega en provenance de Nanjing (Chine) et transportant une cargaison de 10.000 tonnes de riz de marque Butter Brand accoste au port en eau profonde de Kribi pour une opération programmée de débarquement de la marchandise sus évoquée, pour le compte de l’entreprise Avanti Cameroun.

En prélude à l’accostage du navire et au débarquement de la marchandise, l’importateur soumet auprès de la Police phytosanitaire du port de Kribi la liasse documentaire complète et exigible en la matière. Son examen donne lieu à la délivrance d’un procès-verbal d’inspection à l’import, à la suite de quoi l’ANOR et la SGS émettent un certificat de conformité.

          « en matière de compétences dans le                               cadre des inspections et analyses de                            denrées alimentaires importées d’origine                      végétale (riz), le principe de la primauté                          des services du MINADER est acté…

A l’accostage du navire, la Police phytosanitaire procède à deux types de contrôles : d’abord une inspection visuelle de la marchandise, des scellés et des autres dispositifs de protection. La cargaison est jugée exempte de tout organisme de quarantaine végétale. En foi de quoi le chef d’inspection phytosanitaire du navire à quai délivre le procès-verbal d’inspection phytosanitaire au débarquement.

Deuxième type de contrôle, bien que cela ne soit nullement obligatoire dans le cas d’espèce, un prélèvement est effectué pour analyse physico-chimiques, microbiologiques et bactériologiques, ceci au regard des informations faisant état d’un refoulement de lots de cargaisons de cette marque de riz en République Démocratique du Congo, au mois d’octobre 2023.

Une collecte d’échantillons dans les cinq cales du navire Vega est donc effectuée et lesdits échantillons sont transmis à un laboratoire agréé pour analyses. Les résultats font état d’une marchandise de « qualité hygiénique conforme aux normes d’un aliment destiné à la consommation humaine ». C’est fort de tout ce qui précède que l’autorisation d’enlèvement du riz Better Brand est accordée par toutes les structures compétentes en la matière, dont la Douane.

La sortie du Préfet

Le 17 novembre, soit cinq jours après l’accostage du navire Vega, le Préfet de l’Océan (région du Sud) adresse une demande d’explications au Chef de poste de police phytosanitaire du Port de Kribi. Dans cette correspondance avec pour objet : « autorisation d’enlèvement sous palan de deux tonnes de riz de marque Butter Brand au Port Autonome de Kribi », NOHOU BELLO écrit.

« J’ai l’honneur de vous demander de (…) me renseigner dans les plus brefs délais les raisons vous ayant conduit à marquer votre accord pour l’enlèvement sous palan le 14 novembre 2023 de 2000 tonnes de riz (…) à destination des régions de l’Extrême-Nord et de l’Adamaoua, sans au préalable que les analyses des échantillons prélevés sur cette cargaison ne soient effectués ».

               « une collecte des échantillons a été                                 réalisée dans les cinq cales du                                         navire. Deux échantillons ont été                                     transférés au laboratoire                                                  SCIENTILABO… trois autres sont                                    encore conservés pour une                                              éventuelle contre-expertise…

D’après NOUHOU BELLO, « Les informations abondamment répandues dans la place portuaire ont révélé que cette denrée en provenance de Nanjin en Chine serait impropre à la consommation humaine et qu’elle aurait fait l’objet de refoulement de la République démocratique du Congo en octobre dernier pour avoir causé des morts à Kinshasa ».

Bien plus, ajoute le Préfet de l’Océan, « il a été constaté que les procès-verbaux d’inspection phytosanitaire à l’importation ont été signés les 08 et 09 novembre 2023, alors que le navire transportant cette cargaison a accosté au port le 12 novembre. Toutes congruités qui devaient susciter une vigilence particulière de vos services ».

Réponse au Préfet

Dans la réponse à la correspondance du Préfet que BOUGNA a pu consulter, le Chef de poste de police phytosanitaire apporte des éclairages à la fois sur la primauté des services phytosanitaires sur les inspections ; sur la délivrance des procès-verbaux établis les 08 et 09 novembre ; et enfin sur l’accord sur l’enlèvement.

Sur le premier point, le chef de poste de police phytosanitaire explique qu’« en matière de compétences dans le cadre des inspections et analyses de denrées alimentaires importées d’origine végétale (riz), le principe de la primauté des services du MINADER est actée ».

Cette primauté actée depuis la tenue de deux réunions, dont l’une tenue le 25 octobre 2023 dans les locaux de la Préfecture, liée au règlement du conflit de compétences dans le cadre des inspections et analyses des denrées alimentaires importées d’origine végétale, rappelle le chef de poste de police phytosanitaire.

Sur la délivrance de procès-verbaux d’inspection établis les 08 et 09 novembre, il cite les dispositions légales. Notamment l’article 2 alinéa 3 de la Loi de 2003 portant protection phytosanitaire ; et l’article 6 du décret N°2005/0771/PM du 06 avril 2005, fixant les modalités d’exécution des opérations de quarantaine végétale, qui disposent que « la certification phytosanitaire consiste en la vérification de la conformité aux exigences phytosanitaires à l’importation spécifiées par le pays importateur ».

Cette certification se fonde sur la conduite des inspections phytosanitaires ; les traitements phytosanitaires éventuels ; la délivrance des procès-verbaux et attestations d’inspections phytosanitaires ; et la délivrance des certificats phytosanitaires.

Comment comprendre que les procès-verbaux d’inspection aient été délivrés les 08 et 09 novembre, alors que la cargaison, elle, n’avait pas encore accosté au port ? Simplement, explique le chef de poste, par respect de la procédure.

« Les exigences techniques recherchées par la mission d’inspection de la cargaison du riz au débarquement reposent sur le respect de trois procédures distinctes conçues pour assurer la fluidité du passage des marchandises au Port, tout en tenant compte de la faisabilité opérationnelle », explique-t-il.

En fait, l’examen des documents associés à l’envoi se fait généralement avant l’arrivée du navire à quai. Pour le cas d’espèce, les documents de la cargaison ont été introduits par le Commissionnaire en Douanes Agréé de la société AVANTI le 08 novembre à 14h10. « Cette première phase a consisté à vérifier si les documents sont complets, cohérents, précis, valides et non frauduleux, décrivant avec exactitude, si le type végétal ou produit végétal ou espèce correspond au certificat phytosanitaire reçu ou devant être délivré. Cette phase d’évaluation documentaire n’étant pas conditionnée par la présence du navire à quai, voilà pourquoi cette étape a été sanctionnée par la délivrance d’un procès-verbal d’inspection à l’import les 08 et 09 novembre », justifie le chef de poste de police phytosanitaire.

Cette inspection documentaire est-elle la seule réalisée ? Non, répond-il. « Par mesure de précaution, une collecte des échantillons a été réalisée dans les cinq cales du navire en présence d’un responsable de la société AVANTI et du représentant du capitaine. Sur les cinq échantillons prélevés, deux ont été transférés au laboratoire SCIENTILABO pour les analyses phytochimiques, microbiologiques et bactériologiques ; trois autres sont encore conservés pour une éventuelle contre-expertise…Les résultats transmis le lundi 20 novembre à SCIENTILABO font état d’une « qualité hygiénique conforme aux normes d’un aliment destiné à la consommation humaine », conclut le chef de poste de police phytosanitaire.

Frégist Bertrand TCHOUTA

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here