Les travaux ont repris sur la route Awae-Esse-Soa. Après la résiliation des contrats de Super Confort et BOFAS, l’entreprise chinoise CFHEC, récemment contractualisée par le gouvernement, densifie ses interventions sur le terrain. Nous sommes après la première décade du mois d’avril 2024. Sur la section Esse-Soa (49 km), l’exécution des couches de fondation et de base est perceptible. « Les couches préparées notamment au niveau des Pk 29+ 900, 34 et 39 seront protégées par du 0/31,5 avant l’intensification des pluies, dans le but de préserver ces travaux avant la pose de la couche de roulement » rapporte la Cellule de la Communication du Ministère des Travaux Publics (MINTP).
Parmi les ouvrages importants de cette section, figure la construction des ponts sur les rivières Afamba et Nzoui. Sur la rivière Afamba, l’entreprise poursuit l’implantation du pont, de même qu’elle procède aux enrochements. Il s’agit d’une étape préalable à la pose de l’ouvrage cadre. Sur la rivière Nzoui, on attend les derniers raccords pour la mise en service de l’ouvrage dans les tous prochains jours.
Sur ce tronçon routier inscrit dans le cadre du Plan d’Urgence Triennale pour l’accélération de la Croissance économique (Planut), les travaux connaissent des difficultés. La présence d’un point d’eau à déniveler au Pk 39, rend difficile l’aménagement d’un talus. Au niveau du PK 16, la libération des emprises nécessite l’utilisation d’explosifs. Sans contrat sur cette route (idem pour la mission de contrôle), le chinois CFHEC est dans l’incapacité d’entamer les démarches d’acquisition de ce type de matériel auprès des institutions compétentes.
L’urgence, à pas de tortue
A elle seule, la route Awae-Esse-Soa capte tous les tares des projets du volet routier du PLANUT. Un programme présidentiel lancé en 2015 et dont le but était « d’accélérer la mise en œuvre du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), pour in fine renforcer les performances de l’économie nationale et améliorer les conditions de vie des populations », comme le précise le Rapport général sur la mise en œuvre dudit plan (2015-2017) publié par les services du Premier Ministre.
Démarré en 2016 par l’entreprise à capitaux nigérians ATIDOLF, le chantier connaît rapidement de nombreuses difficultés. Abandon du chantier, engins à l’arrêt, non-paiement des employés et des prestataires de service…la liste est longue. Pourtant, apprend-on à l’époque, depuis le début des travaux, un peu plus de 12,5 milliards de FCFA ont été virés dans le compte d’ATIDOLF NIGERIA Ltd.
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En octobre 2019, soit plus de cinq ans après, Emmanuel Nganou Djoumessi Ministère des Travaux Publics résilie le contrat qui le lie à l’entreprise nigériane. Il décide, dans la foulée, d’adopter une stratégie qui deviendra sa « marque déposée ». Le fractionnement du chantier en deux lots (Awae-Esse et Esse-Soa), qu’il réattribue à Super Confort et BOFAS, également à capitaux nigérians. Mais là aussi, la nouvelle option ne portera pas la promesse des fleurs. En 2023, les deux entreprises sont chassées du chantier, et le MINTP fait appel au chinois CFHEC, qui, depuis lors, reste sur un taux d’exécution de 5,55%.
Contraintes
Comme c’est le cas sur la route Awae-Esse-Soa, aucun projet du volet routier du Planut n’est achevé, près de dix ans plus tard (voir graphique). Dans son volet routier, le projet prévoyait la construction des routes de désenclavement des bassins de production. Il s’agit notamment des axes Ngaoundéré-Paro (actuellement réalisé à hauteur de 28,46%), Foumban-Koumpamatapit-Limite Ouest/Nord-Ouest (36,12%) ; Maroua-Bogo, Douala-Bonepoupa (8,3%) ; et Awae-Esse-Soa (5,55%) ; Kumba-Ekondo Titi (32%).
Comment comprendre cet échec de ce programme cher à Paul BIYA, soigneusement inséré dans son message à la Nation en 2015 ? Le Coordonnateur du PLANUT rencontré au MINTP en marge de la revue des projets de ce département ministériel n’a pas souhaité répondre à nos questions. Une documentation mise à notre disposition par le MINTP permet cependant de comprendre les causes de cette progression au ralenti du programme d’urgence.
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Faible capacité financière des entreprises (pourtant recrutées notamment sur la base de leurs capacités financières) ; déclarations erronées du parc des engins, manque de personnel adéquat pour conduire les travaux…la liste est longue.
Le cas de la route Ngaoundéré-Paro est l’un des plus éclatants. Dans la fiche du projet que BOUGNA a pu consulter, le gouvernement présente une liste de défaillance. Faible mobilisation en matériel ; Absence de certains personnels d’encadrement (Conducteur des travaux, Ingénieur Routier, Ingénieur d’étude, etc.) induisant une insuffisance sur le plan organisationnel ; Absence du chronogramme d’achèvement des travaux validé, ajouté à cela, les travaux de terrassements et chaussées en arrêt depuis le 09 avril 2024.
Mais il y a pire. « Les travaux sont en arrêt du PK 39 au PK fin depuis plus d’un an. On observe le non-achèvement des études d’exécution après plus de 54 mois et la démobilisation de tout le personnel du bureau d’étude. Enfin, le chantier connaît des difficultés, notamment du fait des très faibles Stocks des granulats pour les couches de chaussées ».
Solutions ?
A ce jour, nous n’avons pas pu avoir le volume de l’enveloppe déjà débloquée pour financer ces travaux. Dans son rapport sur le premier triennat 2015-2017, la Primature avançait la somme de 565,528 milliards de FCFA pour l’ensemble du PLANUT. Dont « 50 milliards de FCFA mobilisés pour les travaux de construction de deux axes de désenclavement dans chaque Région du pays, la construction des ouvrages de retenue d’eau et l’aménagement des périmètres hydro-agricoles dans les Régions septentrionales, ainsi que la construction de certains agropoles ». En 2020, cette enveloppe atteignait déjà les 855,960 milliards de FCFA. Un argent obtenu via des emprunts contractés auprès d’un pool bancaire local et des institutions internationales (eurobonds).
Redonner de l’élan à ces projets pour certains à l’arrêt, c’est ce que tente de faire Emmanuel Nganou Djoumessi. Sur la route Kumba-Ekondo Titi, dont le chantier restait bloqué par la crise sécuritaire, le Ministre a fait appel au Bataillon d’Intervention Rapide. L’unité d’élite de l’armée camerounaise, contractualisée en 2023, a réussi à sécuriser le chantier, et à imprimer une cadence acceptable. Sur la route Ngaoundéré Paro, une décision portant résiliation du contrat avec China State Construction Engineering Corporation (CSCEC). Un suivi plus étroit est prévu sur les autres chantiers. Mais cela suffira-t-il ?
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