Port Autonome de Douala: Cyrus NGO’O, la justice et la justesse

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Cyrus NGO'O, Directeur Général du Port Autonome de Douala

On ne parle pas beaucoup d’Opération Epervier, dans ce qu’on peut désormais appeler l’« Affaire Cyrus NGO’O ». Pourtant, à y voir de près, tous les éléments sont réunis pour un juste classement de cette affaire d’Etat dans le cadre de la très célèbre opération de traque des mauvais gestionnaires de la fortune publique. Les soupçons de détournement de deniers publics, le poids de l’entreprise dans l’économie nationale, l’intérêt médiatique du présumé coupable, les montants mis en jeu, etc.

La justice

Ce qui rend le cas Cyrus NGO’O encore plus piquant, c’est qu’avant de répondre pour la première fois à une convocation du Tribunal Criminel Spécial (TCS), le Directeur Général du Port Autonome de Douala (et/ou ses avocats) avaient déjà pris l’habitude d’arpenter les couloirs des tribunaux…

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Dans la désormais longue série avec le consortium Bolloré/APM sur le Terminal à conteneurs du Port de Douala-Bonabéri. Où on observe une certaine incohérence dans les décisions de justice. Des décisions redues contre le PAD dans les juridictions nationales (Tribunal administratif du Littoral, Chambre administrative de la Cour Suprême). Qui ne sont pas tout à fait partagées par la Cour Commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA

Il y a aussi cette autre affaire, plus récente, au Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo, où Nassar Bou Hadir, Directeur Général de CANA BOIS Sarl, a obtenu la condamnation, du Directeur Général du PAD, à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant cinq ans. Décision à laquelle le PAD devrait faire appel…

Acharnement

Mais de tous ses passages devant les juges, celui du 18 août dernier devant le TCS a permis d’observer (au-delà des enquêtes du TCS) une stratégie élaborée pour couler Cyrus NGO’O, au moins sur le plan médiatique. Une stratégie appuyée sur le long interrogatoire (plus de 10 heures), et la diffusion des rumeurs.

Jeudi matin, quelques heures seulement après sa sortie du TCS, des informations, relayées par certains médias et sur les réseaux sociaux annoncent un retour de Cyrus NGO’O devant le TCS. Selon les auteurs, le Directeur Général du PAD aurait obtenu l’autorisation de rentrer à Douala chercher des documents permettant de le laver des soupçons de détournement de deniers publics.

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Vendredi, une autre information, faisant état de la tenue d’un Conseil d’Administration extraordinaire au Port Autonome de Douala circule. Une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux est utilisée pour annoncer l’arrivée du PCA, Shey Jones YEMBE. Cette version fera long feu. A y voir de près, il ne s’agit pas du PCA, mais de Cyrus NGO’O.

Dans la foulée, d’autres informations, présentées comme « exclusives », annoncent la nomination de Jean Claude AYEM MAUGER comme DG du PAD en remplacement de Cyrus NGO’O, qui prendrait alors la route de la prison centrale de Kondengui. Puisqu’affirment ces sources, le PAD a été encerclé par la police. Rendus à ce lundi (trois jours plus tard), la nouvelle de la tenue d’un Conseil d’Administration, et celle de la nomination d’un nouveau DG ce sont avérées fausses.

 

ATOU, l’atout ?

Comment une simple dénonciation de ATOU Lazare est devenue l’atout des détracteurs de Cyrus NGO’O ? Pour comprendre, il faut remonter à 2018. Le 13 avril, le PAD lance un marché spécial, relatif au projet de sécurisation du périmètre, et le contrôle des accès au Port de Douala-Bonabéri.

Le marché attribué à la société PORTSEC S.A., porte sur un montant d’un peu plus de 32, 018 milliards de FCFA. Dont environ 25,369 milliards de FCFA de marché de base, et autour de 6,649 milliards de FCFA d’avenant (lire l’article sur les questions clé sur la sécurisation du Port de Douala-Bonabéri).

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Dans sa plainte au TCS, ATOU Lazare, Administrateur Général du Cabinet ATOU, aurait présenté plusieurs faits constitutifs de détournement de deniers publics. « La découverte d’un marché public d’une valeur de 5 milliards de FCFA, qui avait été attribué avant 2016 à une entreprise, pour la construction d’une clôture au Port de Douala-Bonabéri ; et qu’en 2018, ledit marché aurait subitement été réévalué à 28 milliards de FCFA et attribué à la société PORTSEC S.A., alors que les travaux restant à réaliser étaient estimés à 60% », rapporte la Cellule de Communication du PAD dans une mise au point faite ce 20 août.

« Par ailleurs, ajoute la Celcom, un avenant au marché principal, d’une valeur de 9 milliards de FCFA aurait été signé pour des travaux complémentaires fictifs. Il y est également évoqué des prétendus paiements de sommes importantes dans des paradis fiscaux, au profit de la société PORTSEC S.A., en violation de la réglementation bancaire applicable ».

 

La justesse

Au port Autonome de Douala, on appelle à la retenue. « La dénonciation faite devant le Tribunal Criminel Spécial serait une « réaction punitive » contre monsieur Cyrus NGO’O, pour son obstination à faire incorporer, dans le patrimoine du PAD, les actifs immobiliers résiduels de l’ex-Office National des Ports du Cameroun (ONPC), dont le cabinet ATOU se prévaut d’être liquidateur ».

D’après le dénonciateur (ATOU), le Directeur Général du Port Autonome de Douala, à travers ces actions, tenterait d’empêcher la découverte des faits de détournement de deniers publics d’un montant de plus de 53 milliards de FCFA dans la conception et l’exécution du Marché Spécial relatif au projet de sécurisation du périmètre et le Contrôle des Accès du Port de Douala-Bonabéri.

Après Bolloré, et Nassar Bou Hadir, Cyrus NGO’O doit donc désormais faire avec un nouvel ennemi. ATOU Lazare, qui apparaît comme l’atout ultime des anti-NGO’O. Mais cette stratégie se heurte à une donnée essentielle. Un consensus autour de ses actions au sein de la Communauté portuaire nationale, une sympathie populaire chez les camerounais, et, surtout, de précieuses rentrées d’argent dans les caisses de l’Etat, vidées par les nombreuses crises que connaît le Cameroun.

L’économie

Au 31 décembre 2020, le PAD a présenté un bilan largement satisfaisant. Les activités ont progressé de 17,34% en 2020, tirées par le Chiffre d’affaires, qui s’est établi à un peu plus de 65, 623 milliards de FCFA, pour un résultat bénéficiaire avant impôts de près de 9, 465 milliards de FCFA. Le résultat net quant à lui a augmenté de 17,34% (pour atteindre 6, 310 milliards FCFA) contre environ 5, 377 milliards de FCFA en 2019. Pour l’exercice budgétaire 2021 en cours, le Port Autonome de Douala a fixé ses prévisions de recettes à 125, 582 milliards de FCFA. Elles devraient alors progresser de 22,79%.

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Au sein de ses filiales, la contribution à l’économie nationale est palpable. Au terminal à conteneurs par exemple, la RTC a versé 11 milliards de FCFA de redevance d’exploitation de plus que l’ancien concessionnaire.

« On ne demande pas à un gestionnaire d’être honnête ! On lui demande des résultats ! La gestion d’une entreprise n’est pas un monastère, où professent des nonnes revêtues de robes noires ayant fait vœu de chasteté ! On demande à un gestionnaire des dividendes ! Autrement dit, on évalue la valeur de l’entreprise qu’on confie au gestionnaire, et à la fin de l’exercice, on évalue ce qu’il a apporté. Si c’est bon, il continue. Si c’est mauvais, il rembourse et dégage ! Point final ! », S’insurge l’économiste Dieudonné Essomba.

La presse

L’ex-cadre au Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire veut même aller plus loin. « Un Etat, ce n’est pas la morale, c’est l’efficacité ! C’est cette maudite approche qui est responsable de l’effondrement des entreprises d’Etat ! On s’en fiche du résultat, et on regarde s‘il a  volé ou non ! Qui vous a dit que l’honnêteté gère un pays ? Si quelqu’un vole 100 Milliards, alors qu’il vous apporte 500 Milliards que personne n’attendait, votre problème est où ? », Conclut-il.

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Alors qu’il entame sa première semaine post-TCS, Cyrus NGO’O peut déjà mesurer la capacité de nuisance qu’ont ses adversaires. ATOU, pourtant le plus petit de tous, a porté le coup médiatique le plus fort. Mais en apportant le débat dans l’arène médiatique, ils ont peut-être commis leur plus grande erreur. Au sein de l’opinion, les opérations de nationalisation des activités au PAD ont été saluées. Le Directeur Général a acquis l’image d’un administrateur patriote, mû par la volonté de confier aux camerounais, la gestion des affaires du Cameroun, avec des résultats probants.

Avec sa forte équipe de communication, le DG semble avoir opté pour une stratégie claire. Expliquer aux camerounais ce qu’il fait, comment il le fait et pourquoi il le fait. Sans s’attaquer à ceux qui semblent lui mettre les bâtons dans les roues. Sur cette lancée, le statut de « nouvelle proie de l’Epervier » qu’on veut lui attribuer aura de la peine à lui coller à la peau.

Frégist Bertrand TCHOUTA

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