Isidore Kahe Feukou : « La fatigue, la somnolence et/ou des défaillances techniques des véhicules sont à l’origine de l’accident de Batié »

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Isidore Kahe Feukou Président Pyramide Prévention. Crédit Photo: bougna.net

La semaine s’achève avec une catastrophe dans la région de l’Ouest. Un choc frontal entre un bus de transport interurbain et un camion a fait au moins 20 morts. Les informations officielles n’ont pas encore été communiquées. Mais pour le spécialiste de la sécurité routière que vous êtes, quelles sont les raisons possibles que vous pouvez donner à cet accident ?

Avant de répondre à votre question, je voudrai rappeler que j’étais dans la région de l’Ouest ce weekend. J’ai emprunté cette route pour rejoindre Douala. Vraisemblablement, l’accident est survenu quelques heures après le passage de mon véhicule.

Pour revenir à votre question, je dirai que les causes d’accidents de la circulation sont innombrables. Notamment l’état de la route qui peut également être une autre cause lorsque nous savons bien que nos routes sont jonchées de nids de poule et très mal entretenues. Je prends l’exemple de ce tronçon de la route nationale numéro 5 (Kenem-Badjoun) qui est très dégradé.

Lorsqu’on observe les images largement publiées sur les réseaux sociaux, on constate que les deux conducteurs n’ont apparemment pas eu le temps de s’esquiver. Peut-on évoquer la thèse du sommeil ou d’une défaillance technique des deux véhicules ou de l’un d’entre eux ?

J’ai une analyse perplexe du comportement des 2 conducteurs. Il ne fait aucun doute, comme vous le relevez si bien, que la fatigue, la somnolence et/ou des défaillances techniques des véhicules puissent être à l’origine de cette collusion frontale.

Lorsqu’une collision entre un camion de 12 tonnes et un minibus de transport en commun fait couler autant de sang sur les routes, il faut s’interroger sur la nature des visites techniques dans notre société. Pourquoi avoir un document de visite technique homologué et ensuite être en train de circuler avec des mécanismes de freinage et des pneus usagés.

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Le Coaster du transporteur « Sincérité Voyage » semblait plein. Avec, comme d’habitude, des rangées de cinq places, pour un véhicule qui doit avoir des rangées de quatre places. La surcharge du véhicule a-t-elle accentué le caractère dramatique de l’accident ?

La problématique de la norme doit s’imposer et nous devons nous questionner sur le bon respect des normes. Le Cameroun semble trop loin de l’application des normes dans le domaine des transports. Comment comprendre que le véhicule minibus japonais fabriqué pour transporter 26 personnes assises et 26 ceintures de sécurité se retrouve avec une carte grise de 30 places assises pour 26 ceintures de sécurité ? Pire encore l’éducation sur le port de la ceinture de sécurité n’est pas exigible. Ce qui est plus ou moins réprimandé par la loi. A mon avis, à ce rythme, nous aurons toujours des morts de trop sur nos routes.

Les accidents de la route tuent chaque année 1,3 millions de personnes dans le monde et une grande partie de ce fléau touche l’Afrique. Le Cameroun est également très affecté par ces accidents de la route qui endeuillent nos familles. Nous sommes convaincus qu’une partie du problème peut être résolue en soutenant les activités des organisations de la société civile qui œuvrent dans le cadre de l’éducation et la sensibilisation à la sécurité routière.

Au Cameroun, nous avons l’impression que les accidents de la route sont considérés comme une fatalité alors que c’est à nous d’agir pour rendre la route plus sûre.

L’accident de la route qui s’est déroulé à Batié sur la RN5 peut bien être considéré comme un présage. Il montre l’état de vétusté du parc automobile de notre environnement. Le ministère des transports devrait interdire l’importation des pneus d’occasion qui contribuent au cause d’accident de la route.

Quelles sont les mesures que vous préconisez pour une limitation du nombre de morts sur nos routes ?

Mourir gratuitement sur nos routes nous amène à nous interroger sur plusieurs aspects. Pourquoi nos infrastructures routières ont aujourd’hui une durée de vie très courte relevant de la qualité de la réalisation et du rôle de la mission de contrôle pendant la construction d’un ouvrage ?

Pourquoi la visite technique automobile semble être juste un document nécessaire pour franchir un contrôle de police? Pourquoi n’y a-t-il pas une véritable mise en place des projets de sensibilisation et de l’éducation routière en milieu scolaire, en entreprise, dans la rue auprès des populations. Pourquoi le Code de la route communautaire CEMAC n’est-il pas en application effective au Cameroun puisqu’il oblige le port de la ceinture à l’avant même dans les taxis.

Que proposez-vous donc concrètement ?

Systématiquement, les mesures à préconiser sont l’interdiction des pneus d’occasion, faire respecter la signalisation routière en faisant installer les panneaux de types SR3b informations de sécurité routière. Associer les organisations de la société civile dans les programmes de sensibilisation initiée par le ministère ou les associations; respecter la norme de construction automobile sur la mise en circulation et par la suite accentuer le contrôle médical des conducteurs. Car selon un rapport du ministère des transports; 96% des conducteurs ont une mauvaise vues.

 

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