Jean-Claude TOUKAM : Le Secteur des Douanes de l’Adamaoua est le « nombril » de la Direction générale des Douanes

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Jean-Marie TOUKAM, chef du Secteur des Douanes de l'Adamaoua

Le patron de l’administration des Douanes dans l’Adamaoua analyse le rôle de premier plan que joue ce secteur, notamment en matière de lutte contre la contrebande. Un rôle hérité de manière naturelle, dans cette zone tampon entre la République centrafricaine et le Tchad, et la région du Centre du Cameroun.

Monsieur le Chef du secteur des Douanes, l’actualité la plus récente dans votre territoire de supervision est cristallisée par la visite du Directeur Général des Douanes. Une visite qui a permis au patron de la Douane de toucher du doigt votre quotidien. Quels sont les temps forts de cette visite ?

Permettez-moi d’abord de vous faire une présentation globale du Secteur des Douanes de l’Adamaoua. C’est un secteur qui fait partie des 12 secteurs des Douanes du Cameroun. Son périmètre de compétence englobe la superficie de la région de l’Adamaoua. C’est la deuxième ou troisième région la plus vaste, après la région de l’Est. C’est un secteur que nous avons le bonheur de manager depuis notre nomination ici le 08 juillet 2020. Nous essayons de remplir aussi efficacement que possible les objectifs assignés par notre hiérarchie.

Sur la visite de monsieur le Directeur général, elle fait partie de nos principaux temps forts professionnels. Depuis que je suis à la tête de ce secteur, c’est la toute première fois que j’ai l’opportunité d’accueillir, dans mon unité, monsieur le Directeur Général, pour une visite de travail. C’est une visite historique, extrêmement importante, c’est une visite qui nous a permis d’avancer significativement dans les objectifs du secteur.

Monsieur le Directeur Général des Douanes a présenté ses civilités à monsieur le Gouverneur de la région de l’Adamaoua, monsieur le Préfet de la Mvina, aux FDS avec qui nous travaillons en étroite collaboration, à monsieur le Maire de la ville de Ngaoundéré et à Sa Majesté le Lamido de Ngaoundéré.

Un mot sur Sa Majesté le Lamido de Ngaoundéré, permettez-moi de vous rappeler que le terrain où se trouve actuellement le siège du secteur des Douanes de Ngaoundéré a été gracieusement offert à l’administration des Douanes par sa Majesté le Lamido. Le chantier de ce secteur a été réalisé par Sa Majesté. C’est lui qui assurait la maîtrise d’ouvrage. L’architecture de cette infrastructure est la vitrine de la DGD. C’est le plan standard de tous les autres secteurs.

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Sur le plan interne, monsieur le Directeur Général des Douanes a tenu plusieurs séances de travail avec ses collaborateurs que nous sommes. Il a touché du doigt nos réalités, et nous a félicités, notamment sur nos performances.

Cette visite a enfin permis à monsieur le Directeur Général de faire certains arbitrages sur certains dossiers pour lesquels son arbitrage était sollicité. Il nous a également fait des promesses. Au niveau de Banyo, il a promis la construction du Bureau principal des Douanes hors Classe de Banyo. C’est la bureau phare de l’Adamaoua en termes de mobilisation des recettes. Ce bureau produit environ 50% des recettes.

Le Directeur Général a également mentionné un point très important, celui du port sec.

Parlant du Port sec, le projet est annoncé depuis trois ans, mais n’est toujours pas réalisé. Qu’est-ce qui bloque ?

Il n’y a pas très longtemps, monsieur le Ministre des Finances faisait une annonce au sujet de cette infrastructure. Au cours de son périple, monsieur le Directeur général a tenu à rassurer tous les acteurs de ce que le projet n’est pas mort-né.

La réalité, et monsieur le Directeur général l’a expliqué, c’est que ce n’est pas le ministère des Finances, ni la Direction générale des Douanes qui dote une ville de ce genre d’infrastructure. C’est le ministère de l’Economie. Mais il a rassuré les acteurs de ce que monsieur le Ministre des Finances fait tout ce qui est possible pour que ce projet avance, et que les gens n’aient pas l’impression qu’on leur vend du vent.

Pourquoi ce projet cristallise-t-il autant d’attention ? Quels sont les enjeux ?

Les populations attendent ce port sec avec beaucoup de patience. C’est un ouvrage qui va transformer totalement le visage de la ville de Ngaoundéré. Pour répondre à votre question sur les enjeux, lorsque les marchandises du grand Nord vont débarquer aux ports de Douala et de Kribi, elles seront acheminées à Ngaoundéré avec le statut de marchandises sous douane. C’est ici à Ngaoundéré que vont débuter les procédures de dédouanement.

C’est une révolution au niveau du fonctionnement de l’administration des Douanes. Permettre à ce que les marchandises à destination du grand Nord puissent traverser simplement. Il y aura d’autres avantages en termes de décongestion du port de Douala par exemple, et la fluidification du trafic vers Ngaoundéré. C’est donc à partir du port sec de Ngaoundéré que ces marchandises seront prises en charge, dédouanées, et acheminées. Vous voyez donc toutes les activités connexes (manutention, transport, etc.). Ça va booster le développement et du grand Nord en général, et de Ngaoundéré en particulier.

Sa Majesté a même fait une proposition qui a été transmise à la hiérarchie, et est actuellement en étude. Cette proposition est celle de savoir s’il n’est pas possible, en l’état actuel des choses, d’utiliser les installations de la base logistique de Ngaoundéré comme projet. Cette doléance a été enregistrée, et insérée dans le rapport qui a été produit. Il est question d’étudier cette doléance, pour notamment rassurer les populations.

Pourquoi ? N’est-on pas certain de construire un port sec à Ngaoundéré ?

La problématique aujourd’hui c’est que depuis que le projet de construction d’un port sec a été annoncé à Ngaoundéré, toutes les localités se positionnent pour obtenir cette infrastructure. Aujourd’hui, il y a comme une sorte de compétition entre les localités. Pourtant, Ngaoundéré présente tous les avantages sur les plans historique et géographique. Sur le plan géographique, Ngaoundéré offre la meilleure position en termes stratégique et opérationnel pour abriter un port sec.

Dans les grands groupes d’entreprises, c’est au premier trimestre que les bilans annuels sont rendus publics. A la Direction Générale des Douanes, on est fidèle à cette règle. D’ailleurs, au mois d’avril, cette administration a rendu publics les bilans de certains secteurs des Douanes, en matière de collecte des recettes douanières. Quelle est la situation au secteur des Douanes de l’Adamaoua ?

L’administration des Douanes travaille sur le modèle des entreprises privées. Ce n’est pas une affaire d’aujourd’hui, ça se fait depuis 10 à 15 ans, que nous parlons de gestion par objectifs. Nous travaillons sur la base des indicateurs. Nous sommes évalués périodiquement. Un exemple, avec l’avènement de CAMCIS, la Direction a les chiffres au jour-le-jour. Vous vous levez le matin, dans le forum de l’administration, vous avez le taux de réalisation. Vous pouvez voir votre classement. Pour moi, c’est une bonne chose.

Pour revenir à votre question, 2022 a été extrêmement difficile pour nous. Mais pour mieux comprendre, permettez-moi de remonter à 2020. Lorsque nous prenons fonction au secteur des Douanes de l’Adamaoua le 08 juillet 2020, les conditions sont assez difficiles. Le monde traverse une crise sanitaire. Au premier semestre 2020, le secteur des Douanes n’avait réalisé que 35% de ses objectifs, notamment du fait de la fermeture des frontières. Je dois vous rappeler que la mobilisation des recettes est liée au volume des importations.

Nous avons pris le taureau par les cornes. De juillet à décembre 2020, nous avons fait 135% des objectifs. En 2021, la même tendance haussière a été maintenue, nous avons également fait plus de 100%. Cela nous a valu une lettre de félicitations de monsieur le Ministre des Finances, de monsieur le Directeur général, et de monsieur le gouverneur de la région de l’Adamaoua.

Pour l’année 2022, nous avons pris un très mauvais départ. Nous avons clôturé le premier trimestre avec un taux de 30%. Nous avons pris des mesures, notamment en renforçant le partenariat avec les pays voisins. Mais cela ne nous a pas permis d’atteindre nos objectifs de mobilisation des recettes. Nous avons terminé entre 85 et 90% des objectifs.

Pour 2023, la Direction Générale des Douanes a pour objectif de collecter plus de 1024 milliards de FCFA. Au premier trimestre, quel bilan faites-vous du secteur des Douanes de l’Adamaoua ?

Sur le premier trimestre, nous n’avons pas atteint les prévisions. Nous sommes à environ 80%. Pour être plus précis, nous avons collecté environ 2011,975 millions de FCFA. Il y a une marge que nous allons tout faire pour combler. Ces données ne concernent que les recettes budgétaires. On atteint les 311 millions de FCFA, s’il faut tenir compte des recettes non-budgétaires.

Un segment sur lequel vous avez souvent brillé, c’est la lutte contre la contrebande et les trafics illicites. Parmi les saisies les plus marquantes, nous avons le souvenir des saisies de véhicules pendant la CAN, des produits pharmaceutiques de contrebande, du carburant. Quel est votre secret ?

Parler de secret c’est peut-être trop dire. Ce qu’il y a lieu de comprendre, c’est que l’administration des Douanes, en dehors des missions fiscales dont nous venons de parler, a d’autres missions pas moins importantes. Notamment la mission sécuritaire, la mission de surveillance, la mission de protection de l’espace économique régional.

S’agissant de cette mission de protection de l’espace économique, il faut prendre en compte la position géographique de la région de l’Adamaoua. Cette région est le nombril du Cameroun, elle est au Centre du pays. C’est le point de jonction entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest. Autre chose, l’Adamaoua partage ses frontières avec trois pays. Le Nigéria à l’Ouest, le Tchad et la RCA à l’Est. Quand j’ai dit cela, vous comprenez que à partir de sa simple position géographique, il y a une forte circulation des marchandises dans l’Adamaoua. Dans ces marchandises il y en a des licites et des illicites. Cette activité attire les trafics de toutes sortes.

Le Secteur des Douanes de l’Adamaoua se doit donc d’être performant, en matière de sécurisation. Ici, au-delà de la mission de collecte des recettes douanières, la surveillance est au cœur du secteur. Nous sommes très conscients de cela, c’est pour cela que nous travaillons en étroite collaboration avec les FMO. Cet appui nous permet de résoudre un problème commun. Celui de l’insuffisance des effectifs, l’insuffisance des moyens de locomotion et de lutte, etc.

C’est pourquoi, quand vous traversez la ville, vous trouvez des postes de contrôle mixte, pour ce qui est des postes fixes, pour les patrouilles, nous les associons également. Tout ceci sous la coordination de monsieur le gouverneur de la région de l’Adamaoua.

Autre précision. La mission HALCOMI, dont l’Adamaoua fait partie de la zone 3 nous aide énormément. A mon arrivée, l’Adamaoua a été particulièrement vernie. Mes deux collaborateurs immédiats : le Commandant du Groupement actif et son adjoint étaient des coordonnateurs et rapporteurs des missions HALCOMI à Garoua.

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Donc le secteur, à travers ses unités classiques, à l’instar du groupement des Douanes de l’Adamaoua (qui a des subdivisions, des unités mobiles etc.), en plus de l’action des deux antennes de HALCOMI dans l’Adamaoua (l’une à Ngaoundéré et l’autre à Banyo), fait des efforts pour quadriller la zone.

Notre principal poste de contrôle est celui de Tchabal, situé sur l’axe Garoua-Ngaoundéré. Ngaoundéré ayant une forme géographique similaire à un entonnoir, ce poste est stratégique en ce sens que personne ne peut quitter le Nord pour l’Adamaoua sans passer par Tchabal. Pour moi, si tout est bien fait, rien ne doit échapper au contrôle douanier au poste de Tchabal. C’est le point sensible des saisies des marchandises, c’est là où tout se joue.

Evidemment, nous avons d’autres postes de contrôle, en fonction de l’entrée. Par exemple, sur l’axe Tibati et l’axe de Meiganga. Ce maillage du territoire est très efficace dans la lutte contre la contrebande et les trafics illicites. Ce qui met souvent nos éléments sur le terrain face à des attaques. Il y a des gens qui organisent la fraude, la contrebande, en faisant des franchissements forcés. Ils lancent des attaques frontales contre les unités parce qu’ils veulent à tout prix passer avec leurs marchandises.

Un exemple. En 2021, au poste de contrôle de Selou Semba, dans l’arrondissement de Mbey, à l’entrée de la région, des contrebandiers, à bord des motocyclettes chargées de marchandises, tels une armée, ont fait ce qu’on appelle un franchissement de vive force. Nous avons réussi à capturer quelques-uns, les motocyclettes ont été gardées. A deux heures du matin, ils sont revenus tenter de rentrer en possession de leurs biens. Il a fallu l’intervention du Bataillon d’intervention Rapide (BIR) pour que mes éléments aient la vie sauve.

Là, vous venez d’expliquer comment fonctionne le maillage. Avez-vous quelques exemples forts, de saisies réalisées, qui peuvent être mis en valeur ?

Sur le plan des résultats, ils sont parlants. Il y a deux ou trois ans, nous avons effectué des saisies d’engins explosifs improvisés. Ces saisies ont été fortement médiatisées, et ont amené la hiérarchie à avoir un nouveau regard sur la Douane. Il y a les saisies récentes d’armes blanches (les couteaux, les machettes). S’il est vrai que nous faisons des saisies tous les jours, je considère ces deux saisies comme des saisies emblématiques, à travers le mode opératoire des contrebandiers et des unités des Douanes, mais aussi à travers la nature de la saisie.

Les réseaux sont extrêmement ingénieux en termes de modes opératoires. Et c’est à nous de les démanteler. Et ceci passe nécessairement par le renseignement.

Malgré cette intense activité de lutte contre la contrebande, il reste que les marchandises licites doivent circuler. Le transit, doit rester fluide…

Sur ce sujet, vous constaterez que le Transcamerounais qui part de Douala, j’allais aussi dire de Kribi maintenant, a pour point de chute Ngaoundéré. Vous savez, la voie ferrée constitue l’une des voies privilégiées du transport des marchandises, parce que les volumes sont plus importants que le transport routier. Le transit est un régime douanier qui permet au Cameroun d’aider les pays frères qui n’ont pas de littoral. Il s’agit de faire traverser des marchandises sur notre territoire le plus facilement possible.

Ces marchandises qui vont dans ces deux pays en général sont sous douane. Le régime du droit commun veut que lorsqu’une marchandise arrive, et qu’elle traverse la frontière maritime, elle doit payer les droits de douane. Quand elles sont en transit, pour le cas d’espèce, les droits de douane ont été suspendus. Ça veut dire qu’il y a un risque. Au cas où ces marchandises sont déversées, l’Etat camerounais aura perdu ses droits de douane.

L’enjeu est celui-là. Comment sécuriser le transit, pour qu’il passe jusqu’à destination, et en même temps, comment faciliter les opérations. C’est notre challenge. Ici, à Ngaoundéré, nous connaissons plus de difficultés dans le transport multimodal : voies ferrées, voies routières. Il y a beaucoup d’acteurs (BGFT, Camrail, transporteurs, CAD…) qui interviennent dans la chaîne, et ils n’ont parfois pas le même professionnalisme et les mêmes intérêts.

Pour mettre tout ça en musique, nous avons créé un Comité de Suivi des disfonctionnements de la plateforme. Ce comité réunit tous ces acteurs-là, et est présidé par le Chef du Secteur des Douanes. Il nous permet de répondre rapidement à une difficulté qui se pose sur le terrain. Ce comité, à travers les foras créés sur la plateforme WhatsApp, a permis de décanter au moins 50% des goulots d’étranglement. Ça nous a également permis de résoudre la problématique des faux frais.

Lorsqu’on vous écoute parler des saisies, de l’organisation de cette région carrefour en termes de facilitation et fluidification du transit, en termes de collecte des recettes douanières, on a l’impression que le secteur des Douanes de l’Adamaoua est le bébé bien nourri de l’administration des Douanes. Notre impression est-elle la bonne ?

En termes d’infrastructures, nous n’avons pas à nous plaindre. Nous avons un beau bâtiment, un complexe sportif avec des stades de football, de volleyball, de handball. Nous connaissons par contre quelques difficultés au niveau des effectifs, des moyens de locomotion, etc.

Ce n’est pas parce que nous n’en avons pas que nous ne travaillons pas. En tant que manager, je ne suis pas quelqu’un qui aime se plaindre. Je suis plutôt du genre à trouver des solutions aux difficultés rencontrées. Si nous avons une opération à réaliser à Meiganga, et que nos équipements ne sont pas disponibles, il nous arrive de louer un véhicule.

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