Après sa victoire dans le combat qu’elle menait depuis 2015 pour le retour en grâce des aéroports du Cameroun aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), Assoumou Koki Paule, la Directrice générale de l’Autorité de l’aéronautique civile (CCAA) vient de reprendre son vol. Direction, les villages environnants des aéroports du Cameroun. Objectif : leur présenter le projet de sécurisation des réserves foncières des zones aéroportuaires. Simplement, il s’agit, dans cette campagne lancée il y a quelques jours, de demander aux populations riveraines de cesser d’utiliser le terrain des aéroports à des fins agricoles, d’y construire leurs maisons, ou d’y faire paitre leurs animaux. Dit ainsi, la mission semble gagnée d’avance. Mais pour les populations vivant autour des aéroports, ce n’est pas si facile que ça. Le 14 février dernier, en pleine célébration de la fête de la Saint Valentin, la Directrice générale de la CCAA était à la rencontre des populations riveraines de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la séance de travail présidée par le ministre des Transports, Jean Ernest Masséna Ngalle Bibehe (il repartira après la cérémonie protocolaire) a montré le niveau de désamour qui existe entre le projet porté par la « belle » DG et les villageois. Le principal blocage de cette sorte de…foyer que la DG souhaite construire porte sur le statut de certaines familles qui revendiquent la propriété foncière de certains lopins classés propriété privée de l’aéroport. A ces hommes et femmes parfois surexcités, la DG tient un langage simple. « On a l’impression que lorsqu’on a déjà construit l’aéroport, on a la piste et son aérogare, tous les terrains autour sont libres, puisqu’ils sont là », déclare Assoumou Koki Paule. Aux populations de Nsimalen, la DG pose les conditions de la cohabitation. « …même s’il y a des terrains autour de l’aéroport, ils sont prévus pour des raisons de développement de l’aéroport, mais aussi de sécurité et de sûreté ». Entre deux voyages, la « Gendarmette » de l’aviation civile au Cameroun a bien voulu entrer dans notre bougna. Dans cette interview, elle présente le projet de préservation des réserves foncières des aéroports, et montre l’urgence de sa mise en œuvre.
Vous avez lancé, dans la zone aéroportuaire de Nsimalen, un atelier de sensibilisation des populations riveraines sur les questions de préservation des réserves foncières. C’était quoi le message ? Leur demander de ne pas construire sur leur terrain ? Ou leur demander de respecter le terrain de l’aéroport ?
Nous avons effectivement passé une journée avec les populations riveraines de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen le 14 février dernier. Cet atelier était présidé par monsieur le ministre des Transports, qui nous a honorés de sa présence, et qui a passé un message fort aux populations riveraines. Pour revenir à votre question, il s’agit effectivement des différentes activités que les populations environnantes viennent mener autour des aéroports, parce qu’elles voient des terrains apparemment inoccupés. Or nous sommes vraiment allés à la rencontre de ces populations pour leur expliquer le concept de réserves foncières autour des aéroports. Ce concept n’est pas bien connu. On a l’impression que lorsqu’on a déjà construit l’aéroport, on a la piste et son aérogare, tous les terrains autour sont libres, puisqu’ils sont là. Ce qui n’est pas vrai. Les populations doivent savoir qu’un aéroport se planifie sur un très long terme. Un aéroport ne déménage pas. Il s’étend à partir de son point initial. Nous venons expliquer aux populations que même s’il y a des terrains autour de l’aéroport, ils sont prévus pour des raisons de développement de l’aéroport, mais aussi de sécurité et de sûreté.
Concrètement, madame la Directrice générale, qu’est-ce qui fait problème ? Mener une activité agricole sur un terrain nu ou y faire paitre ses bêtes. En quoi tout ceci peut-il être aussi nuisible pour les avions ?
Même si les populations n’occupent pas forcément le terrain, elles mènent parfois des activités comme les champs, ou comme lieu de pâturage pour leurs bétails. Ça aussi c’est une vraie menace pour les aéroports. Si nous avons des cultures vivrières autour des aéroports, il y a une attraction d’oiseaux. Si nous avons des ordures ménagères, il y a une attraction d’oiseaux. On sait bien que les oiseaux constituent une menace majeure pour la sécurité de l’aviation. Si les populations pratiquent l’élevage, on a des périls animaliers. Parfois, les animaux traversent. Ce sont toutes ces activités des populations trop proches des aéroports qui gênent énormément l’aviation civile.
Face aux populations, qui, parfois, considèrent ces réserves foncières comme étant leur patrimoine, quels arguments juridiques utilisez-vous pour leur permettre de comprendre de quoi il s’agit ?
Vous devez savoir que le Cameroun s’est engagé par la loi N°2003/010 du 24 juillet 2003 portant régime de l’aviation civile au Cameroun, à organiser l’exercice des activités de l’aéronautique civile et entre autres, à garantir une utilisation rationnelle et efficiente de l’infrastructure aéronautique et de l’espace aérien.
En conséquence, l’application de cette loi et des actes réglementaires qui en découlent (notamment le décret N2009/0001 du 22 janvier 2009 fixant l’organisation du patrimoine aéronautique national et ses modalités de gestion) définissent le patrimoine aéronautique comme un ensemble de biens matériels et immatériels acquis ou réalisés par l’Etat dans le secteur de l’aéronautique civil. C’est ainsi que l’autorité aéronautique assure, pour le compte de l’Etat, la gestion, l’exploitation, le contrôle, la modernisation, et le développement du patrimoine aéronautique. Parmi lequel figurent l’ensemble des domaines aéroportuaires nationaux.
Qu’est-ce qui justifie l’urgence que le gouvernement accorde à la préservation des réserves foncières aujourd’hui ?
En 2015, un rapport d’audit de l’OACI classait les aéroports internationaux du Cameroun, à l’instar de celui de Yaoundé-Nsimalen comme à haut risque en raison des intrusions de la population sur la piste d’atterrissage ainsi que l’envahissement des réserves foncières de ces aéroports. Si le niveau de risque a été réduit depuis, la situation ne reste pas moins préoccupante tant pour la sécurité de la navigation aérienne que pour la sûreté des activités sur ces plateformes. Notamment à cause du morcellement et de la vente des parcelles de terrains faisant partie du domaine foncier de ces aéroports. Et de la présence illégale de ces populations sur les parcelles desdits domaines même ceux déjà couverts par des titres fonciers.
Le problème de la sécurisation des réserves foncières n’est pas spécifique à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen. Il est connu aussi à Douala, à Garoua, et ailleurs. Par rapport à la dernière mission de l’Organisation de l’Aviation civile au Cameroun, qu’est-ce qui a changé ?
Par rapport à la dernière mission de l’OACI, ça s’est très bien passé. Nous avons pu, au niveau de Douala, avoir un dialogue avec les populations et créer des zones de dégagement. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il faut continuer à pousser, voir les zones critiques pour la sécurité et la sûreté, et travailler avec les populations pour qu’elles le comprennent. Pour qu’elles comprennent que c’est pour leur bien. C’est sur cela que nous voulons insister. Il y a des zones critiques où les populations ne doivent pas être. Parce qu’en cas d’accident, en cas d’incident, elles seront les premières victimes de ces accidents. Nous voulons leur montrer cela de façon saine. Nous voulons aussi leur expliquer pourquoi nous avons besoin de réserves foncières pour le développement de l’aéroport qui est vital pour nous tous à long terme.
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