Cyrus Ngo’o : « Le tissu économique a perdu 200 milliards de FCFA sur l’autel des intérêts personnels »

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Vous avez pris part à un séminaire sur la mise en œuvre des recommandations de Ndjamena. Quelle a été l’importance du séminaire organisé à Douala en début de semaine dernière ?

Le principal objectif de cet atelier était de nous permettre de mesurer l’état de mise en œuvre des recommandations adoptées à Ndjamena en décembre dernier, à l’issue du 2e forum tripartite Cameroun-Rca-Tchad sur la facilitation du transit des marchandises à travers les ports de Douala et de Kribi.

Ce n’est plus un secret pour personne, la côte atlantique ouest africaine est devenue le théâtre d’une concurrence inter-portuaire sévère. Si notre pays pouvait, il y a encore quelques années, se considérer comme la porte d’entrée naturelle de la sous-région, cela n’est plus une certitude aujourd’hui, car plusieurs données ont évolué.

Tous les experts du secteur ont certainement noté que de nombreux ports se sont développés dans des intervalles géométriques très courts pour desservir quasiment les mêmes hinterlands. À cela, il faut ajouter l’apparition de nouveaux réseaux et corridors routiers.

 

De manière concrète, quelles estimations faites-vous des pertes enregistrées du fait de cette situation ?

La côte et le corridor nationaux ont perdu plus de 600 000 tonnes de marchandises en transit depuis 2014. Même si la chute du prix du baril de pétrole y est pour quelque chose, il n’en demeure pas moins qu’une telle chute du trafic en transit représente près de 200 milliards de FCFA, prestations portuaires et transport compris.

Si on s’en tient aux plaintes des transporteurs, ces 600 milles tonnes équivalent à 20 milles conteneurs de 40 pieds, qui auraient déserté notre corridor, à cause, en grande partie, des tracasseries évaluées à 140 000 FCFA par voyage, soit 2 milliards de FCFA entrés dans des poches privées.

En clair, le tissu économique a perdu 200 milliards de FCFA sur l’autel des intérêts personnels! Ce triste constat nous interpelle ! Il établit que chaque fois que certains se déploient pour privilégier leurs intérêts personnels, l’économie nationale paie 70 fois la valeur de leurs combines !

 

En tant que principale place portuaire du Cameroun, le Port de Douala apparaît comme la première victime de cette concurrence. Qu’est-ce qui est fait pour conserver le statut de destination privilégié qui semble quitter votre place portuaire ?

Même si la côte camerounaise reste la plus proche pour notre hinterland sous-régional, il n’en demeure pas moins que toutes les nouvelles opportunités qui sont apparues entretemps constituent des offres d’évacuation alternatives pour les chargeurs et les armateurs vers l’atlantique.

L’heure est donc à l’émulation. Seules les côtes maritimes et les corridors nationaux qui disposeront de bonnes infrastructures, qui déploieront les meilleures procédures, qui auront des tarifs compétitifs et feront montre d’un service en constante amélioration, gagneront, conserveront et augmenteront leur part de marché. Cette émulation se mesure depuis le premier agent camerounais à la frontière, jusqu’au dernier avant l’embarquement dans un navire mouillant dans l’un des ports camerounais.

Le réquisitoire que nous avons subi à Ndjamena en décembre dernier, puis à Bangui en février de cette année, nous interpelle tous. Il convient de préciser que ce réquisitoire n’est pas seulement celui de nos frères Tchadiens et Centrafricains. Il est aussi celui des chargeurs Camerounais. Nous devons donc tous changer nos façons de faire. Il nous faut améliorer la qualité des services offerts à nos clients. Il s’agit là d’un impératif de survie.

 

Quel crédit peut-on donner aux travaux qui viennent de s’achever à Douala ?

Tout au long de ces trois jours, nous nous sommes remis en question en toute humilité et sans complaisance. Je remercie et félicite tous les participants pour leur présence et leurs contributions très constructives. Les engagements dégagés et réitérés au cours de ces travaux sont à la mesure des enjeux. Nos ports et corridors doivent fonctionner de manière optimale, au risque pour nous tous de perdre des chiffres d’affaires.

Nous avons fait des propositions, compilées sous la forme d’une stratégie de réadaptation de notre offre de service, nous espérons que le gouvernement y trouvera des mesures efficaces qui répondraient à la question que nous a posé le Gouvernement. Celle de savoir ce qui peut être fait, pour garder les trafics qui transitent par nos ports et corridors et d’en conquérir de nouveaux.

Extraits du Discours d’ouverture du Dg du PAD

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