Cameroun : Enquête sur les routes tortueuses de la Stratégie Nationale de Développement (SND30)

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Bien qu’il ait la plus grosse enveloppe budgétaire du gouvernement, le Ministère des Travaux Publics peine à atteindre les objectifs fixés par la Stratégie Nationale de Développement (SND30). Sur un objectif de 1 800 km de nouvelles routes prévus en 2022, seulement 1 379, 17 km ont été bitumées. Soit un taux de réalisation de l’objectif de 76,6 % et une sous réalisation cumulée de 420,83 km. « En intégrant les livraisons envisagées en 2023, le linéaire de routes bitumées sur ces quatre premières années de la SND30 sera porté à 1 798,53 km, contre 2 400 km d’objectifs. Le taux de réalisation de l’objectif sera ramené à 74,9% », anticipe le département ministériel.

A ce jour, 16 projets de construction et reconstruction ont été achevés et livrés. Parmi ceux-ci, figurent l’autoroute Kribi-Lolabe (38,5 km) et les 4 km de voies de rétablissement ; la phase I de l’autoroute Yaoundé-Douala (60km) ; le pont frontalier de la Cross River entre Ekok au Cameroun et Mfum au Nigéria ; la route Batchenga-Ntui (21 km) avec la construction d’un pont de 400 mètres linéaires sur le fleuve Sanaga à Nachtigal ; la route Lena-Tibati-Ngatt sur un linéaire de 165 km ; la route Maroua-Bogo : 39 km ; la route Mengong-Sangmelima (74 km), pour ne citer que ces tronçons-là (voir tableau)

Réhabilitations

S’agissant de réhabilitations, la performance au 31 décembre 2022 a été de 611,12 km de routes bitumées, réhabilitées contre un objectif de 900 km, soit 67,9%. Avec les réhabilitations à achever en 2023, les quatre (04) premières années de la SDN30, auront permis de réhabiliter 674,85 km de routes bitumées, contre un objectif 1200 km. La performance reculera ainsi de 11,6 points, pour s’établir à 56,2%, traduisant un faible rythme de réhabilitation du réseau routier bitumé.

Avec près de 486,563 milliards de FCFA (budget modifié à la suite de l’Ordonnance du 02 juin 2023), pourquoi le département ministériel confié à Emmanuel Nganou DJOUMESSI n’arrive-t-il pas à attendre ses objectifs ? La réponse, il faut la trouver dans la SND30 elle-même. En se fixant des objectifs à atteindre, le gouvernement a omis de se donner les moyens de les atteindre. En effet, en 2023 par exemple, les allocations budgétaires destinées aux interventions routières couvrent seulement 27,09% des besoins exprimés. Pour le Fonds Routier, l’argent disponible (49 milliards budgétisé) couvre seulement 08,73% des attentes en matière d’entretien routier. L’État s’est-il tiré une balle dans le pied ?

Dans son allocution donnée à l’occasion de l’ouverture du Salon de l’Action Gouvernementale (SAGO 2023), Emmanuel NGANOU DJOUMESSI ne s’est pas montré tout à fait à l’aise avec la SND30. Pour l’ingénieur de l’Etat, la ressource financière n’est pas la seule cause des retards. « Ces retards résultent d’une conjoncture économique et financière difficile ainsi que d’un environnement sécuritaire préoccupant dans certaines localités. Ce qui entraine un faible taux de couverture des besoins budgétaires exprimés, un rallongement des délais d’exécution, un renchérissement des coûts des prestations, l’abandon des chantiers, une non maîtrise des coûts, selon le cas, et comme conséquence pernicieuse, le désintérêt des entreprises ».

Dans son explication, le ministre cite par exemple, les axes routiers, Pont de Salah-Garoua (120 km), Douala-Bafoussam (237 km), Mora-Dabanga-Kousséri (205 km), Douala-Limbe-Idenau (92 km) et bien d’autres qui ne sont pas réhabilités. A ceux-là, il ajoute les axes Mamfe-Akwaya (95 km), Ebolowa-Akom II-Kribi (170 km), Olounou-Oveng (70 km) ne sont pas construites, etc. qui cristallisent d’ailleurs l’actualité.

Solutions

Réaliser 76,6 % des objectifs sur le linéaire de nouvelles routes bitumées ce n’est pas mauvais. Mais au MINTP, on veut faire mieux. Pour cela, plusieurs pistes devant notamment répondre aux contraintes sont envisagées. Maintenir le train des réformes, pour optimiser l’utilisation des moyens disponibles et les choix techniques ; rationalisation des options techniques ; maîtrise des coûts ; recours aux sources de financements alternatifs, amélioration de la gouvernance administrative et financière du secteur ; retour aux travaux en régie ; engagement citoyen dans la protection du patrimoine routier…la palette des possibilités est large.

S’agissant par exemple des réformes, « l’esprit interroge les procédures d’acquisition, les paiements, etc. ; par exemple, les décomptes émis dans le cadre des travaux routiers sont désormais examinés, pour être rejetés ou validés, en guichet unique dans le cadre des réunions mensuelles des chantiers », avance Nganou DJOUMESSI.

Pour soulager le trésor public dans la poursuite des investissements routiers, le MINTP annonce la poursuite du recours aux Partenariats Public-Privé déjà engagés. Certains projets comme celui de la construction des postes de péages routiers automatiques, ou encore avec l’autoroute Yaoundé-Douala (2), sont des exemples vivants.

Réserves…

Mais ici encore, pourrait se heurter à des difficultés. Dans un rapport produit en 2023, le Ministère des Finances relève plusieurs faiblesses dans la mise en œuvre des projets sous PPP au Cameroun. « Encadrement insuffisant du recours au PPP, faible analyse de la soutenabilité financière » sont les principales faiblesses. Pour le département dirigé par Louis Paul MOTAZE, « la négociation des termes des contrats se fait sans la présence des services en charge du cadrage budgétaire (DGB et DGEPIP), entrainant une insuffisante prise en compte de l’espace budgétaire de l’Etat ». A ceci, s’ajoute « l’irréalisme de certaines hypothèses des modèles financiers (qui) conduit à une mauvaise évaluation des loyers à verser par l’Etat ».

Le poste de péage automatique de MBEKA’A, sur l’autoroute Kribi-Lolabé est une illustration parfaite de cette sortie du MINFI. Moins d’un an après sa mise en service, l’Etat du Cameroun et le partenaire Kribi Highway Management (entreprise de projet créée par CHEC) sont revenus à la table des négociations. Objectif : réviser le contrat de partenariat public-privé (PPP), après que les deux parties aient constaté un gap de 3,5 milliards de FCFA entre les charges d’EMG (prestations des services de collecte de péage, de transport de fonds, de gestion de trafic, services d’entretien de l’autoroute et équipements d’exploitation) et les recettes du péage.

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