Route Bogo-Pouss : Le Cameroun en passe de perdre un financement de 48, 777 Mds du fait de retards dans les travaux

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Section Guirvidig-Pouss sur la route Bogo-Pouss

Le Cameroun pourrait perdre un financement d’environ 48,777 milliards de FCFA sur la route Bogo-Pouss, en raison des retards dans l’exécution des travaux. Sur cette partie de la route Maroua-Bogo-Pouss, les deux entreprises chinoises CGCOC GROUP et XCCG GROUP n’ont pas pu trouver une cadence suffisante depuis le début des travaux en septembre 2023. Prévus pour une durée de 36 mois, les deux lots ne sont respectivement exécutés qu’à 35% (pour une consommation des délais de 80%) sur la section Bogo-Guirvidig ; et 21% (pour une consommation des délais de 80%) sur la section Guirvidig-Pouss. Si les travaux ne sont pas achevés ce mois de septembre, la Banque africaine de Développement (elle apporte 85% de l’argent et l’Etat du Cameroun 15%) pourrait purement et simplement clôturer le financement.

Ce mardi, 22 avril, conscient du risque énorme que feraient perdre les retards sur le développement de la région de l’Extrême-Nord, Emmanuel Nganou Djoumessi a réuni les acteurs impliqués. Les deux entreprises chinoises étaient conduites par le Conseiller Economique de l’Ambassade de la République populaire de Chine au Cameroun.

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« Le Maître d’ouvrage a jugé urgent d’accompagner les entreprises à achever les travaux sur les lots 1 et 2 avant la fin du mois de septembre 2025 », a expliqué le Ministère des Travaux Publics (MINTP) dans une note parvenue à notre rédaction.

Bien que la volonté d’achever les travaux par CGCOC GROUP soit perceptible à travers la cadence des travaux actuelle, ce n’est pas le cas pour de l’entreprise Xinjiang Communication Construction Group du lot 2 dont les travaux sont toujours en arrêts. Cependant elle s’attèle au quotidien à exécuter les ouvrages hydrauliques.

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« Il s’est agi pour le Ministre des Travaux Publics au cours de la réunion de rappeler les attentes du Maitre d’ouvrage à savoir :  porter le linéaire de mise en œuvre du corps de remblai ainsi que la couche de base à 20 km sur l’axe principal, achever la mise en œuvre de la couche de fondation sur l’axe principal, porter le nombre d’ouvrages hydraulique exécutés à 40 unités et la pose de 4 000 mètres linéaires de caniveaux bétonnés au niveau des voiries urbaines », a complété le département ministériel.

Difficultés

Approché par la presse à la sortie de la concertation, GUO JIANJUN, Conseiller économique à l’Ambassade de la République populaire de Chine au Cameroun s’est dit confiant. « Nous avons un très grand projet de construction de routes dans l’Extrême-Nord. C’est important pour le Cameroun, mais aussi pour la coopération bilatérale sino-camerounaise. Nous avons deux compagnies chinoises très sérieuses qui participent dans la construction de ces routes. Nous avons confiance en ces entreprises », a-t-il déclaré.

« Il y a des problèmes de coordination entre les deux parties. Sur le terrain, elles ne trouvent pas des meilleurs modes de travail. Il y a des difficultés très techniques. Nous avons les facteurs climatiques, à l’instar des pluies…Les retards dans le paiement des décomptes justifient aussi cette situation. Mais ce n’est pas dans notre intérêt de voir ce retard. Notre intérêt c’est d’avoir un succès commun », a-t-il ajouté.

Le volume des décomptes impayés au 22 avril n’a pas été révélé. On sait cependant que fin 2024, les entreprises (y compris Studi International qui assure le contrôle technique) revendiquaient le non-paiement des décomptes d’un peu plus de 2, 363 milliards de FCFA (voir graphique).

Inscrit dans le Programme d’appui au secteur des Transports phase 2 (PAST II), la route Bogo-Pouss vise le désenclavement, la mise en valeur des potentialités agricoles et à l’accroissement des échanges entre et dans les régions. Une fois achevée, elle devrait améliorer la performance de la chaîne logistique des transports et ainsi améliorer les conditions de vie des populations de cette régions.

Mauvais esprit

Mais ceci sera plus facile à dire qu’à faire. Sur cette infrastructure longue de 78,92 km, l’accumulation des difficultés fait planer l’ombre d’un mauvais esprit. Lancé en 2020 pour sélectionner les entreprises devant réaliser les travaux, l’appel d’Offres International Ouvert s’achève au tribunal. Des neuf entreprises ayant soumissionné, les cas Gitto Costruzioni Generali Nigeria et la Société de Routes et Bâtiments (Soroubat) divisent. Ayant proposé une offre « moins disante » (32 milliards de FCFA HT contre 42 milliards de FCFA HT pour Soroubat), Gitto Costruzioni Generali Nigeria s’oppose aux décisions des membres de la Commission de passation des marchés. Entrée en guerre ouverte face au Maître d’Ouvrage (le Ministère des Travaux Publics), elle finit par porter le dossier devant la justice.

Fin novembre, la BAD, elle aussi accusée par l’entreprise, prend une décision forte : exclure Gitto Costruzioni Generali Nigeria. Une décision qui lui retire son « éligibilité aux appels d’offres relatifs à des projets financés par le Groupe de la Banque africaine de développement », y compris ceux de la Banque mondiale de la JICA, de l’AFD.

En plus de l’exclusion qui court jusqu’en 2026, la banque conditionne le retour à l’éligibilité de Gitto Costruzioni Generali Nigeria Limited à « la mise en œuvre d’un programme de conformité à l’intégrité conforme aux directives de la Banque après la période d’exclusion ».

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Mais Gitto Costruzioni Generali Nigeria Limited n’est pas la seule structure sanctionnée dans le cadre de cette affaire. Fin avril 2023, l’institution panafricaine marque à l’encre rouge le nom de l’entreprise Belmabrouk sur sa liste. Dans le document rendu public à l’époque, la BAD justifie sa suspension (pour 13 mois) par une enquête menée par son Bureau de l’intégrité et de la lutte contre la corruption. Enquête qui a révélé que la société tunisienne s’était livrée à des pratiques frauduleuses dans le cadre d’un appel d’offres pour l’acquisition des travaux de construction de la section Bogo-Pouss.

Sortie de crise ?

Si au Ministère des Travaux, des sources généralement dignes de foi laissent entendre qu’une prolongation des délais est attendue, elles confirment la détermination du gouvernement à achever les travaux dans les délais contractuels. Mi-janvier, sur la pression du Maître d’Ouvrage, CGCOC GROUP avait entrepris d’appliquer le travail de nuit et les jours fériés pour rattraper les retards. Une option qui a porté des résultats satisfaisants. Xinjiang Communication Construction Group Co Ltd devrait reprendre cette formule. A-t-elle vraiment le choix ? Ce 15 avril, elle a été mise en demeure par le Maître d’Ouvrage. Une mise en demeure assortie de pénalités. Elle n’a réalisé que 21% des travaux sur les 30,86 km de la section Guirvidig-Pouss en deux ans.

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