Cameroun-Prix des carburants à la pompe : Dix ans, trois ajustements, les transports plus chers, l’inflation à 7%

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1er juillet 2014. Le Cameroun, sous la pression du Fonds Monétaire International, procède à sa première réduction des subventions sur le prix des carburants à la pompe de l’ère 2010.

Cette année, selon Louis Paul MOTAZE, Secrétaire Général des services du Premier Ministre à l’époque, l’Etat est obligé d’injecter 420 milliards de FCFA pour permettre aux camerounais de consommer des carburants à prix abordables. Dans les stations-services, les affiches changent. Le prix du litre de l’essence super sur le territoire camerounais passe de 569 FCFA à 650 FCFA, alors que celui du gasoil est passé de 520 Fcfa à 600 FCFA.

« …c’est la troisième fois en 29 ans que le Cameroun connait un taux d’inflation aussi élevé après respectivement 32,5% et 9,0% en 1994 et 1995 à la suite de la dévaluation de 50% du Franc CFA intervenue le 11 janvier 1994 »


Dans son communiqué, Louis Paul MOTAZE n’annonce pas que de mauvaises nouvelles aux camerounais. La décision du gouvernement s’accompagne d’un dispositif à quatre axes, censé faire passer la pilule. « En vue de préserver le pouvoir d’achat de nos populations et d’atténuer les effets de ce réajustement sur l’économie nationale, le gouvernement a, par ailleurs, décidé des mesures suivantes : maintien du prix du pétrole à 350 FCFA ; réduction de 50 % du montant de l’impôt libératoire, de la taxe de stationnement et de la taxe à l’essieu ; revalorisation des salaires des agents publics ; début immédiat des concertations paritaires en vue de la revalorisation du Smig », écrit-il.

A fin juillet 2014, soit un mois après l’entrée en vigueur de la hausse des prix des produits pétroliers à la pompe décidée par le gouvernement camerounais, les coûts des transports grimpent. L’Institut National de la Statistique, bras séculier de l’Etat en matière de production des données statistiques, calcule +14% dans la ville de Yaoundé, et +12,6% dans la ville de Douala.

A lire : Cameroun : Le GPP veut appliquer une augmentation de 3,5 FCFA sur le carburant à la pompe – Bougna.net

Logiquement, cette hausse des prix des transports, observée dans les deux principales villes du Cameroun, entraînent une augmentation des prix à la consommation finale des ménages. Elle croit de 2,4% à Yaoundé et de 2,6% à Douala, la capitale économique du pays.

L’augmentation des prix dans les marchés, écrit l’INS à l’époque, a été plus marquée dans la ville de Douala, où « le week-end qui a suivi la hausse des prix des carburants, le sac de pomme de terre qui se vendait à 20 000 FCFA est passé à 25 000 FCFA sur le marché de gros. De même, le cageot de tomate qui coûtait 8000 FCFA est passé à 10 000 FCFA. Des fortes hausses ont été aussi enregistrées sur les autres féculents : Banane verte (17%), banane plantain (14%), patate (17%), igname blanche (11%), manioc (14%) et macabo (25%) ».

Année 2023

Février 2023, deuxième ajustement du prix des carburants à la pompe. Contrairement à l’année 2014, le gouvernement fait un passage en force. Les syndicats ne sont pas consultés, et les mesures d’accompagnement sont inexistantes.

Le pays qui sort de deux années de crises, marquées par la crise sanitaire mondiale et la crise russo-ukrainienne ne semble pas prêt à prendre en charge les revendications légitimes des partenaires sociaux. Seule concession accordée, le prix du transport par taxi, qui passe de 250 FCFA à 300 FCFA pour le ramassage de nuit. Dans les autres segments comme le transport routier de marchandises, les opérateurs répercutent chacun à son niveau les effets de la hausse.

A lire : Ibrahima YAYA (Pdt GTTC) : « Nous n’avons pas été consultés avant l’augmentation des prix du carburant à la pompe » – Bougna.net

Dans les marchés, l’inflation grimpe. 7,8% en moyenne, calcule l’Institut National de la Statistique sur les neuf premiers mois de l’année 2023. « Au cours des neuf premiers mois de l’année 2023, les prix à la consommation finale des ménages ont enregistré une augmentation de 7,8 % en glissement annuel. L’inflation globale, qui a régulièrement augmenté depuis le début d’année, se chiffre à 7,75%, tombant d’un pic de 7,82 % en août 2023. Il y a un an, la hausse était de 5 % », compare l’INS dans son rapport sur l’« évolution de l’inflation au cours des neuf premiers mois de l’année 2023 ».

« Cette augmentation est principalement due à la hausse des prix des produits alimentaires et des transports, avec des taux d’inflation respectifs de 12,8% et 11,5% », ajoute l’institut.

A fin septembre, soit sept mois seulement après l’ajustement du prix des carburants à la pompe, l’INS a observé une progression « des prix des produits alimentaires, qui ont connu une progression en moyenne annuelle de 12,8 %, principalement en raison de l’augmentation notable des prix des pains et céréales (+11,9 %), des huiles et graisses (+16,4 %) ainsi que des poissons et fruits de mer (+12,4 %). Aussi, les prix des légumes (+18,0 %), des viandes (+6,5 %), des produits laitiers, fromages et œufs (+12,4 %), des articles tels que le sucre, la confiture, le miel, le chocolat et la confiserie (+8,3 %) ainsi que des fruits (+11,0 %) ont connu une hausse », peut-on lire dans le même rapport.

Niveau inflationniste de la dévaluation

Dans son rapport sur l’« évolution de l’inflation en 2023 et perspectives pour 2024 », l’INS s’inquiète de ces tensions inflationnistes. « Pour mémoire, c’est la troisième fois en 29 ans que le Cameroun connait un taux d’inflation aussi élevé après respectivement 32,5% et 9,0% en 1994 et 1995 à la suite de la dévaluation de 50% du Franc CFA intervenue le 11 janvier 1994 », peut-on y lire.

Lire aussi : Hausse envisagée des prix du carburant : Des transporteurs saisissent Paul BIYA – Bougna.net

« Ce sont surtout les prix des produits alimentaires et les coûts des transports qui ont contribué à cette flambée inflationniste. Sur les trois dernières années 2021 à 2023, l’inflation cumulée a atteint 16,7% ; résultant d’une forte augmentation des prix à la consommation en 2022 et 2023, après plus d’une décennie de stabilité entre 2009 et 2021 au cours de laquelle le taux d’inflation n’avait pas dépassé 3%. Pour l’année 2023, cette inflation découle de divers facteurs à la fois nationaux et internationaux : Au niveau national, la réduction des subventions sur les prix des hydrocarbures, les perturbations climatiques et les défis sécuritaires, en particulier dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ont contribué à alimenter l’inflation », conclut l’INS.

Année 2024

Pour ce troisième ajustement des prix en dix ans, le gouvernement semble avoir appris les leçons du passé. Après la hausse des prix des carburants à la pompe (+13,09% pour le Super et +6,40% pour le gasoil), une batterie de mesures a été prise. La première porte sur la réduction des coûts sur le portefeuille des agents de l’Etat et des salariés assurés à la CNPS.

A partir de ce 22 février, une augmentation de 5% sera appliquée sur le salaire de base des personnels de l’Etat. A cela, s’ajoute la revalorisation des allocations familiales. La somme de 4 500 FCFA sera désormais reversée aux pensionnés de la CNPS par mois par enfant.

Lire aussi : Hausse du prix des carburants : Les transporteurs obtiennent des mesures d’accompagnement et lèvent leur mot d’ordre de grève – Bougna.net

Dans le secteur des transports, le gouvernement a trouvé un terrain d’entente avec les syndicats. Revalorisation des tarifs de transport massif routier de 15% ; notification du contrat type de transport de carburant et des produits dérivés ; revalorisation du poste livraison ville des produits pétroliers à hauteur de 15% par rapport au poids du carburant dans ledit poste ; encadrement et revalorisation des prix planchers du transport des marchandises négociés d’accord-parties entre les transporteurs, les bailleurs de fret et le CNCC à hauteur de 15% en fonction de la nature du fret sont quelques-unes des mesures prises par l’Etat.

Il est difficile, pour l’instant, d’évaluer l’impact de ces mesures sur le panier de la ménagère. Mais le contexte économique tendu, la mauvaise qualité des infrastructures routières et la crise énergétique de ces derniers mois pourraient doucher tous les espoirs du gouvernement.

Frégist Bertrand TCHOUTA

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