Soulagement, grande fierté, reconnaissance… Ce sont les trois mots qui reviennent à chaque fois dans la bouche d’Alexandre MBIAM. Le Directeur Général de Bestway Finance Ltd, qui vient de signer avec l’Etat du Cameroun l’un des contrats les plus importants de sa vie, sait très bien que le plus dur reste à venir. Dans un secteur où des géants comme Sundance Resources Ltd et Avima Iron Ore Ltd se sont cassés la gueule, il sait que les camerounais l’attendent au pied… de la mine. « Nous avons conscience du poids des responsabilités qui reposent sur nos épaules. Nous savons que maintenant que le cadre administratif est posé, tous les regards sont braqués sur nous », déclare-t-il. Avant d’ajouter que malgré les contraintes, l’objectif « de parvenir à la mise en exploitation de ces gisements du craton du Kassaï Congo (qui sont connus depuis 40 ans) reste fixé à 2025 ».
Vous venez de signer le contrat de partenariat Public-Privé avec l’Etat du Cameroun, ceci, après huit mois d’importantes et incessantes tractations. Quel est votre sentiment ?
Nous sommes heureux. Le contrat est signé après huit mois de travail. Il faut se souvenir que le MOU qu’on avait signé le 25 juin dernier couvrait une période de 12 mois. Ce délai devait nous permettre de remplir un objectif, celui de transformer le MOU en accord contraignant. On aurait pu demander un report, mais ce n’était pas ça l’objectif. C’est pour cette raison que nous sommes très heureux de signer ces accords contraignants.
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Nous avons signé un contrat PPP pour la construction et l’opération d’un chemin de fer pour une durée de 50 ans, et une concession portuaire, qui appartient au régime des concessions portuaires réglementées du port de Kribi, elle aussi pour 50 ans. Ces deux contrats nous amènent aujourd’hui à achever les études définitives techniques, et ensuite entamer le programme de construction, avec pour objectif d’être en exploitation d’ici à fin 2025.
C’est un objectif ambitieux qui permettra, pour la zone CEMAC dans son ensemble, et pour le Cameroun et le Congo en particulier, de devenir le 5e plus gros producteur de fer de la planète. Avec pour commencer un objectif d’atteindre cinq millions de tonnes par an, avec trois mines au niveau de la république du Congo (Avima, Badondo et Nabeba), et le chemin de fer de plus de 600 km reliant ces lignes-là au Port de Kribi à Lolabé, pour être précis. Ajouté à cela, le terminal minéralier que nous allons bâtir au sein dudit port.
On a observé, dès l’annonce de votre projet, en tout cas côté camerounais, une très grande implication des Etats au plus haut niveau, avec les chefs d’Etat Paul BIYA et Sassou NGUESSO. Quelle importance ces soutiens ont eu sur l’avancée de votre projet ?
Nous sommes infiniment reconnaissants, comme nous avons eu l’occasion de le dire précédemment. Envers d’abord son excellence monsieur le Président de la République, chef de l’Etat, monsieur Paul BIYA, de même que son homologue et frère de la république du Congo, monsieur Sassou NGUESSO.
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Ils ont cru à ce projet, et, de par leur leadership, et leur vision, ils ont permis à tout ceci de se réaliser en seulement un an et trois mois. Avec comme pièces maîtresses, du côté de la république du Congo, son excellence Pierre OBA, le ministre d’Etat, qui nous a fait l’honneur d’être là, et du côté de la république du Cameroun, monsieur Jean Ernest Masséna Ngalle BIBEHE.
Ce soutien des chefs d’Etat, n’a cependant pas fermé les yeux des administrations clés qui avaient notamment pour mission d’apposer leur visa sur vos études. Je pense notamment au Carpa, bras séculier de l’Etat du Cameroun, et élément incontournable dans le processus de validation et la signature des contrats de partenariat Public-privé…
C’est vrai, le long de notre parcours, nous avons rencontré des embuches, mais nous avons progressé avec le soutien local. Nous avons travaillé avec plus d’une dizaine d’administrations différentes. Nous avons par exemple été très encadrés par le CARPA, très soutenu par le PAK, et nous sommes très heureux d’avoir ces résultats positifs.
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Nous avons eu la validation des études de faisabilité en octobre dernier, l’avis de soutenance budgétaire le 27 décembre, un très beau cadeau d’ailleurs ; et le 04 janvier, nous avons eu l’éligibilité budgétaire, tout ceci avant que ne descendent les très hautes instructions du chef de l’Etat, il y a deux semaines de cela maintenant, demandant à ce que soit signé ce contrat.
Nous avons conscience du poids des responsabilités qui reposent sur nos épaules. Nous savons que maintenant que le cadre administratif est posé, tous les regards sont braqués sur nous, pour que nous délivrions enfin le résultat attendu. A savoir la mise en exploitation de ces gisements du craton du Kassaï Congo qui sont connus depuis 40 ans.
Pour beaucoup d’observateurs, le projet que vous portez est l’un des plus rapides de cette envergure signés dans ces conditions au cours du 21e siècle. Ceci, grâce au Congo qui, contrairement au Cameroun, vous a apporté le plus grand soutien. Etes-vous d’accord avec eux ?
Je rends profondément hommage à l’administration de la république du Congo, qui, en trois mois et demi, nous a fait signer trois permis d’exploitation d’une durée de 25 ans, et trois conventions minières excessivement attractives du point de vue fiscal. 12 ans d’exonération d’impôts sur le bénéfice à partir de la première année de production ; 12 ans d’exonération de retenue à la source ; un impôt sur le dividende de 0,5%, et surtout le droit d’exporter initialement en passant par la république du Cameroun. Tout ceci en trois mois et demi seulement.
Mais je ne saurai éclipser l’autre côté, la république du Cameroun, qui, tout en menant les due diligence les plus avancées, est parvenu, en huit mois seulement, à transformer les accords de principe en accords contraignants. Effectivement, je le dis humblement. C’est un record de vitesse. Et ce record de vitesse est dû à la qualité des administrations qui nous ont suivies. Je pense que c’est ici la démonstration que lorsqu’on le veut, avec ces administrations, on le peut.
Au-delà des questions purement administratives, il reste que vous entrez dans un marché très complexe, avec un cours du fer qui subit des fluctuations vertigineuses. Lorsque vous avez signé le contrat en juillet dernier, le cours du fer était à 215 dollars. Il est descendu à 80 dollars en septembre, puis, a connu plusieurs hausses et chutes, pour s’établir aujourd’hui à 140 dollars. Pour vous qui avez bâti votre projet autour d’un cours du fer à 80 dollars, ces fluctuations ne vous inquiètent-elles pas ?
A partir du 31 juillet, effectivement, nous avons observé une chute vertigineuse du cours du fer. Nous sommes passés de plus de 215 dollars la tonne, à moins de 80 dollars en fin septembre. C’était sous l’impact de la politique chinoise visant à réduire les émissions, et à protéger l’environnement. Et pour ce faire, ils ont figé la production en acier pour l’année 2021 au même niveau que celle de 2020. Or il y avait eu un gros accroissement de plus de 12% durant le premier semestre de 2021. Ce qui a forcé, pour le deuxième semestre, pour arriver au même niveau qu’en 2020, à diminuer la production de près de 25%.
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C’est ce qui a entraîné une chute vertigineuse du prix de la première commodité utilisée pour fabriquer de l’acier, à savoir le fer. Derrière, il y a eu la crise immobilière que nous connaissons du côté de la République populaire de Chine. Tout cela a entraîné des pressions à la baisse sur le fer, qui a atteint en octobre moins de 90 dollars la tonne, avant de se redresser aujourd’hui autour de 140 dollars la tonne.
Nous sommes confiants par rapport au projet. Bien que c’est vrai, notre modèle économique nous permet d’envisager les choses sereinement jusqu’à 80 dollars la tonne.
Quand pensez-vous donner le premier coup de pioche sur ce projet ?
Nous avons comme ambition de commencer la construction du projet dès cette année. Ça vous montre le degré de confiance que nous avons vis-à-vis des différents partenaires du consortium. Ça montre aussi le niveau de confiance que nous avons, ajouté à l’importance économique et géopolitique de ce projet pour l’ensemble des trois nations.
Interview avec Frégist Bertrand TCHOUTA
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